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21/09/2017 | FRANCE | N°17DA00758

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 21 septembre 2017, 17DA00758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 mars 2017 du préfet du Pas-de-Calais lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination de l'éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1702433 du 31 mars 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du préfet d

u Pas-de-Calais..

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 mars 2017 du préfet du Pas-de-Calais lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination de l'éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1702433 du 31 mars 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais..

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2017, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 mars 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...A...devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant iranien né le 21 septembre 1987, est entré en France, selon ses déclarations, en janvier 2017 ; qu'il a été interpellé par les services de la police aux frontières du Pas-de-Calais le 13 mars 2017 ; que, par un arrêté du même jour, le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit à la frontière et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ; que le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 31 mars 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté ;

Sur les motifs d'annulation du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que, pour annuler l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 13 mars 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a estimé que la décision portant obligation de quitter le territoire français avait méconnu le droit de M. A...à être entendu ; que, toutefois, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision d'éloignement ; que M. A...a pu présenter ses observations, lesquelles ont été consignées dans un procès-verbal d'audition établi par un officier de police judiciaire à la suite de son interpellation, le 13 mars 2017 ; que l'intéressé a été interrogé spécifiquement sur les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français ainsi que sur sa situation personnelle et familiale en France et dans son pays d'origine ; qu'il a également été avisé du fait qu'il pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement et a été mis à même de présenter des observations sur cette éventualité ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que M. A...aurait disposé d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d'éloignement contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure ; qu'ainsi, le droit de M. A...à être entendu n'a pas été méconnu ; que, par suite, l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais n'est pas entaché d'un défaut d'examen sérieux de la situation du requérant ; qu'il s'ensuit que le premier juge ne pouvait annuler, pour ce motif, l'obligation de quitter le territoire et, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination et celle interdisant le retour sur le territoire français ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille ;

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

4. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 6 mars 2017, publié au recueil spécial n° 16 du même jour des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C...B..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer notamment les " décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire ", les " arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement " et les " décisions relatives aux interdictions de retour sur le territoire français " ; qu'il suit de là que les moyens tirés de l'incompétence du signataire des décisions querellées, ne peuvent qu'être écartés ;

5. Considérant que les décisions en litige comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui permettent à M. A...de les discuter et au juge de les contrôler ; qu'elles sont donc suffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant de ce qu'il a été dit au point 2 et des pièces de dossier que M. A...a été en mesure de présenter des observations lors de son audition par un officier de police judiciaire, soit avant la décision l'obligeant à quitter le territoire français du préfet du Pas-de-Calais ; que, par suite, que les moyens tirés de la violation de son droit de présenter des observations écrites et orales et du non-respect du droit d'être entendu doivent être écartés ;

7. Considérant qu'il ressort du procès-verbal de son audition du 13 mars 2017 que M. A...a indiqué que le motif de sa présence en France était de retrouver sa famille en Grande-Bretagne ; que dans ces conditions, M.A..., qui n'a pas indiqué son intention de déposer une demande d'asile, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;

8. Considérant que si M. A...soutient que ses déclarations aux services de police étaient susceptibles de caractériser un besoin de protection internationale, il n'établit ni même n'allègue qu'il aurait présenté une demande d'asile en France et il ne ressort pas non plus de ses déclarations, retranscrites dans le procès-verbal d'audition susmentionné, qu'il ait entendu présenter une telle demande ; que, dès lors, en l'absence de toute demande de protection auprès des autorités françaises, M. A...ne peut utilement soutenir que le préfet a méconnu son besoin de protection internationale ;

9. Considérant que M. A...soutient que l'obligation de quitter le territoire français l'exposerait à des traitements prohibés à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, la décision contestée n'emporte pas désignation du pays de renvoi ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation quant aux conséquences de celle-ci sur sa situation personnelle doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit précédemment que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait elle-même illégale ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

12. Considérant que M. A...allègue avoir fui l'Iran " pour des raisons religieuses " et qu'en cas d'éloignement vers ce pays, il risque d'être victime de persécutions voire d'être assassiné ; que, toutefois, il ne verse au dossier aucun élément probant de nature à regarder comme établie la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'il encourrait en cas de retour en Iran ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " et qu'aux termes de l'article L. 513-3 de ce code : " La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. / Le recours contentieux contre la décision fixant le pays de renvoi n'est suspensif d'exécution, dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 512-3, que s'il est présenté en même temps que le recours contre l'obligation de quitter le territoire français ou l'arrêté de reconduite à la frontière qu'elle vise à exécuter. " ;

14. Considérant que l'arrêté du 13 mars 2017 en litige décide qu'il est fait obligation à M. A...de quitter le territoire français à destination du pays dont il revendique la nationalité ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible ; qu'alors même que cet article ne désigne pas nommément un pays, il comporte ainsi la décision, visée par les dispositions précitées des articles L. 513-2 et L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit d'office ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais aurait méconnu ces dispositions en ne prenant pas de décision fixant le pays à destination duquel M. A...pourra être reconduit d'office doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire pour soutenir que la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire serait elle-même illégale ;

16. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3°) S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est considéré comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. " ;

17. Considérant que M.A..., déclare être entré en France en janvier 2017, soit deux mois avant son interpellation ; qu'il ne justifie ni de l'objet, ni de la durée de son séjour en France et ne bénéficie ni d'une adresse stable, ni d'une pièce quelconque justifiant de ce qu'il dispose d'un domicile ; qu'il a indiqué, lors de son audition par les forces de l'ordre, son intention de se rendre en Grande-Bretagne ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme ne présentant pas les garanties de représentation propres à prévenir un risque de fuite ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Sur la décision interdisant le retour sur le territoire français :

18. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 15 que M. A...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision prononçant à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

19. Considérant que les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent à l'autorité compétente de tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent ; que, ce faisant, la loi ne porte pas atteinte aux objectifs définis par la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 qu'elle a transposée en droit interne ;

20. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'entrée en France de M. A... est récente, qu'il ne démontre pas l'existence d'attaches anciennes et stables sur le territoire national et qu'il n'établit pas davantage être dépourvu de toute attache privée et familiale en Iran ; qu'enfin les dispositions du dernier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code précité donnent à l'intéressé la faculté de solliciter l'abrogation de plein droit de cette mesure de police administrative dès son retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, alors même qu'il ne peut être regardé comme présentant une menace à l'ordre public, la décision du préfet du Pas-de-Calais lui interdisant le retour en France pendant un an ne méconnaît pas les dispositions du III de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision interdisant le retour de M. A... en France pendant un an n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 13 mars 2017 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 31 mars 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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N°17DA00758

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00758
Date de la décision : 21/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-09-21;17da00758 ?
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