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20/07/2017 | FRANCE | N°14DA01924-14DA01943

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 20 juillet 2017, 14DA01924-14DA01943


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... G... veuveH..., Mme J... H..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, C...E..., D...E...et B...E..., M. L... H... et M. F... H... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser, en leur qualité d'ayants droit de M. A... H..., une somme de 650 197,07 euros en réparation des préjudices subis

par celui-ci du fait de l'aggravation de son état en raison de sa conta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... G... veuveH..., Mme J... H..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, C...E..., D...E...et B...E..., M. L... H... et M. F... H... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser, en leur qualité d'ayants droit de M. A... H..., une somme de 650 197,07 euros en réparation des préjudices subis par celui-ci du fait de l'aggravation de son état en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C, ainsi qu'à Mme I... H...une somme totale de 59 521,40 euros, à Mme J... H... une somme de 30 000 euros et, pour chacun de ses trois enfants, une somme de 10 000 euros, à M. L... H..., une somme de 30 000 euros et à M. F... H... une somme de 30 000 euros, en réparation de leurs préjudices personnels subis du fait de cette contamination.

L'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser une somme de 73 828,86 euros au titre des débours définitifs exposés pour M. A... H..., ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1200060 du 15 octobre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande des consorts H...et a fait droit à la demande de l'ENIM.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 14DA01924 le 8 décembre 2014, l'EFS, représenté par Me M...K..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2014 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a fait droit à la demande de l'ENIM ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'ENIM devant le tribunal administratif de Lille.

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II. Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2014 sous le n° 14DA01943 et des mémoires enregistrés les 14 octobre 2016 et 23 mars 2017, Mme I... G... veuveH..., Mme J... H..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, C...E..., D...E...et B...E..., M. L... H... et M. F... H..., représentés par MeN..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2014 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté leurs demandes ;

2°) de faire droit à leurs demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des assurances ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ;

- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ;

- l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 ;

- l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que les requêtes n° 14DA01924 présentée par l'Etablissement français du sang (EFS) et n° 14DA01943 présentée par les consortsH..., sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que, pris en charge pour une hémorragie au centre hospitalier de Dunkerque, M. A... H...a reçu, le 8 août 1981, des produits sanguins et des produits fractionnés fournis par le poste de transfusion sanguine de cet établissement et par l'association pour l'essor de la transfusion sanguine (AETS) de Lille ; que la contamination de M. H...par le virus de l'hépatite C a été diagnostiquée au cours de l'année 1997 ; que, par un jugement n° 00-5807 du 19 décembre 2002, le tribunal administratif de Lille a jugé que la responsabilité sans faute du centre hospitalier de Dunkerque, en qualité de gestionnaire du poste de transfusion sanguine de l'établissement, était engagée du fait de cette contamination et l'a condamné à indemniser les préjudices subis par M. A... H...ainsi que les débours supportés par l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) ; que, postérieurement à ce jugement, l'état de M. A... H...s'est aggravé, jusqu'à son décès, survenu le 7 février 2006 ; que, le 27 décembre 2011, les consorts H...ont vainement demandé à l'ONIAM, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, l'indemnisation, d'une part, en leur qualité qu'ayants droit de M. A... H..., des préjudices subis par celui-ci du fait de l'aggravation de la maladie et, d'autre part, de leurs préjudices personnels subis depuis l'apparition de la maladie ; qu'ils relèvent appel du jugement n° 1200060 du 15 octobre 2014 du tribunal administratif de Lille, en tant que le tribunal a rejeté leur demande de condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser de ces préjudices ; que l'Etablissement français du sang (EFS) relève appel du même jugement en tant que le tribunal administratif de Lille l'a condamné à rembourser les débours de l'ENIM, pour un montant de 73 828,86 euros ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par les consortsH... :

En ce qui concerne l'exception de prescription :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du I de l'article 188 de la loi du 26 janvier 2016 relative à la modernisation de notre système de santé : " Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins et les demandes d'indemnisation formées devant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application du II de l'article L. 1142-1 et des articles L. 1221-14, L. 3111-9, L. 3122-1 et L. 3131-4 se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. (...) " ; qu'aux termes de l'article 188 de la loi du 26 janvier 2016 : " (...) II.- Le I s'applique lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de publication de la présente loi. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. Toutefois, lorsqu'aucune décision de justice irrévocable n'a été rendue, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales applique le délai prévu au I aux demandes d'indemnisation présentées devant lui à compter du 1er janvier 2006.(...) " ;

