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04/07/2017 | FRANCE | N°16DA01490

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 04 juillet 2017, 16DA01490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 10 juillet 2014 par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice a refusé d'agréer sa nomination en qualité de notaire associé au sein de la société civile professionnelle " Yves Redaud, AndréC..., Jean-Pierre Bernard et Corinne Feuillette-Cadenne " titulaire d'un office notarial à la résidence de Saint-Quentin (Aisne).

Par un jugement n° 1403569 du 14 juin 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 10 juillet 2014 par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice a refusé d'agréer sa nomination en qualité de notaire associé au sein de la société civile professionnelle " Yves Redaud, AndréC..., Jean-Pierre Bernard et Corinne Feuillette-Cadenne " titulaire d'un office notarial à la résidence de Saint-Quentin (Aisne).

Par un jugement n° 1403569 du 14 juin 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 août 2016 et le 24 octobre 2016, M. B..., représenté par la SCP Jérôme Rousseau et Guillaume Tapie, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 14 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 10 juillet 2014 par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice a refusé d'agréer sa nomination en qualité de notaire associé au sein de la société civile professionnelle " Yves Redaud, AndréC..., Jean-Pierre Bernard et Corinne Feuillette-Cadenne " titulaire d'un office notarial à la résidence de Saint-Quentin (Aisne) ;

3°) d'enjoindre au garde des Sceaux, ministre de la justice, de réexaminer sa demande, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que M. A...B...a été nommé, par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice du 28 mai 2004, notaire titulaire d'un office à la résidence d'Etampes ; que, par arrêté du 7 octobre 2010, le garde des Sceaux, ministre de la justice, a accepté la démission de M. B...de son office à la résidence d'Etampes et supprimé l'office dont il était titulaire ; que, M. B...a, le 13 novembre 2013, adressé au garde des Sceaux, ministre de la justice, une requête tendant à sa nomination en qualité de notaire associé au sein de la société civile professionnelle " Yves Redaud, AndréC..., Jean-Pierre Bernard et Corinne Feuillette-Cadenne " titulaire d'un office notarial à la résidence de Saint-Quentin (Aisne) concomitamment à la demande présentée par Me C...tendant à son retrait de ladite société ; que, par décision du 10 juillet 2014, le garde des Sceaux, ministre de la justice, a rejeté les demandes présentées par Me C...et M.B... ; que ce dernier relève appel du jugement du 14 juin 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 10 juillet 2014 du garde des Sceaux, ministre de la justice ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative d'une demande tendant à ce qu'il prononce, à titre provisoire et conservatoire, la suspension d'une décision administrative, le juge des référés procède, dans les plus brefs délais, à une instruction succincte - distincte de celle au vu de laquelle le juge saisi du principal statuera - pour apprécier si les préjudices que l'exécution de cette décision pourrait entraîner sont suffisamment graves et immédiats pour caractériser une situation d'urgence et si les moyens invoqués apparaissent, en cet état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision ; qu'il se prononce par une ordonnance qui n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée et dont il peut lui-même modifier la portée au vu d'un élément nouveau invoqué devant lui par toute personne intéressée ; qu'eu égard à la nature de l'office ainsi attribué au juge des référés, la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il se prononce ultérieurement sur la requête en qualité de juge du principal ; que, toutefois, dans le cas où il apparaîtrait, compte tenu notamment des termes mêmes de l'ordonnance, qu'un magistrat statuant comme juge des référés aurait préjugé l'issue du litige, ce magistrat ne pourrait, sans méconnaître le principe d'impartialité, se prononcer ultérieurement comme juge du principal ;

3. Considérant qu'il ressort des termes de l'ordonnance en date du 28 novembre 2014 rejetant la demande de suspension de la décision du garde des Sceaux, ministre de la justice tendant à la nomination de M. B...en qualité de notaire associé au sein de la société civile professionnelle " Yves Redaud, AndréC..., Jean-Pierre Bernard et Corinne Feuillette-Cadenne ", que le juge des référés ne s'est pas borné à relever qu'aucun des moyens n'était de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision, mais s'est expressément prononcé sur l'articulation qu'il fallait retenir entre les dispositions du 2° et du 3° de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 pour écarter le moyen d'erreur de droit invoqué par M. B...; qu'ainsi, par la motivation de sa décision, il a préjugé l'issue du litige au fond ; que cette circonstance faisait obstacle à ce que ce même magistrat siégeât par la suite au sein de la formation collégiale ayant rendu le jugement attaqué, comme c'est le cas en l'espèce ; que, dans ces conditions, la participation de ce magistrat au jugement au fond de l'affaire doit être regardée comme de nature à faire douter de l'impartialité de la formation de jugement ; que, dès lors, ce jugement entaché d'irrégularité doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée ;

