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20/07/2017 | FRANCE | N°16DA00284

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 20 juillet 2017, 16DA00284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Axime et M. et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que les pénalités et intérêts de retard correspondants auxquels M. et Mme C...ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 à hauteur respectivement de 3 532 euros, 4 985 euros et 2 425 euros, de prononcer la décharge des prélèvements sociaux au titre de l'année 2009, de rétablir les déficits reportables au titre des a

nnées antérieures à l'exception des travaux concernant la transformation d'un loc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Axime et M. et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que les pénalités et intérêts de retard correspondants auxquels M. et Mme C...ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 à hauteur respectivement de 3 532 euros, 4 985 euros et 2 425 euros, de prononcer la décharge des prélèvements sociaux au titre de l'année 2009, de rétablir les déficits reportables au titre des années antérieures à l'exception des travaux concernant la transformation d'un local commercial en habitation.

Par un jugement n° 1206753 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Lille a réduit, au prorata de leurs droits sociaux dans la SCI, les bases d'imposition du revenu de M. et MmeC..., d'une part, à concurrence d'un montant de 145 483 euros, correspondant à des travaux portant sur la transformation d'un local commercial, et, d'autre part, des autres déficits fonciers déjà imputés au titre des années 2005, 2006 et 2007, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 dans la limite de la réduction de ces bases d'impositions, a rétabli les déficits fonciers reportables à compter de l'année 2002 dans la limite de la prise de position formelle de l'administration fiscale dans sa proposition de rectification du 13 avril 2007 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 février 2016 et 12 octobre 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du 26 novembre 2015 ;

2°) de remettre à la charge des époux C...les impositions dont ils ont été déchargés.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de Me B...A..., représentant M. et Mme C...et la SCI Axime.

1. Considérant que la SCI Axime dont M. et Mme C...sont associés à hauteur respectivement de 58 % et 40 %, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 au terme de laquelle l'administration a remis en cause le caractère déductible des dépenses de travaux réalisés dans un immeuble situé 14 rue Delcourt à Condé-sur-l'Escaut et que la société avait déduit de ses revenus fonciers déclarés en 2008, 2009 et 2010 ; que l'administration a tiré les conséquences de cette procédure sur l'imposition du foyer fiscal de M. et Mme C...; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 26 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a réduit, au prorata de leurs droits sociaux dans la SCI, leurs bases d'imposition, d'une part, à concurrence d'un montant de 145 483 euros, correspondant à des travaux portant sur la transformation d'un local commercial, et, d'autre part, des autres déficits fonciers déjà imputés au titre des années 2005, 2006 et 2007, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 dans la limite de la réduction de ces bases d'impositions, a rétabli les déficits fonciers reportables à compter de l'année 2002 dans la limite de la prise de position formelle de l'administration fiscale dans sa proposition de rectification du 13 avril 2007 ; que M. et Mme C...demandent par la voie de l'appel incident, de prononcer la réduction des prélèvements sociaux afférents aux impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre, dans sa rédaction applicable : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) / La notification doit être préalable à l'opération en cause et effectuée à partir d'une présentation écrite précise et complète de la situation de fait (...) " ;

3. Considérant que pour décharger M. et Mme C...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2008 à 2010, les premiers juges ont estimé que la proposition de rectification du 13 avril 2007, qui indique expressément que le montant des déficits reportables de 2004 sur les dix prochaines années s'établit à 145 483 euros, contient une prise de position formelle sur l'application du régime fiscal des reports de déficits fonciers ; que, toutefois, il ressort des termes de cette proposition que l'administration fiscale s'est bornée, dans sa proposition de rectification du 13 avril 2007 à remettre en cause la déductibilité des travaux réalisés dans le grenier du premier bâtiment pour rectifier le déficit reportable de 2004 sans se prononcer sur la déductibilité des autres travaux réalisés par les intéressés ; qu'ainsi, ils ont procédé au calcul du report des déficits fonciers en déduisant le montant des travaux du grenier du montant du déficit reportable issu des déclarations des contribuables ; que, dans ces conditions, la proposition de rectification du 13 avril 2007 ne peut être regardée comme une prise de position de l'ensemble de la situation de fait de M. et Mme C... au regard de la loi fiscale ; que, par suite, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a, pour ce motif, exclu de la détermination des bases d'impositions la somme de 145 483 euros, prononcé la décharge des impositions en litige à hauteur de cette somme et rétabli les déficits fonciers reportables correspondants ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant en première instance qu'en appel, par M. et MmeC... ;

