Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 novembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de MmeD..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 21 juin 2010 accordant à la société LIDL l'autorisation de la licencier, et a autorisé son licenciement pour faute.
Par un jugement n° 1300087 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mai 2015 et un mémoire enregistré le 6 octobre 2015, MmeD..., représentée par Me E...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2015 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 16 novembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me C...B..., représentant la société LIDL ;
1. Considérant que Mme F...D...a été recrutée par la société LIDL par contrat du 16 juin 1999, en qualité d'hôtesse de caisse ; qu'elle est devenue, le 1er juin 2003, chef caissière du magasin de Caucriauville ; que, le 14 juin 2007, elle s'est vu confier un mandat de déléguée du personnel suppléante et de membre du comité d'hygiène et de sécurité ; que, le 20 décembre 2007, la société LIDL a engagé une procédure visant à la licencier ; que, par une décision du 18 février 2008, l'inspecteur du travail a refusé à la société LIDL l'autorisation de la licencier ; que, par un jugement du 22 avril 2010, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif que les faits reprochés à Mme D...étaient établis et de nature, eu égard à leur gravité, à justifier son licenciement pour faute ; que, le 26 mai 2010, la société LIDL a de nouveau sollicité une autorisation de licenciement, celle-ci ayant été délivrée par l'inspecteur du travail par une décision du 21 juin 2010 ; que, par une décision du 20 septembre 2010, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a rejeté le recours hiérarchique de Mme D...contre la décision de l'inspecteur du travail en raison de sa tardiveté ; que, le tribunal administratif de Rouen, par un jugement du 3 juillet 2012, a annulé cette décision au motif que le recours hiérarchique de Mme D...était recevable ; que, par une décision du 16 novembre 2012, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de MmeD..., annulé la décision de l'inspecteur du travail du 21 juin 2010 délivrant à la société LIDL l'autorisation de la licencier, au motif qu'il avait omis de motiver sa décision sur le contrôle de l'existence d'un lien éventuel entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat de la salariée, et a autorisé son licenciement ;
2. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision ;
3. Considérant que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée du ministre chargé du travail a été écarté de manière circonstanciée par les premiers juges ; que Mme D...n'apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause cette analyse ; que, par suite, et par adoption des motifs exposés au point 3 du jugement attaqué, il y a lieu d'écarter à nouveau ce moyen ;
4. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions qu'il exerce normalement ni avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du journal des événements du 17 novembre 2007 de sa caisse personnelle et de différents témoignages d'employés de la société LIDL, que Mme D...a, alors qu'elle était chef caissière du magasin et qu'elle avait suivi une formation en 2006 sur les flux d'argent rappelant les règles d'encaissement en vigueur au sein de la société, enregistré, sur sa caisse, des articles personnels d'une valeur de 50,26 euros durant son temps de travail ; qu'elle a placé le ticket correspondant à ses achats en attente, pour effectuer, ensuite un abandon de caisse, afin d'éviter le paiement de ces mêmes articles ; que Mme D...a, par ces faits, effectué des manoeuvres frauduleuses visant à s'approprier des produits qu'elle n'a pas réglé, et ce, pendant son temps de travail alors que le règlement intérieur de la société LIDL, lequel prévoit que tout salarié ayant acquis un produit ou un matériel sur son lieu de travail doit pouvoir en prouver le paiement en présentant le ticket de caisse signé par son supérieur hiérarchique lors de toute réquisition sur ou à la sortie du lieu de travail, l'interdit expressément, les stipulations des contrats des salariés de l'entreprise précisant en outre qu'un salarié ne peut encaisser lui-même ses achats personnels ; que, dès lors, les moyens tirés de l'inexactitude matérielle des faits et de leur inexacte qualification juridique invoqués par Mme D...ne peuvent qu'être écartés ;
6. Considérant que, pour apprécier si des faits de vol reprochés à un salarié protégé sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, il convient de prendre en compte, notamment, le montant des articles dérobés, l'ancienneté de l'intéressé, l'existence éventuelle de reproches antérieurs de la part de l'employeur, mais aussi les circonstances dans lesquelles l'emport des objets dérobés a eu lieu ;
7. Considérant, que Mme D...a été employée durant huit ans avant la commission des faits ; qu'antérieurement à celle-ci, elle a fait l'objet de deux sanctions disciplinaires dont l'une visait déjà la violation de consignes d'encaissement ; que, le 17 novembre 2007, dans les conditions précisées au point 5, elle a dérobé des produits appartenant à la société LIDL pour une somme de 50,26 euros, alors qu'elle occupait le poste de chef caissière ; qu'elle ne se prévaut d'aucune circonstance justifiant ses actes ; que, par suite, les faits reprochés à MmeD..., ainsi que l'a estimé au demeurant le tribunal administratif de Rouen dans son jugement n° 0801541 du 22 avril 2010 devenu définitif, sont d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement, alors même que la somme en cause est faible ; que, dès lors, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social n'a pas commis une erreur d'appréciation en autorisant le licenciement pour faute de MmeD... ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 6 avril 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société LIDL présentées sur le fondement des dites dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société LIDL présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeD..., à la ministre du travail et à la société en nom collectif LIDL.
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N°15DA00811