Sur la légalité de la décision du 10 juillet 2014 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès de la profession de notaire : " Nul ne peut être notaire s'il ne remplit les conditions suivantes : / (...) / 2° N'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ; / 3° N'avoir pas été l'auteur d'agissements de même nature ayant donné lieu à mise à la retraite d'office ou à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, retrait d'agrément ou d'autorisation ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 45 du même décret dans sa rédaction applicable au litige : " Le candidat à la succession d'un notaire sollicite l'agrément du garde des sceaux, ministre de la justice, ministre de la justice, dans les formes prévues aux articles suivants " ; qu'aux termes de l'article 47 du même décret dans sa rédaction applicable au litige : " Le procureur général recueille l'avis motivé de la chambre des notaires sur la moralité et sur les capacités professionnelles de l'intéressé ainsi que sur les possibilités financières au regard des engagements contractés (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 48 du même décret dans sa rédaction applicable au litige : " Le procureur général transmet le dossier au garde des sceaux, ministre de la justice, avec son avis motivé. Le garde des sceaux, ministre de la justice, demande, le cas échéant, au bureau du conseil supérieur du notariat ou à tout autre organisme professionnel des renseignements sur les activités antérieures du candidat " ;

6. Considérant que pour refuser la nomination de M. B...en qualité de notaire associé au sein de l'office notarial à la résidence de Saint-Quentin sur le fondement du 2° de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 précité, le garde des Sceaux, ministre de la justice, a relevé dans sa décision du 10 juillet 2014 que le requérant avait fait l'objet d'une sanction disciplinaire, le 22 avril 2008, pour manque de rigueur dans la gestion de son étude, non-respect des obligations comptables et manque de rigueur dans l'établissement de certains actes et a considéré que ces faits étaient contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs ;

7. Considérant que les faits reprochés à M. B...dans l'office qu'il avait repris à Etampes et pour lesquels il a été sanctionné disciplinairement de la sanction de censure simple constituent des fautes professionnelles ; que toutefois, alors que la chambre des notaires de l'Aisne dans son avis du 3 octobre 2013 indique que le comportement du requérant était lié à une démotivation au regard d'une situation particulièrement obérée qu'il ne pouvait corriger et qu'il n'est pas établi que les irrégularités touchant à la réception des actes notariés auraient remis en cause la sécurité juridique de ces actes, ces fautes professionnelles ne présentent pas le caractère d'un manquement à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs ; que, d'ailleurs, ni le procureur général près la cour d'appel d'Amiens, ni la chambre des notaires de l'Aisne dans son avis du 3 octobre 2013 ou le conseil régional des notaires du ressort de la cour d'appel d'Amiens dans sa délibération du 21 octobre 2013 n'ont exprimé un avis défavorable sur la moralité et la probité du requérant, le procureur général indiquant également que ce dernier semblait offrir les compétences professionnelles d'exercice ; que, par suite, en estimant que les faits reprochés à M. B... constituaient un manquement à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs, le garde des Sceaux, ministre de la justice, a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par sa décision du 10 juillet 2014, le garde des Sceaux, ministre de la justice a refusé sa nomination en qualité de notaire associé au sein de la société civile professionnelle " Yves Redaud, AndréC..., Jean-Pierre Bernard et Corinne Feuillette-Cadenne " ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler cette décision ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement le réexamen par le garde des Sceaux, ministre de la justice, de la demande de M. B...; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au garde des Sceaux, ministre de la justice de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1403569 du 14 juin 2016 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La décision du 10 juillet 2014 du garde des Sceaux, ministre de la justice, refusant la nomination de M. B...en qualité de notaire associé au sein de la société civile professionnelle " Yves Redaud, AndréC..., Jean-Pierre Bernard et Corinne Feuillette-Cadenne " est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au garde des Sceaux, ministre de la justice, de procéder au réexamen de la demande de nomination de M. B...en qualité de notaire associé au sein de la société civile professionnelle " Yves Redaud, AndréC..., Jean-Pierre Bernard et Corinne Feuillette-Cadenne " dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au garde des Sceaux, ministre de la justice.

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N°16DA01490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA01490
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-05-03 Professions, charges et offices. Conditions d'exercice des professions. Professions s'exerçant dans le cadre d'une charge ou d'un office. Notaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU et TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-07-04;16da01490 ?
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