Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté urbaine de Dunkerque a demandé au tribunal administratif de Lille la condamnation de l'Etat à lui verser, d'une part, la somme de 45 371 994 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison des fautes commises par l'administration fiscale dans la détermination des cotisations de taxe professionnelle auxquelles la société Arcelormittal Atlantique Lorraine a été assujettie au titre des années 2006 à 2009 et de la compensation de la disparition de la taxe professionnelle dite " compensation relais " au titre de 2010 et, d'autre part, une indemnité en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait pour l'administration de ne pas avoir assorti les redressements de taxe professionnelle assignés à la même société au titre des années 2006 à 2009 des intérêts de retard prévus par l'article 1727 du code général des impôts.
Par un jugement avant dire droit n° 1207176 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Lille a jugé que la responsabilité de l'Etat était engagée à l'égard de la communauté urbaine de Dunkerque à raison de la faute commise dans l'établissement des cotisations de taxe professionnelle au titre des années 2006 à 2009 et de la " compensation relais " au titre de l'année 2010, a sursis à statuer sur le montant du préjudice et ordonné un supplément d'instruction et a rejeté les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de l'absence d'application des intérêts de retard.
Par un jugement n° 1207176 du 28 décembre 2016, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à la communauté urbaine de Dunkerque une somme de 12 000 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2010, date de réception de sa demande et une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
Par un recours et des mémoires, enregistrés les 15 mars, 31 mai et 30 novembre 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour d'annuler l'article 1er du jugement du 28 décembre 2016.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- les observations de Me B...C..., représentant la communauté urbaine de Dunkerque,
- et les observations de MmeA..., représentant le ministre de l'action et des comptes publics.
Une note en délibéré, présentée pour le ministre de l'action et des comptes publics, a été enregistrée le 8 février 2018.
1. Considérant que la société Olis, devenue la société Arcelormittal Atlantique Lorraine, a bénéficié de la part de la société Sollac Atlantique, par traité du 18 mars 2005, d'un apport partiel d'actifs ; qu'estimant que les cotisations primitives de taxe professionnelle auxquelles a été assujettie la société Arcelormittal Atlantique Lorraine au titre des années 2006 à 2009 et la compensation de la disparition de la taxe professionnelle, dite " compensation-relais ", au titre de l'année 2010, étaient insuffisantes au regard des conséquences qu'avait entraîné sur les bases d'imposition l'apport partiel d'actif du 18 mars 2005, la communauté urbaine de Dunkerque a, par réclamation du 17 décembre 2010, demandé à l'Etat le versement d'une indemnité en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison des fautes commises par l'administration fiscale dans la détermination des cotisations de taxe professionnelle auxquelles la société Arcelormittal Atlantique Lorraine a été assujettie au titre des années 2006 à 2009 et de la compensation de la disparition de la taxe professionnelle dite " compensation-relais " au titre de 2010 ; que le ministre de l'économie et des finances relève appel du jugement du 28 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat en réparation de ce préjudice à verser à la communauté urbaine de Dunkerque une somme de 12 000 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2010 ; que la communauté urbaine de Dunkerque présente des conclusions d'appel incident tendant à ce que l'article 3 du jugement du 28 décembre 2016 rejetant sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser les sommes correspondant au préjudice découlant de la non-application de l'article 1727 du code général des impôts aux suppléments d'impôt assignés à la société Arcelormittal Atlantique Lorraine au titre des années 2006 à 2009 soit annulé ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que la communauté urbaine de Dunkerque a demandé au tribunal administratif de Lille la condamnation de l'Etat à lui verser une somme en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison des fautes commises par l'administration fiscale dans l'établissement des bases d'imposition à la taxe professionnelle de la société Arcelormittal Atlantique Lorraine au titre des années 2006 à 2010 ; que l'article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 a supprimé la taxe professionnelle et institué la contribution foncière des entreprises ; que ces dispositions prévoyaient qu'au titre de l'année 2010, l'Etat verserait aux établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre une compensation de la disparition de la taxe professionnelle dite " compensation-relais " se substituant à la taxe professionnelle, dont les modalités de calcul sont notamment fondées sur les bases imposables à la taxe professionnelle de l'année précédente ; qu'ainsi, le tribunal, en estimant dans le jugement du 28 décembre 2016 que la communauté urbaine de Dunkerque devait être regardée au titre de l'année 2010 comme demandant la condamnation de l'Etat à lui verser une somme en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison des fautes commises dans l'établissement de la " compensation-relais " au titre de cette année, a correctement qualifié les conclusions dont il était saisi et n'a pas statué ultra petita ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