Sur la déductibilité des revenus fonciers :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété " ; qu'aux termes de l'article 31 du même code : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) " ;

6. Considérant, d'une part, qu'au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et, comme des travaux d'agrandissement, ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants ; que des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s'ils affectent le gros oeuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il appartient au contribuable de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ses charges en produisant des pièces justificatives, qui sont constituées de factures, de plans, de photographies et de tous autres éléments permettant d'établir avec précision la nature, le montant et la réalité de la charge supportée ;

8. Considérant, en premier lieu, que l'immeuble propriété de la SCI Axime dont M. et Mme C...sont les associés situé à Condé-sur-l'Escaut, est composé de trois bâtiments à usage mixte commercial (RdC) et d'habitation (1er et 2ème étages) ; qu'il n'est pas contesté que les travaux portant sur le bâtiment n° 1 de l'immeuble qui ont affecté les combles pour les rendre habitables, et ceux qui ont modifié la destination du local commercial situé au rez-de-chaussée du premier bâtiment en local d'habitation sont des travaux présentant le caractère de travaux de reconstruction ayant abouti à une augmentation de la surface habitable ; que, par suite, ils ne constituent pas des charges déductibles ; que, d'ailleurs, le montant correspondant au coût de ces travaux n'a pas été déduit des revenus fonciers que M. et Mme C...ont déclarés ;

9. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, en particulier des devis et factures produits en première instance par les épouxC..., que ces derniers ont engagé des modifications importantes portant sur l'immeuble d'une surface de 392 m² ; que s'agissant du premier bâtiment, ces travaux ont consisté en la pose de cloisons, la réfection et l'installation de sanitaires, la pose de fenêtres et de toitures ; que s'inscrivant dans une opération de reconstruction visant à la création de plusieurs appartements distincts, ces travaux ne sont pas dissociables des travaux de reconstruction tels que mentionnés au point précédent ; que s'agissant des deux autres bâtiments, les travaux ont consisté en la création d'une mezzanine reliant ces deux bâtiments afin de créer un appartement unique ; qu'en accroissant la surface habitable de ces deux immeubles, ces travaux doivent être regardés comme des travaux de reconstruction et ne peuvent ainsi ouvrir droit à déduction, ce qui n'est pas contesté ; que l'intérieur des deux bâtiments a également fait l'objet de pose de cloisons et de fenêtres, de réfection des sols et des ouvertures afin de créer dix appartements distincts ; que ces derniers travaux ne peuvent être regardés comme dissociables des travaux d'agrandissement par la création de la mezzanine et s'inscrivent dans une opération globale de restructuration des bâtiments, en vue d'accroître la surface habitable de l'immeuble, qui, eu égard à son importance, constitue une reconstruction ; que, par suite, les travaux réalisés dans les trois bâtiments ne peuvent ouvrir droit à déduction quand bien même certains travaux, pris isolément, auraient pu constituer des travaux d'amélioration ou de réparation ; que M. et MmeC..., qui supportent la charge de la preuve, ne démontrent pas le caractère dissociable des travaux réalisés par réaménagement interne des travaux de reconstruction visant à offrir à la location les appartements ; que, dès lors, le montant de ces travaux n'est pas déductible des revenus fonciers de la SCI Axime ;

Sur les prélèvements sociaux :

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition " ; que l'article L. 199 du même livre prévoit que : " (...) les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif (...) " ; qu'il ressort des termes de la réclamation préalable du 5 septembre 2012 que la contestation portait sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ; que si M. et Mme C...soutiennent que la réclamation préalable concernait l'ensemble des conséquences financières des rectifications, aucune mention dans la réclamation ne peut être regardée comme établissant une contestation relative aux prélèvements sociaux ; que, dès lors, faute d'être précédée d'une réclamation préalable, les conclusions tendant à la réduction des prélèvements sociaux afférents aux impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 à 2010 ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que les époux C...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1206753 du 26 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé en ses articles 2, 3 et 4.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme C... ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 sont remises à leur charge.

Article 3 : L'appel incident de M. et Mme C...et de la SCI Axime et leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics, à M. et Mme D...C...et à la SCI Axime.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°16DA00284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00284
Date de la décision : 20/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt (AJ)
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : HERBIN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-07-20;16da00284 ?
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