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20/02/2018 | FRANCE | N°16DA00758

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 20 février 2018, 16DA00758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Rouen, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1302823 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Rouen a réduit la base des revenus imposables de M. E...de la somme de 1 000 euros pour l'année 2010 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.E....

Procédure devant la co

ur :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2016, M.E..., représenté par Me C... D...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Rouen, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1302823 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Rouen a réduit la base des revenus imposables de M. E...de la somme de 1 000 euros pour l'année 2010 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.E....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2016, M.E..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1302823 du 25 février 2016 ;

2°) de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

1. Considérant que M. E...a fait l'objet d'une procédure d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des revenus perçus en 2009, 2010 et 2011 ; que l'intéressé a fait l'objet d'une réintégration dans son revenu imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux de subsides versés par sa mère, Mme F... B..., et perçus par celle-ci dans le cadre de son activité de prostitution ; que par jugement du 25 février 2016, le tribunal administratif de Rouen a réduit la base des revenus imposables de M. E...de la somme de 1 000 euros pour l'année 2010 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête ; que M. E...doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° " ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure (...) 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite " ; que selon l'article 18 IX de la loi 2009-1674 du 30 décembre 2009, les dispositions précitées du 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales sont applicables aux procédures de contrôle engagées à compter du 1er janvier 2010 ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des procès-verbaux d'audition des 30 et 31 mai 2012 établis dans le cadre d'une instance pénale que MmeB..., mère de M. E..., se livrait de façon habituelle à la prostitution et a versé à son fils, en 2009, 2010 et 2011, des subsides ; que M. E...ne justifie d'aucune ressource propre, son train de vie étant assuré par le profit de l'activité exercée par sa mère ; que cette activité revêtait un caractère illicite puisque réprimée par l'article 225-6 du code pénal aux termes duquel : " Est assimilé au proxénétisme et puni des peines prévues par l'article 225-5 le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit : (...) 3° De ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une personne qui se livre habituellement à la prostitution ou tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution (...) " ; que compte tenu du caractère illicite de l'activité génératrice des revenus de M. E...et de ce que la procédure de contrôle ayant été engagée le 6 juillet 2012, soit postérieurement au 1er janvier 2010, il n'y avait pas lieu pour l'administration de procéder à une mise en demeure avant de mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office prévue au 1° de l'article L. 73 précité du livre des procédures fiscales ; que le requérant ne saurait utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les termes du paragraphe 8 de l'instruction administrative référencée BO-CF-INF-40-30 du 16 juin 2015, qui est relative à la procédure d'imposition ; que, contrairement à ce que soutient M.E..., s'agissant du proxénétisme, le tribunal n'a pas méconnu le principe de la présomption d'innocence en ce qu'il s'est borné à constater qu'il y avait exercice d'une activité illicite au sens de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales et n'a ainsi procédé à aucune qualification pénale ; que par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'évaluation d'office présentait un caractère irrégulier ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " et qu'aux termes de l'article L. 135 L du même livre : " Dans le cadre de la lutte contre les activités lucratives non déclarées portant atteinte à l'ordre public et à la sécurité publique, les agents de la direction générale des finances publiques, de la direction générale des douanes et droits indirects et de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes transmettent, spontanément ou sur demande, aux officiers et agents de police judiciaire les renseignements et documents de nature financière, fiscale ou douanière, sans que puisse être opposée l'obligation au secret (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes des déclarations consignées dans des procès-verbaux d'audition des 30 et 31 mai 2012 établis dans le cadre d'une instance pénale tant de M. A...E..., père du requérant, que de Mme F...B..., sa mère, que celle-ci se livre habituellement à la prostitution et qu'elle s'estime contrainte, compte tenu des liens qu'elle a avec son fils, de lui verser une partie des revenus procurés par cette activité ; que ces déclarations sont suffisamment circonstanciées pour être regardées comme comportant la reconnaissance de la perception de tels profits ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait se fonder sur ces déclarations pour fonder les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu doit être rejeté ;

6. Considérant que l'obligation ainsi faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé ; que cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux ; que, par suite, au cas notamment où les documents que le contribuable demande sont détenus non par l'administration fiscale, qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé vers cette autorité ; qu'en revanche, au cas où l'administration, dans l'exercice de son droit de communication, a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l'intégralité de ces copies à la disposition du contribuable ; que, cependant, les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, comme celles de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet ; que peuvent, dès lors, être régulièrement établis des redressements fondés sur des documents dont les copies détenues par les services fiscaux n'ont été communiquées au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un tel secret ; que si le requérant soutient que, malgré sa demande, il n'a jamais reçu communication de copies d'écoutes téléphoniques, l'administration fiscale, qui n'avait pas pris copie de retranscriptions d'écoutes téléphoniques, a toutefois communiqué, dans sa réponse du 19 avril 2013 avec accusé de réception du 24 avril aux observations du contribuable, l'intégralité des documents dont elle détenait une copie obtenus sur le fondement de l'article L.135 L du livre des procédures fiscales ; que de plus, il n'est pas établi ni même allégué que des renseignements figurant exclusivement dans des retranscriptions d'écoutes téléphoniques étaient nécessaires pour fonder l'imposition contestée ; que par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues du seul fait que des procès-verbaux communiqués au contribuable faisaient référence à des écoutes téléphoniques ;