4. Considérant que les nouveaux préjudices dont les consorts H...ont demandé réparation, par une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'ONIAM le 27 décembre 2011 et que celui-ci ne conteste pas avoir reçue, n'ont fait l'objet d'aucune décision irrévocable ; que, dès lors, en application des mesures transitoires prévues par les dispositions du II de l'article 188 de la loi du 26 janvier 2016, leur action relève de la responsabilité décennale prévue par les dispositions du I de l'article L. 1142-24 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du I de l'article 188 de la loi du 26 janvier 2016 ; qu'il est constant que l'état de M. A... H..., dont la pathologie présentait un caractère évolutif, n'a jamais été consolidé avant son décès ; que celui-ci, survenu le 7 février 2006, constitue le point de départ du délai de dix ans de prescription de leur action qui, exercée devant le tribunal administratif de Lille le 5 janvier 2012, n'est pas prescrite ; qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que le motif par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes ne peut être maintenu ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par les consortsH..., tant en première instance qu'en appel ;

En ce qui concerne les préjudices de M. A... H... :

6. Considérant que le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers ;

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

7. Considérant que les requérants demandent réparation de la perte de salaires subie par M. A... H..., qui était employé par la société Seafrance comme chef timonier, résultant de la perte des éléments variables de sa rémunération depuis son placement en congé de maladie, en août 2000, ainsi que de la perte de revenus résultant de son départ anticipé à la retraite à cette date en juin 2003 ;

8. Considérant, en premier lieu, que, par son jugement du 19 décembre 2002, le tribunal administratif de Lille a indemnisé la perte de salaires subie par M. A...H...de juillet 1996 à juin 1999, et réservé tant les droits de la victime que ceux de l'ENIM au titre de l'aggravation ultérieure de ce chef de préjudice ; que les consorts H...réclament l'indemnisation de la perte de salaire subie par M. H...du 13 août 2000 au 31 mai 2003, au titre d'une seconde période d'arrêt de travail en lien direct avec la contamination ; que, si les requérants ne sont pas fondés à invoquer l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Lille le 19 décembre 2002 en ce qui concerne la détermination des bases d'indemnisation du préjudice subi durant une période distincte, il résulte, néanmoins, du bulletin de salaire, des avis d'imposition et de l'attestation émise le 23 avril 2001 par l'employeur de M. H...que sa perte de salaire au titre de la période en litige doit être évaluée, sur la base d'un montant mensuel de 767,64 euros, à la somme de 25 796,06 euros, incluant 22 264,46 euros au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 mai 2003 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la perte de salaires subie du 13 août 2000 au 31 mai 2003 a été intégralement compensée par les indemnités journalières versées à M. A...H...durant la même période ; que les requérants ne sont, par suite, fondés à réclamer aucune somme à ce titre ;

9. Considérant, en second lieu, que l'attestation émise en juillet 2003 par l'employeur de M. H..., selon laquelle il aurait pu accéder à la catégorie 9 avant son départ à la retraite s'il avait normalement poursuivi son activité une année supplémentaire, jusqu'à l'âge de 55 ans, et ainsi, bénéficier d'un salaire forfaitaire de 1 992,07 euros au lieu de 1 793,71 euros, ne suffit pas à démontrer que le salaire de base retenu pour la détermination du montant de sa pension de retraite aurait nécessairement été plus élevé que celui effectivement retenu, correspondant à la catégorie 8 ; qu'il ne résulte pas plus de l'instruction que l'application d'un taux de 75 % à son salaire de base résulte non du régime de la pension à taux plein mais d'une décote consécutive à un départ à la retraite prématuré ; que l'attestation non datée faisant état d'une perte de revenus de 767,73 euros par mois à compter du 1er août 2003 est insuffisamment précise et cohérente avec les autres éléments produits pour revêtir un caractère probant ; que, dès lors, les consorts H...n'établissent pas que, du fait de sa contamination, M. A... H...aurait subi une diminution du montant de la pension de retraite qui lui a été versée jusqu'à son décès ;

