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07/11/2017 | FRANCE | N°16DA00100

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2017, 16DA00100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Cabinet Berlem Alexandre a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces impositions et intérêts de retard à concurrence d'une somme de 44 240 euros.

Par un jugement n° 1204197 du 23 décembre 2015, le tribuna

l administratif de Lille a, d'une part, déchargé la société requérante de la cotisatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Cabinet Berlem Alexandre a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces impositions et intérêts de retard à concurrence d'une somme de 44 240 euros.

Par un jugement n° 1204197 du 23 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, déchargé la société requérante de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 juin 2009 ainsi que des intérêts de retard correspondants et, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés les 15 janvier 2016 et 2 janvier 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 23 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a déchargé la SARL Cabinet Berlem Alexandre de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle avait été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 et des intérêts de retard correspondants ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Cabinet Berlem Alexandre cette imposition et les intérêts de retard correspondants ;

3°) d'annuler l'article 2 dudit jugement par lequel le tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à la SARL Cabinet Berlem Alexandre la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Cabinet Berlem Alexandre a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité, la première du 7 septembre 2009 au 2 mars 2010 concernant la période du 3 avril 2006 au 31 mars 2009 et la seconde du 10 décembre 2009 au 2 mars 2010 concernant la période du 1er avril 2008 au 30 juin 2009, au terme desquelles l'administration fiscale a remis en cause l'exonération dont elle a bénéficié au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 sur le fondement des dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts ; que, par une proposition de rectification du 30 mars 2010, l'administration a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de ces trois exercices ainsi que les intérêts de retard correspondants pour un montant total de 87 944 euros ; que, par une décision du 25 avril 2012, l'administration a rejeté la réclamation contentieuse préalable présentée par la SARL Cabinet Berlem Alexandre ; que le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 23 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a déchargé la SARL de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle avait été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 et des intérêts de retard correspondants ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre des finances et des comptes publics :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. / (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort de l'avis de réception postal que le jugement du tribunal administratif du 23 décembre 2015 a été notifié à la SARL Cabinet Berlem Alexandre le 8 janvier 2016 ; que les conclusions d'appel de la SARL Cabinet Berlem Alexandre tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes ont été enregistrées au greffe de la cour administrative d'appel le 8 mars 2016, soit avant l'expiration du délai imparti par les dispositions précitées ; qu'ainsi, elles doivent être considérées comme un appel principal et sont dès lors recevables ;

Sur l'appel du ministre des finances et des comptes publics :

4. Considérant que la réception par le contribuable d'un avis de vérification mentionnant un exercice donné avant que n'expire le délai de dépôt de la déclaration des bénéfices réalisés au titre de cet exercice, y compris le jour même où ce délai expire, prive le contribuable d'une garantie et entache d'irrégularité la procédure ainsi engagée ; qu'il en va différemment lorsque le contribuable reçoit l'avis après la date d'expiration du délai de déclaration de ses bénéfices ;

5. Considérant qu'il est constant que, par une assemblée générale extraordinaire tenue le 23 mars 2009, la SARL Cabinet Berlem Alexandre a modifié la date de clôture de son exercice social, initialement fixée au 31 mars, et l'a fixée au 30 juin ; qu'il résulte de l'instruction que l'avis de vérification de la comptabilité de la société mentionnant la période du 3 avril 2006 au 31 mars 2009, adressé le 22 juillet 2009, a été reçu par celle-ci le 24 juillet 2009, soit avant l'expiration du délai de déclaration des résultats réalisés au cours de l'exercice clos en 2009 ; que la circonstance, à la supposer établie, que le vérificateur n'a procédé à la vérification de l'exercice clos le 30 juin 2009 qu'à compter du 10 décembre 2009 est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; qu'au surplus, la proposition de rectification du 30 mars 2010 indique clairement que la vérification de comptabilité effectuée à partir du 7 septembre 2009 a concerné la période du 3 mars 2006 au 31 mars 2009 ; qu'alors même que les opérations de contrôle n'ont pas abouti à un rehaussement du montant des bénéfices déclarés par la société mais à la seule remise en cause de l'exonération dont elle bénéficiait, la procédure d'imposition doit être regardée comme irrégulière en ce qui concerne l'exercice clos en 2009 dès lors que l'avis initial de vérification de comptabilité lui a été adressé avant l'expiration du délai de dépôt de sa déclaration ; que, contrairement à ce que soutient le ministre des finances et des comptes publics, cette irrégularité, qui prive le contribuable d'une garantie, constitue une erreur substantielle commise dans la procédure d'imposition ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a déchargé la SARL Cabinet Berlem Alexandre des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 juin 2009 ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