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus.(...) " ; que ces dispositions n'exigent pas l'existence d'une contrepartie pour la qualification de bénéfices non commerciaux, contrairement à ce que soutient M. E... ; qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 3, que M. E...profitait des subsides que lui versait sa mère Mme B...qui se livrait de façon habituelle à la prostitution ; que l'administration était fondée à imposer les revenus en litige, tirés d'une activité de proxénétisme, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en tant que sources de profit ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré " ; que M.E..., qui a fait l'objet d'impositions régulièrement établies selon la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;

En ce qui concerne trois versements réalisés par MmeB... :

9. Considérant que Mme B...a versé au profit de M. E...les 3 mars, 8 septembre et 16 décembre 2011 respectivement les sommes de 11 000 euros, 50 000 euros et 45 000 euros ; que le requérant soutient que ces sommes constituent un prêt signé le 1er janvier 2012 ; qu'il appartient à l'administration fiscale, lorsqu'elle entend remettre en cause, même par voie d'imposition d'office, le caractère déductible de sommes perçues par un contribuable mais dont il est établi qu'elles ont été versées à l'intéressé par l'un de ses parents avec lequel il n'entretient aucune relation d'affaires, de justifier que les sommes en cause ne revêtent pas le caractère d'un prêt familial mais celui de revenus professionnels ; que toutefois compte tenu des relations d'ordre financier ci-dessus rappelées entretenues entre M. E...et sa mère, il incombe à M. E...d'apporter la preuve que les sommes en cause ont le caractère de prêt familial ; qu'en l'absence de production par M. E...de documents suffisamment probants, l'administration était fondée à estimer que les sommes en question constituaient des revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

En ce qui concerne une prise de participation dans la SCI El Kantara :

10. Considérant que M. E...a acquis auprès de son père et de M. G... 80 des 100 parts de la SCI El Kantara pour la somme de 34 000 euros dont l'intégralité du prix de cession a été réglée, ainsi qu'un " dessous de table " d'un montant de 49 550 euros, par Mme B...grâce aux profits procurés par son activité de prostitution comme cela résulte des procès-verbaux d'audition des 30 et 31 mai 2012 des intéressés ; que c'est à bon droit que l'administration a estimé que l'acquisition, par ces fonds, de parts sociales dans la SCI El Kantara, relevait de l'emploi du revenu procuré à M. E...par l'activité illicite de sa mère, dans le cadre d'une relation d'affaires, et non d'un projet professionnel financé par un prêt familial, dont aucune pièce du dossier ne confirme l'existence, laquelle ne saurait résulter de l'engagement de remboursement effectué après le début de la procédure judiciaire par M. E...;

En ce qui concerne des factures au nom du requérant et une déclaration d'importation de devises :

11. Considérant que pour les factures établies au nom du requérant et réglées en espèces, le 29 avril 2009 pour un montant de 2 656,81 euros et le 19 juin 2009 pour un montant de 199,79 euros pour l'entretien d'un véhicule Porsche, le 10 mai 2010 pour un montant de 1 735 euros pour l'achat d'une moquette, le 10 juillet 2010 pour un montant de 1 500 euros pour des honoraires d'avocat, le 29 juin 2010 pour un montant de 80,97 euros, le 16 août 2010 pour un montant de 648,95 euros et le 23 décembre 2010 pour un montant de 99,03 euros, le 11 février 2011 pour un montant de 1 437,01 euros pour l'entretien d'un véhicule Porsche et la déclaration d'importation de devises de 8 000 euros établie le 4 janvier 2011, M. E...ne produit pas plus en appel qu'en première instance, de document permettant d'établir l'origine des crédits en question et de ce qu'ils ne proviendraient pas de l'activité de prostitution de Mme B... ; que M. E...n'apporte, dès lors, pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des redressements qui lui ont été notifiés au titre des années en cause ;

12. Considérant que M. E...n'est pas fondé à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

14. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. E... doivent dès lors être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°16DA00758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00758
Date de la décision : 20/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Taxation d'office.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt (AJ)
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL GUY FARCY-OLIVIER HORRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-02-20;16da00758 ?
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