S'agissant des préjudices à caractère extrapatrimonial de M. A... H... :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'après l'échec des trois traitements antiviraux subis par M. A... H...antérieurement au jugement du 19 décembre 2002, son état a continué à s'aggraver ; que sa pathologie a évolué vers l'apparition d'un hépatocarcinome sur hépatopathie chronique C, dont la résection a été pratiquée au cours d'une hospitalisation de plusieurs jours en juillet 2005 et suivie de la mise en place d'une chimiothérapie ; que les hépatalgies dont il souffrait ont justifié, en janvier 2006, l'instauration d'un traitement par morphine ; que M. A... H...a été à nouveau hospitalisé, du 21 au 26 janvier 2006 pour la cure chirurgicale de varices oesophagiennes ; que le traitement par chimiothérapie a dû être interrompu en raison de l'apparition d'un ictère et d'une cytolyse ; que la dégradation de son état, marquée notamment par l'apparition d'une encéphalopathie hépatique, a conduit à envisager la délivrance de soins palliatifs et justifié sa réhospitalisation, le 3 février 2007, jusqu'à son décès, survenu le 7 février 2007 ; qu'il a ainsi subi, depuis le jugement du 19 décembre 2002, eu égard tant à l'évolution de son état de santé qu'aux divers traitements et actes d'investigation et chirurgicaux auxquels il a été soumis, d'importants troubles dans ses conditions d'existence ;

11. Considérant, en second lieu, que M. A... H...a éprouvé d'importantes souffrances physiques, du fait de l'intervention chirurgicale de juillet 2005 et des traitements lourds auxquels il a dû se soumettre, ainsi que de l'évolution de sa pathologie ; qu'il a, en outre, eu conscience de l'échec des tentatives de traitements antiviraux, puis, après le diagnostic de la tumeur dont il était atteint, de la gravité de l'évolution de son état et en particulier l'importance du risque de décès prématuré auquel il était soumis, ce qui a provoqué des souffrances morales liées à une espérance de vie réduite, alors même qu'il a présenté, lors de sa dernière hospitalisation, une encéphalite susceptible d'altérer son état de conscience ;

12. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit aux deux points précédents, il sera fait une juste appréciation des préjudices à caractère extrapatrimonial subis par M. A... H...postérieurement au jugement du tribunal administratif de Lille du 19 décembre 2002, en les évaluant à la somme globale de 60 000 euros ;

13. Considérant, en revanche, que les ayants droit de M. H...ne peuvent se prévaloir d'un déficit fonctionnel postérieur au décès et qui serait représentatif d'une perte d'espérance de vie, laquelle ne peut être regardée comme un préjudice entré dans son patrimoine avant le décès et transmissible à ses héritiers ;

En ce qui concerne les préjudices personnels des consortsH... :

S'agissant des préjudices patrimoniaux de Mme I...H... :

14. Considérant que Mme I... H...justifie avoir exposé des frais d'obsèques, de création d'un caveau de deux places, et de construction d'un monument funéraire qui s'élèvent, au total, à la somme de 9 521,40 euros ; que, toutefois, il y a lieu de déduire la moitié des frais de création du caveau, soit 199,84 euros, et les frais de construction du monument funéraire, d'un montant de 4 145 euros, qui ne peuvent être regardés comme la conséquence directe de la contamination à l'origine du décès ; qu'il y a, dès lors, lieu d'allouer à Mme I... H...la somme de 5 176,57 euros ;

S'agissant des préjudices personnels de Mme I...H... :

15. Considérant qu'il sera fait une juste évaluation du préjudice d'accompagnement de Mme I... H...incluant les troubles dans ses conditions d'existence liés à la maladie de son mari, dès lors qu'elle soutient sans être contredite avoir accompagné M. A... H...durant ses hospitalisations, et de son préjudice d'affection en lui allouant la somme globale de 31 000 euros ;

S'agissant des préjudices personnels de Mme J...H..., de M. L... H... et de M. F...H... :

16. Considérant qu'il sera fait une juste évaluation du préjudice d'affection de Mme J... H..., qui, âgée de vingt-quatre ans lors du diagnostic de la pathologie de son père et de trente-quatre ans lors du décès de celui-ci, ne justifie pas de troubles dans ses conditions d'existence susceptibles d'être pris en compte au titre d'un préjudice d'accompagnement, en lui allouant la somme, proposée par l'ONIAM, de 8 500 euros ;

17. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection et du préjudice d'accompagnement de M. L...H..., qui était âgé de douze ans lors du diagnostic de la pathologie de son père et de vingt-deux ans lors du décès de celui-ci, en lui allouant une somme de 12 000 euros ;

18. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection et du préjudice d'accompagnement de M. F...H..., qui était âgé de dix ans lors du diagnostic de la pathologie de son père et de vingt ans lors du décès de celui-ci, en lui allouant la somme de 12 000 euros ;

S'agissant des préjudices personnels de LisaE..., Sarah E...et AxelE... :

19. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection de LisaE..., petite-fille de M. A... H..., âgée de seulement dix-huit mois lorsque celui-ci est décédé, en lui allouant la somme de 1 000 euros ; qu'il ne résulte pas, en revanche, de l'instruction, que Sarah et AxelE..., qui n'étaient pas nés lors du décès de leur grand-père, auraient subi un préjudice personnel ;

En ce qui concerne les droits des consortsH... :

20. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 19, que les consortsH..., agissant en qualité d'ayants droit de M. A... H..., sont seulement fondés à demander la condamnation de l'ONIAM à leur verser la somme de 60 000 euros ; qu'en réparation de leurs préjudices personnels, Mme I... H... est seulement fondée à demander la somme de 36 176,57 euros, Mme J... H... la somme de 8 500 euros, M. L... H... la somme de 12 000 euros et M. F... H... la somme de 12 000 euros ; que Mme J... H..., agissant en sa qualité de représentante légale de ses trois enfants, est seulement fondée à demander la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 1 000 euros pour sa fille, Lisa E...;

Sur les conclusions présentées par l'EFS :

En ce qui concerne l'exception de prescription opposée par l'EFS :

21. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4, que l'action des consorts H...n'est pas prescrite ; qu'en admettant que l'EFS ait entendu faire valoir, en outre, que l'action de l'ENIM est elle-même prescrite, il n'assortit cette allégation d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ainsi, et en tout état de cause, l'exception de prescription opposée par l'ENIM doit être écartée ;

En ce qui concerne la couverture d'assurance :

22. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de l'ordonnance du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine : " Les droits et obligations nés de l'élaboration ou de la fourniture de produits sanguins par des personnes morales de droit public ayant été agréées sur le fondement de la loi n° 52-854 du 21 juillet 1952 et qui n'ont pas déjà été transférés par l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 sont transférés à l'Etablissement français du sang à la date de sa création, sous réserve que ces droits et obligations n'aient pas été fixés par une décision juridictionnelle irrévocable à la date de la publication de la présente ordonnance (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 : " I. - Le code de la santé publique est ainsi modifié : (...) 4° L'article L. 1221-14 est ainsi modifié : (...) c) (...) " L'office et les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'Etablissement français du sang, venu aux droits et obligations des structures mentionnées à l'avant-dernier alinéa, si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré. " (...) III - (...) le c du 4° du I s'appliquent aux actions juridictionnelles engagées à compter de la date du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'indemnisation de la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C est assurée au titre de la solidarité nationale, le législateur a entendu que ce recours subrogatoire ne puisse être exercé par les tiers payeurs subrogés dans les droits de la victime à l'encontre de l'EFS qu'à condition, en principe, que l'établissement de transfusion sanguine bénéficie de la couverture d'une assurance ;

23. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 114-1 du code des assurances : " Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance./ Toutefois, ce délai ne court :/ 1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ; / 2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là. / Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier (...) " ;

24. Considérant que la prescription, résultant de l'application de l'article L. 114-1 du code des assurances, de l'action que l'EFS peut engager contre la société Axa assurances, assureur du centre de transfusion sanguine de Lille à l'époque des faits, ne saurait être assimilée ni à l'absence d'assurance de cet établissement, ni à un dépassement de la garantie d'assurance, notamment par le dépassement des plafonds, ni à l'expiration du délai de validité de la couverture d'assurance, au sens des dispositions, citées au point précédent, du III de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2012 ;