Sur l'appel de la SARL Cabinet Berlem Alexandre :

6. Considérant qu'aux termes du I de l'article 44 octies du code général des impôts dans sa version applicable aux années en litige : " Les contribuables qui exercent ou créent des activités avant le 31 décembre 2001 dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 modifié de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et dont la liste figure au I de l'annexe à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de la délimitation de la zone pour les contribuables qui y exercent déjà leur activité ou, dans le cas contraire, celui de leur début d'activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération. (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 44 octies A du même code dans sa rédaction en vigueur aux années en litige : " Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2020, créent des activités dans les zones franches urbaines - territoires entrepreneurs définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines - territoires entrepreneurs définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours des cinq premières, de la sixième et septième ou de la huitième et neuvième périodes de douze mois suivant cette période d'exonération. / (...) /Si l'exonération est consécutive au transfert, à la reprise, à la concentration ou la restructuration d'activités préexistantes et si celles-ci bénéficient ou ont bénéficié des dispositions du présent article ou de celles de l'article 44 octies, l'exonération prévue au présent article s'applique dans les conditions prévues au premier alinéa en déduisant de la durée qu'il fixe la durée d'exonération déjà écoulée au titre de ces articles avant le transfert, la reprise, la concentration ou la restructuration. (...) " ; que ces dispositions instituent une exonération temporaire d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés au profit des contribuables qui créent ou exercent des activités dans certaines zones franches urbaines ; que l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 octies du code général des impôts est totale jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début d'activité dans la zone, et porte ensuite sur 60 % du bénéfice au cours de la première période de douze mois suivant cette période d'exonération totale, puis 40 % du bénéfice au cours de la deuxième période et 20 % au cours de la troisième période ; que l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 octies A du même code est totale jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début d'activité dans la zone, et porte ensuite sur 60 % du bénéfice au cours des cinq premières périodes de douze mois suivant cette période d'exonération totale, puis 40 % du bénéfice au cours des sixième et septième périodes et 20 % au cours des huitième et neuvième périodes ; qu'il résulte des dispositions du I de l'article 44 octies A que si l'exonération est consécutive au transfert, à la reprise, à la concentration ou la restructuration d'activités préexistantes qui elles-mêmes bénéficient ou ont bénéficié des dispositions de l'article 44 octies, l'exonération prévue à l'article 44 octies A s'applique aux activités reprises dans les conditions qu'il fixe, déduction faite de la durée pendant laquelle ces activités ont déjà bénéficié de l'exonération ;

7. Considérant qu'il n'est pas contesté en cause d'appel que la SARL Cabinet Berlem Alexandre, créée le 3 avril 2006, a repris l'activité antérieurement exercée par la SARL Cabinet Berlem-Géomatic ; que cette dernière a bénéficié des dispositions de l'article 44 octies du code général des impôts pendant quatre-vingt-quinze mois, dont cinquante-neuf mois d'exonération totale et trois périodes de douze mois d'exonération partielle et dégressive ; qu'ainsi, déduction faite de la durée d'exonération déjà écoulée au titre de cet article avant la reprise d'activité, la SARL Cabinet Berlem Alexandre a droit à une exonération partielle d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant de ses activités implantées dans la zone franche urbaine pendant six périodes de douze mois suivant la reprise ; que sur ces six périodes, l'exonération porte sur 60 % du bénéfice au cours des deux premières périodes, puis 40 % du bénéfice au cours des troisième et quatrième périodes et 20 % au cours des cinquième et sixième périodes ; que, par suite, les bénéfices réalisés par la société au titre des exercices clos en 2007 et 2008 sont soumis à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 % de leur montant ; que, dès lors, la SARL Cabinet Berlem Alexandre est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008 ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions du ministre tendant à ce qu'il soit ordonné le remboursement des frais irrépétibles mis à la charge de l'Etat par le tribunal administratif de Lille ne peuvent qu'être rejetées ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à la SARL Cabinet Berlem Alexandre sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre est rejeté.

Article 2 : Les bases d'impositions de la SARL Cabinet Berlem Alexandre à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007 et 2008 sont réduites conformément aux motifs indiqués aux points 6 et 7 du présent arrêt.

Article 3 : La SARL Cabinet Berlem Alexandre est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondant à cette réduction des bases d'imposition ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Article 4 : Le jugement n° 1204197 du tribunal administratif de Lille du 23 décembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à la SARL Cabinet Berlem Alexandre la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la SARL Cabinet Berlem Alexandre est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la SARL Cabinet Berlem Alexandre.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°16DA00100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00100
Date de la décision : 07/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : WIBAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-11-07;16da00100 ?
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