3. Considérant que, si le tribunal a indiqué dans son jugement du 28 décembre 2016 que la restructuration de la société Arcelormittal Atlantique Lorraine correspondait à une opération de fusion-absorption alors qu'il s'agit d'un apport partiel d'actif, il s'agit, comme l'indique d'ailleurs le ministre de l'action et des comptes publics, d'une simple erreur de plume, qui est restée dépourvue d'incidence sur le raisonnement du tribunal ; que cette erreur de plume est, par suite, sans incidence sur la régularité du jugement ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La taxe professionnelle a pour base : 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période (...) " ; qu'aux termes du 3° quater de l'article 1469 du même code, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2009 : " Le prix de revient d'un bien cédé n'est pas modifié lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la cession et lorsque, directement ou indirectement : a. l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle ; b. ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise " ; qu'enfin, aux termes de l'article 1518 B du même code dans sa rédaction alors applicable : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux seules immobilisations corporelles directement concernées par l'opération d'apport, de scission, de fusion ou de cession, dont la valeur locative a été retenue au titre de l'année précédant l'opération (...) Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération (...) Les dispositions du présent article s'appliquent distinctement aux trois catégories d'immobilisations suivantes : terrains, constructions, équipements et biens mobiliers " ;
5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts que les cessions de biens qu'il vise s'entendent des seuls transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire ; que ces dispositions, dont les termes renvoient à une opération définie et régie par le droit civil, ne sauraient, dès lors, s'entendre comme incluant toutes autres opérations qui, sans constituer des cessions proprement dites, ont pour conséquence une mutation patrimoniale ; que l'opération par laquelle une société apporte une partie de ses éléments d'actif à une autre société en échange de titres de cette dernière doit être regardée comme une cession à titre onéreux au sens du droit civil dès lors que cette opération manifeste la rencontre de deux volontés, celle du cessionnaire et celle du cédant, et s'applique à une situation où, après l'opération, ces deux personnes subsistent ; que l'apport partiel d'actif par la société Sollac Atlantique au profit de la société Olis, devenue société Arcelormittal Atlantique Lorraine, à compter du 1er avril 2005, dès lors qu'il est constant que ces deux sociétés sont liées, entrait ainsi dans les prévisions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 1518 B de ce code ; que, par suite, pour les années 2006 et 2007, l'administration fiscale a fait une application erronée de la loi fiscale en ne déterminant pas les bases de la taxe professionnelle due par la société Arcelormittal Atlantique Lorraine au titre de ces années en faisant application des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ;
6. Considérant qu'il résulte en revanche de l'instruction que par une proposition de rectification du 22 décembre 2011, l'administration fiscale a notifié à la société Arcelormittal Atlantique Lorraine des rehaussements concernant les cotisations de taxe professionnelle auxquelles la société avait été assujettie au titre des années 2008 et 2009 ; que ces rehaussements, fondés sur les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, ont été mis en recouvrement le 30 avril 2014 ; qu'ainsi, au titre de ces deux années, l'administration fiscale a déterminé les bases de la taxe professionnelle due par la société Arcelormittal Atlantique Lorraine en faisant application des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ; que, toutefois, en application de ces dispositions, les immobilisations intégrant l'assiette de la taxe professionnelle de la société Arcelormittal Atlantique Lorraine devaient être évaluées selon leurs valeurs d'origine ; qu'il n'est pas contesté par le ministre de l'action et des comptes publics que pour déterminer le montant des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles la société Arcelormittal Atlantique Lorraine a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, les services fiscaux n'ont pas distingué