25. Considérant, en second lieu, qu'il est constant que les produits sanguins fournis à M. A... H...provenaient du centre hospitalier de Dunkerque et de l'AETS de Lille ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que leur activité de fourniture de produits sanguins était alors assurée, respectivement, par la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) et par la société Axa-Assurance ; que dans ces conditions, en se bornant à soutenir que la double provenance des produits transfusés à M. H... fait obstacle à l'identification de l'établissement fournisseur du ou des produits contaminés, alors que chacun de ces fournisseurs était susceptible d'avoir fourni un ou plusieurs produits sanguins à l'origine de la contamination et d'être, ainsi, regardé comme à l'origine du dommage, l'EFS ne démontre pas l'absence pour ce dommage d'une couverture d'assurance ;

26. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents, que l'EFS n'est pas fondé à soutenir qu'en application des dispositions du III de l'article L. 1221-14, dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2012, le défaut de couverture d'assurance ferait en l'espèce obstacle à l'exercice par l'ENIM de l'action subrogatoire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

En ce qui concerne les débours exposés par l'ENIM et l'indemnité à la charge de l'EFS :

27. Considérant, en premier lieu, que l'ENIM justifie, en produisant une attestation d'imputabilité établie le 13 avril 2017 par un médecin conseil de l'assurance maladie et le relevé des débours correspondants, avoir exposé pour M. A... H..., entre le 30 juin 2005 et le 7 février 2006 des frais d'hospitalisation et de transport en lien direct avec sa contamination par le virus de l'hépatite C, à hauteur de 16 139,36 euros ; qu'il y a lieu de lui allouer cette somme ;

28. Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été rappelé au point 8, le tribunal administratif de Lille a, dans son jugement du 19 décembre 2002, réservé les droits de l'ENIM au titre de la perte de salaires subie par M. A...H...à compter du mois de juillet 1999 ; que M. A...H...a été contraint, du fait de sa contamination, d'interrompre son activité professionnelle du 13 août 2000 au 31 mai 2003 ; que, dans le dernier état de ses écritures, l'ENIM demande le remboursement des indemnités journalières versées à M. H...du 1er janvier 2001 au 30 avril 2003, à hauteur du montant de 27 029,94 euros ; que l'ENIM n'est, toutefois, en droit de prétendre au remboursement de ces prestations que dans la limite de la perte de salaire subie par M. H...au titre de la même période, soit comme il a été dit au point 8, de 22 264,46 euros ; qu'il y a lieu, par suite, de lui allouer cette somme ;

En ce qui concerne l'indemnité due par l'EFS à l'ENIM :

29. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 21 à 28, que l'EFS est seulement fondé à demander que la somme que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille l'a condamné à rembourser à l'ENIM au titre des débours exposés pour M. A... H..., soit ramenée de 73 828,86 euros à 38 403,82 euros ;

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

30. Considérant que l'article 1er de l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale fixe à 1 055 euros, à compter du 1er janvier 2017, le montant maximum de l'indemnité forfaitaire de gestion visée par ces articles ; qu'il y a, dès lors, lieu de porter à 1 055 euros le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion qui a été allouée à l'ENIM en première instance et à laquelle il a droit ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

31. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme que les consorts H...réclament sur le fondement de ces dispositions ;

32. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EFS qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ENIM demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné à verser à la succession de M. A... H...la somme de 60 000 euros, à Mme I... H... la somme de 36 176,57 euros, à Mme J... H... la somme de 8 500 euros et la somme de 1 000 euros pour sa fille LisaE..., à M. L... H... la somme de 12 000 euros, à M. F... H... la somme de 12 000 euros.

Article 2 : La somme que l'Etablissement français du sang a été condamné à verser à l'Etablissement national des invalides de la marine par le jugement n° 1200060 du 15 octobre 2014 du tribunal administratif de Lille est ramenée de 73 828,86 euros à 38 403,82 euros.

Article 3 : Le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion allouée à l'Etablissement national des invalides de la marine en première instance est porté à 1 055 euros.

Article 4 : Le jugement n° 1200060 du 15 octobre 2014 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement français du sang, à Mme I... G...veuveH..., à Mme J...H..., à M. L...H..., à M. F... H..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Etablissement national des invalides de la marine et à la caisse générale de prévoyance des marins.

2

N°14DA01924,14DA01943


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01924-14DA01943
Date de la décision : 20/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SCP BLAZY et ASSOCIES ; SCP BLAZY et ASSOCIES ; LORTHIOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-07-20;14da01924.14da01943 ?
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