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04/06/2018 | FRANCE | N°15DA01405-15DA01406

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 juin 2018, 15DA01405-15DA01406


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 26 mai 2011 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens a mis fin à ses fonctions de chef de service du laboratoire d'immunologie.

Par un jugement n° 1303077 du 19 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Par une seconde requête, M. A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) d'Ami

ens à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice résultant de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 26 mai 2011 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens a mis fin à ses fonctions de chef de service du laboratoire d'immunologie.

Par un jugement n° 1303077 du 19 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Par une seconde requête, M. A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice résultant de la décision du 26 mai 2011 par laquelle le directeur de cet établissement a mis fin à ses fonctions de chef de service du laboratoire d'immunologie et du harcèlement moral dont il a fait l'objet, d'autre part, de condamner l'université de Picardie Jules Verne à lui verser la somme de 55 000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont il a fait l'objet.

Par un jugement n° 1401686 du 19 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 19 août 2015 sous le n° 15DA01405 et un mémoire enregistré le 11 avril 2018, M.D..., représenté par Me C...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401686 du tribunal administratif d'Amiens du 19 juin 2015 ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens et l'université Picardie Jules Verne à lui verser, respectivement, les sommes de 75 000 euros et de 55 000 euros, augmentées des intérêts moratoires à compter de la réception de la réclamation préalable, ces intérêts devant être capitalisés ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Amiens et de l'université Picardie Jules Verne le versement, chacun, de la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

II) Par une requête enregistrée le 19 août 2015 sous le n° 15DA01406 et un mémoire enregistré le 11 avril 2018, M.D..., représenté par Me C...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303077 du tribunal administratif d'Amiens du 19 juin 2015 ;

2°) d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier universitaire d'Amiens du 26 mai 2011 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Amiens la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

-et les observations de Me B...E..., représentant l'université de Picardie Jules Verne.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., professeur des universités-praticien hospitalier, en charge du laboratoire d'immunologie du centre hospitalier universitaire d'Amiens depuis septembre 1998, a, par décision du 29 avril 2011, été renouvelé pour une durée de quatre ans pour exercer les fonctions de chef de service du laboratoire d'immunologie à compter du 1er janvier 2011. Toutefois, par une décision du 26 mai 2011, le directeur général du centre hospitalier universitaire par intérim a mis fin, " dans l'intérêt du service ", à ses fonctions de chef de service à compter du même jour. M. D...n'a pas été renouvelé, à compter de janvier 2012, dans ses fonctions de directeur de l'unité de recherches immunologie. Par un jugement n° 1303077 du 19 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de M. D...tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2011. Par un jugement n° 1401686 du même jour, il a également rejeté son recours indemnitaire. Par les deux requêtes susvisées, qu'il y a lieu de joindre, M. D...relève appel de ces deux jugements.

Sur la régularité des jugements :

2. D'une part, si M. D...soutient que le jugement n° 1401686 n'a pas répondu à l'ensemble des moyens qu'il avait soulevés en première instance, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés à l'appui du moyen tiré de l'existence d'un harcèlement moral.

3. D'autre part, le jugement n° 1303077 vise le mémoire en réplique de M.D..., enregistré le 1er juin 2015. Ce mémoire ne comportait aucun moyen nouveau. Ainsi, en l'analysant de cette manière, le tribunal administratif n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, selon lesquelles la décision juridictionnelle doit notamment comporter l'analyse des conclusions et mémoires des parties.

Sur les conclusions d'excès de pouvoir :

4. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

5. En l'espèce, M. D...a nécessairement eu connaissance de la décision du 29 avril 2011 qu'il conteste au plus tard le 14 mars 2012, date à laquelle il a adressé au président de l'université de Picardie Jules Verne un courrier en faisant état. Il n'a saisi le tribunal administratif que le 25 novembre 2013, soit après l'expiration du délai d'un an mentionné au point 1 ci-dessus. Par suite, le recours pour excès de pouvoir formé par le requérant devant le tribunal administratif d'Amiens était irrecevable.

6. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Les conclusions indemnitaires présentées par M. D...sont dirigées tant contre le centre hospitalier universitaire d'Amiens que contre l'université Picardie Jules Verne.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le centre hospitalier universitaire d'Amiens :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R.6146-5 du code de la santé publique : " Il peut être mis fin, dans l'intérêt du service, aux fonctions de responsable de structure interne, service ou unité fonctionnelle par décision du directeur, à son initiative, après avis du président de la commission médicale d'établissement et du chef de pôle. Cette décision peut également intervenir sur proposition du chef de pôle, après avis du président de la commission médicale d'établissement (...) ". M. D...soutient que la décision du 26 mai 2011 par laquelle il a été mis fin à ses fonctions de chef de service n'aurait pas été prise dans l'intérêt du service. Il résulte de l'instruction que le requérant avait créé puis dirigé, au sein de l'université de Picardie Jules Verne, une unité de recherche d'immunologie labellisée Inserm en janvier 2003. Le 15 avril 2010, il a proposé aux membres de l'unité de recherche d'immunologie de ne pas demander le renouvellement du label Inserm mais le simple statut d'équipe d'accueil de l'Inserm. Le 5 octobre 2010, l'université de Picardie Jules Verne a provoqué, hors de sa présence, une réunion au cours de laquelle les membres de l'unité de recherche en immunologie ont souhaité à l'unanimité conserver la labellisation Inserm sous la direction du professeur D...ou à défaut d'un autre professeur. M. D...ayant refusé de porter ce projet, il a été confié à un autre professeur. Ces évènements ont dégradé les relations, déjà caractérisées par des difficultés de communication, entre le requérant et les équipes qu'il encadrait en sa double qualité de chef du laboratoire d'immunologie du centre hospitalier universitaire d'Amiens et de directeur de l'unité de recherche d'immunologie de l'université de Picardie Jules Verne. Dans ces conditions, la décision du centre hospitalier universitaire du 26 mai 2011 retirant à M. D... ses fonctions de chef de service du laboratoire d'immunologie ne peut être regardée comme reposant sur des motifs étrangers à l'intérêt du service.

9. Le requérant soutient, en deuxième lieu, qu'il a été victime d'un harcèlement moral. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que le retrait des fonctions de chef du service immunologie, légalement décidé pour un motif tiré de l'intérêt du service, ne peut être regardé comme constitutif d'un harcèlement moral.

11. S'il est constant que M. D...ne dispose plus d'un bureau depuis le retrait de ses fonctions de chef de service, il ne résulte pas de l'instruction que les fonctions conservées par le requérant auraient nécessairement exigé l'attribution d'un bureau personnel. Le centre hospitalier a d'ailleurs proposé au requérant de partager un bureau avec un autre praticien. Le requérant a décliné cette proposition en estimant que le local était trop exigu. La suppression du terme " Professeur ", remplacé par " Docteur ", sur l'emplacement qui lui était réservé sur le parking, ne peut, malgré sa maladresse, être regardée comme un indice de harcèlement. Ainsi, le harcèlement moral allégué n'est pas établi.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'université de Picardie Jules Verne :

12. Si le requérant n'a pas été reconduit dans ses fonctions de directeur de l'unité de recherche d'immunologie à compter du mois de janvier 2012, il ne bénéficiait pas d'un droit à ce que ces fonctions soient renouvelées. Il résulte de l'instruction que les difficultés de communication et les divergences entre M. D...et les autres membres de cette unité de recherche sont à l'origine de la décision ainsi prise par l'université. S'il est constant que certains cours de troisième année de licence, dont il avait la charge depuis plusieurs années, ont été attribués à un autre enseignant, le requérant s'est vu confier des cours de deuxième année. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été écarté de la direction de thèse qu'il assurait, ni que l'université aurait délibérément tenté de l'empêcher de prendre connaissance des travaux menés par certains post-doctorants. La diminution des moyens matériels mis à sa disposition par l'université est la conséquence du retrait des fonctions de directeur de l'unité de recherche d'immunologie. Il ne résulte pas de l'instruction que l'université aurait systématiquement cherché à le dénigrer, à lui cacher des informations le concernant, ou à l'isoler. Le refus de l'université, à le supposer avéré, de lui confier une clef du parking, ne saurait révéler à lui seul un comportement de harcèlement moral de la part de l'université. Compte-tenu de l'ensemble de ces éléments, M. D...ne peut être regardé comme établissant avoir été victime d'un harcèlement moral.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire d'Amiens et l'université de Picardie Jules Verne, qui ne sont pas les parties perdantes, versent à M. D...la somme demandée par celui-ci au titre des frais engagés par celui-ci. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D...le versement, d'une part au centre hospitalier universitaire d'Amiens, d'autre part à l'université de Picardie Jules Verne, d'une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. D...sont rejetées.

Article 2 : M. D...versera, d'une part au centre hospitalier universitaire d'Amiens, d'autre part à l'université de Picardie Jules Verne, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761- 1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., au centre hospitalier universitaire d'Amiens et à l'université de Picardie Jules Verne.

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N°15DA01405,15DA01406


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01405-15DA01406
Date de la décision : 04/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. Quencez
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIES ; SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIES ; SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-06-04;15da01405.15da01406 ?
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