entre les immobilisations acquises entre la dernière opération de fusion intervenue en 2001 et l'apport partiel d'actif de 2005 et celles reçues à l'occasion de la fusion de 2001 ; qu'ainsi, l'administration fiscale n'a pas déterminé, au titre des années 2008 et 2009, les bases taxables de la société Arcelormittal Atlantique Lorraine conformément aux dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ; qu'en outre, comme l'indiquait le ministre dans ses écritures adressées au tribunal à la suite du jugement avant dire droit, à la suite d'une erreur, le montant mis en recouvrement a été inférieur au montant notifié le 22 décembre 2011 ; que, par suite, au titre des années 2008 et 2009, l'administration fiscale a fait une application erronée des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts et n'a pas mis en recouvrement le montant résultant d'une exacte application de ces dispositions ;
7. Considérant que les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ont été abrogées à compter du 1er janvier 2010 par l'article 2 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, qui a supprimé la taxe professionnelle et instauré la contribution économique territoriale ; que, toutefois, l'article 2 de la loi du 30 décembre 2009 prévoit que le montant alloué au titre de la " compensation-relais " correspond au plus élevé des deux montants correspondant soit au produit de la taxe professionnelle perçue en 2009, soit au produit des bases de la taxe professionnelle 2010 par le taux de la taxe professionnelle 2009, dans la limite du taux de la taxe professionnelle 2008 majoré de 1 % ; que, par suite, l'application erronée des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts au titre de l'année 2009 par l'administration fiscale a emporté une détermination erronée du montant de la " compensation-relais " au titre de l'année 2010 ;
8. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la communauté urbaine de Dunkerque a, par deux courriers adressés aux services fiscaux au cours de l'année 2008, indiqué à ces derniers que les cotisations de taxe professionnelle auxquelles la société Arcelormittal Atlantique Lorraine avait été assujettie postérieurement à l'apport partiel d'actif du 1er avril 2005 n'avaient pas été correctement établies et que ces anomalies étaient constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que par sa réclamation indemnitaire du 22 décembre 2010, la communauté urbaine de Dunkerque a également demandé à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser du montant des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'application erronée des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts commise par l'administration fiscale dans l'établissement des bases d'imposition à la taxe professionnelle de la société Arcelormittal Atlantique Lorraine au titre des années 2006 à 2010 ; qu'ainsi, l'administration fiscale était en mesure de procéder, avant l'expiration du délai de reprise, pour les années 2006 à 2009, aux rectifications des cotisations de taxe professionnelle de la société Arcelormittal Atlantique Lorraine et, pour l'année 2010, à la rectification de la " compensation-relais " ;
9. Considérant que si l'administration fiscale fait également valoir que l'interprétation des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, selon laquelle ces dispositions sont applicables pour déterminer la valeur locative de biens cédés dans le cadre d'un apport partiel d'actifs, n'a été donnée que postérieurement aux années en litige par une décision du Conseil d'Etat du 7 novembre 2013, n° 355630 et que les cours administratives d'appel qui avaient été saisies de cette question avant cette décision retenaient une interprétation contraire, cette interprétation de la loi fiscale ne présente toutefois aucun caractère rétroactif et ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique ; que, par suite, et nonobstant les décisions rendues par certaines cours administratives d'appel, dont certaines n'étaient pas devenues définitives, l'administration fiscale n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que l'application erronée de la loi fiscale à laquelle elle a procédé ne constituerait pas une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat au titre des années en litige ;
10. Considérant que les contradictions de motifs invoquées par le ministre dans le jugement du 26 novembre 2015 ne sont pas fondées dès lors qu'elles constituent de simples erreurs de plume qui sont restées sans influence sur le raisonnement du tribunal qui fait clairement apparaître que la faute des services fiscaux est retenue au titre de toutes les années en litige et que le préjudice est déterminé par la différence entre le montant des cotisations effectivement perçues et celles qui auraient dû être établies conformément aux dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 9, que l'administration fiscale a commis des fautes lors de l'établissement et le recouvrement des cotisations de taxe professionnelle auxquelles la société Arcelormittal Atlantique Lorraine a été assujettie au titre des années 2006 à 2009 et de l'établissement de la " compensation-relais " à laquelle cette société a été assujettie au titre de l'année 2010 ;
Sur le lien de causalité :
12. Considérant qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et notamment du fait de ne pas avoir versé à cette collectivité ou à cette personne des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement à son profit ; qu'il résulte de l'instruction que le préjudice invoqué par la communauté urbaine de Dunkerque, qui correspond à la différence entre le montant des cotisations de taxe professionnelle et de " compensations-relais " auxquelles la société Arcelormittal Atlantique Lorraine a été effectivement assujettie et le montant de ces impositions auxquelles elle aurait dû être assujettie si ces impositions avaient été établies sans une application erronée de la loi fiscale, trouve sa cause directe et certaine dans les fautes de l'administration énoncées aux points 5 à 9 ;
Sur le préjudice :
13. Considérant que les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, qui prévoient que le prix de revient d'un bien cédé n'est pas modifié lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la cession et que les entreprises cessionnaire et cédante sont liées, s'appliquent à l'opération intervenue à effet du 1er avril 2005 entre la société Sollac Atlantique et la société Olis devenue la société Arcelormittal Atlantique Lorraine ; que les immobilisations intégrant l'assiette de la taxe professionnelle au titre des années litigieuses devaient ainsi être évaluées selon leurs valeurs d'origine ; que, comme l'a relevé le tribunal, l'administration fiscale, dans son évaluation du préjudice, s'agissant des immobilisations reçues par la société Sollac lors de l'opération de restructuration intervenue en 2001, n'a pas mis en oeuvre ce principe et n'a pas retenu la valeur à laquelle elles ont été cédées à la société Sollac, c'est-à-dire, le cas échéant, leur valeur nette comptable ; que la méthode de chiffrage de son préjudice par la communauté urbaine de Dunkerque ne mettait pas non plus en oeuvre ce principe ; que la comptabilité de la société Arcelormittal Atlantique Lorraine ne permettait cependant pas de connaître l'origine des différents biens et rendait ainsi impossible toute détermination du montant du préjudice exact résultant de l'application du principe précité ; que, toutefois, la méthode d'évaluation du préjudice proposée par l'administration fiscale, dès lors qu'elle remet en cause l'abattement qu'avait effectué la société Arcelormittal Atlantique Lorraine sur les biens transmis en application de l'article 1518 B du code général des impôts sans distinction de leur origine, conduit nécessairement à une évaluation du préjudice subi par la communauté urbaine de Dunkerque couvrant celui qui aurait résulté de l'application des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que les biens passibles de taxe foncière ne devaient donner lieu à aucun rappel ; que, dans ces conditions, il y a lieu, pour apprécier le préjudice subi par la communauté urbaine de Dunkerque, de retenir la méthode d'évaluation proposée par l'administration fiscale qui assure nécessairement une prise en compte de l'entier préjudice subi ;
14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que selon la méthode d'évaluation retenue par l'administration fiscale résultant d'une nouvelle évaluation des valeurs locatives des quatre établissements de Dunkerque et de Grande-Synthe remettant en cause l'abattement pratiqué sur les biens transmis en application de l'article 1518 B et prenant en compte le taux d'imposition voté par la collectivité, le préjudice subi au titre des années 2006 et 2007 par la communauté urbaine de Dunkerque s'élève à 5 141 736 euros ; que pour les années 2008 et 2009, compte tenu des impositions supplémentaires déjà mises en recouvrement, le préjudice s'élève à la somme de 126 988 euros ; qu'au titre de la " compensation-relais " de l'année 2010, les collectivités ayant perçu une " compensation-relais " garantissant un niveau de ressources au moins égal à celui de l'année précédente, le montant du préjudice doit être évalué à la somme de 2 454 179 euros ; que, par suite, le préjudice subi par la communauté urbaine de Dunkerque au titre des années 2006 à 2010 doit être évalué à la somme totale de 7 722 903 euros ;
15. Considérant, d'autre part, que le montant du préjudice indemnisable résultant des sous-évaluations des bases servant à la détermination des cotisations de taxe professionnelle et de la " compensation-relais " de certains établissements doit être calculé en prenant en compte non seulement les insuffisantes évaluations des bases mais aussi la surévaluation des bases d'autres établissements constatée à l'occasion de l'examen des réclamations ; que, toutefois, la surévaluation des bases d'autres établissements ne peut être prise en compte dans la détermination du montant du préjudice indemnisable que s'il existe un lien de causalité entre cette surévaluation et la faute commise par l'administration ;
16. Considérant que lorsque la faute de l'administration fiscale résulte de l'application erronée d'une disposition législative ou réglementaire conduisant à la réduction des bases imposables à la taxe professionnelle de certains établissements, les surévaluations des bases d'autres établissements ne peuvent être prises en compte que si ces surévaluations sont le fait de l'application erronée d'une disposition législative ou réglementaire quelle qu'elle soit servant à la détermination et à l'évaluation des bases imposables à la taxe professionnelle ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que huit dégrèvements de taxe professionnelle fondés sur une surévaluation des bases imposables ont été prononcés au cours des années en litige au profit de sociétés exploitant des établissements situés sur le territoire de la communauté urbaine de Dunkerque ; que sur ces impositions ainsi dégrevées, la part de recettes fiscales perçues par la communauté urbaine de Dunkerque s'élève à un montant de 6 736 306 euros ; que, toutefois, si six de ces dégrèvements ont été prononcés en raison d'une application erronée d'une disposition législative conduisant à la détermination et à l'évaluation des bases imposables, deux de ces dégrèvements prononcés au profit des sociétés Comilog Dunkerque et GN Vert au titre de l'année 2008 l'ont été en raison d'erreurs commises par le contribuable lors de la souscription de sa déclaration dans le montant des éléments servant au calcul des bases de la taxe professionnelle ou dans les éléments devant être pris en compte dans ce calcul ; que ces deux dégrèvements prononcés qui sont sans lien avec la faute commise par l'administration et qui, sans cette faute, seraient demeurés à la charge de l'Etat, ne peuvent être pris en compte dans la détermination du montant du préjudice subi par la communauté urbaine de Dunkerque ; qu'ainsi, le ministre est seulement fondé à demander la prise en compte d'une somme de 6 047 155 euros ; que, par suite, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la communauté urbaine de Dunkerque une somme de 1 675 748 euros, qui portera intérêt au taux légal à compter du 22 décembre 2010, date de réception de sa réclamation indemnitaire préalable par les services de l'Etat ;
Sur les conclusions d'appel incident :
17. Considérant que la communauté urbaine de Dunkerque demande à ce que l'Etat soit condamné à lui verser les sommes correspondant au préjudice découlant de la non-application de l'article 1727 du code général des impôts aux suppléments d'impositions assignés à la société Arcelormittal Atlantique Lorraine au titre des années 2006 à 2009 ; que si, en plein contentieux d'assiette, la demande tendant à la décharge des intérêts de retard prévus par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts constitue pour le contribuable des conclusions accessoires à ses conclusions aux fins de décharge de l'imposition principale mise à sa charge et contestée devant le juge de l'impôt, une demande indemnitaire présentée par un établissement public de coopération intercommunale fondée sur la non-application des dispositions de l'article 1727 du code général des impôts à des suppléments d'impôt assignés à un contribuable constitue en revanche, en plein contentieux indemnitaire, une demande distincte de la demande indemnitaire présentée par le même établissement public de coopération intercommunale résultant de l'application erronée de dispositions législatives conduisant à une sous-évaluation des bases imposables à la taxe professionnelle de ce même contribuable dès lors qu'il s'agit d'un préjudice distinct et d'une faute distincte reprochée à l'Etat ; qu'en l'espèce, il n'est pas établi que la communauté urbaine de Dunkerque aurait présenté une réclamation préalable de nature à lier le contentieux portant sur ce préjudice et cette faute de l'Etat ; qu'en conséquence, la communauté urbaine de Dunkerque n'est pas recevable à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une quelconque somme d'argent au titre de cette faute de l'Etat ; que, par suite, la communauté urbaine de Dunkerque n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions sur ce point comme irrecevables ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est seulement fondé à demander à ce que le montant auquel il a été condamné à verser au titre du préjudice subi par la communauté urbaine de Dunkerque, à raison des fautes commises par les services fiscaux dans l'établissement des cotisations de taxe professionnelle auxquelles a été assujettie la société Arcelormittal Atlantique Lorraine au titre des années 2006 à 2009 et de la compensation-relais au titre de l'année 2010, soit ramené à une somme de 1 675 748 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la communauté urbaine de Dunkerque une somme de 1 675 748 euros, qui portera intérêt au taux légal à compter du 22 décembre 2010, date de réception de sa réclamation indemnitaire préalable par les services de l'Etat.
Article 2 : Le jugement n° 1207176 du 28 décembre 2016 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la communauté urbaine de Dunkerque.
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N°17DA00495