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06/06/2017 | FRANCE | N°17DA00197

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 06 juin 2017, 17DA00197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2016 du préfet du Nord l'obligeant à quitter sans délai le territoire français à destination de son pays d'origine et le plaçant en rétention administrative.

Par un jugement n°1605749 du 3 août 2016, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande, a enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation et a condamné l'Etat à verser

à son conseil la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2016 du préfet du Nord l'obligeant à quitter sans délai le territoire français à destination de son pays d'origine et le plaçant en rétention administrative.

Par un jugement n°1605749 du 3 août 2016, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande, a enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation et a condamné l'Etat à verser à son conseil la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2017, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 août 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... B...devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- il était territorialement compétent pour prendre l'arrêté en litige, la situation irrégulière de M. B... ayant été constatée dans le département du Nord ;

- les autres moyens de première instance ne sont pas fondés.

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à M. B..., pour lequel il n'a pas été produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que le préfet du Nord a pris, le 30 juillet 2016, à l'encontre de M. B..., ressortissant albanais né le 16 novembre 1981, un arrêté lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français à destination de son pays d'origine et prononçant son placement en rétention administrative ; que cet arrêté a été annulé par un jugement du 3 août 2016 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille ; que le préfet du Nord relève appel de ce jugement ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) " ; que selon l'article R. 512-1 du même code : " L'autorité administrative mentionnée aux articles L. 511-1 et L. 511-3-1 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 611-1-1 de ce code : " Si, à l'occasion d'un contrôle (...), il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire met l'étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue " ;

4. Considérant que pour l'application de ces dispositions, le préfet du département dans lequel a été constatée l'irrégularité de la situation d'un étranger est compétent pour décider s'il y a lieu d'obliger l'intéressé à quitter le territoire français ; que le lieu de la vérification de cette situation, à laquelle il est procédé en application des dispositions précitées de l'article L. 611-1-1, est sans incidence sur la compétence territoriale de ce préfet ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a été interpellé par les services de police le 29 juillet 2016 sur le territoire de Loon-Plage, commune située dans le département du Nord ; qu'à cette occasion, ainsi qu'il ressort des mentions du procès-verbal établi le même jour, les agents de la police aux frontières ont constaté l'irrégularité de sa situation, l'intéressé n'étant pas en mesure de présenter, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les pièces ou documents sous le couvert desquels il pouvait être autorisé à circuler ou à séjourner en France ; que la triple circonstance que M. B... a ensuite fait l'objet, en application de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une procédure de retenue administrative aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français dans les locaux de la police nationale à Coquelles, située dans le département du Pas-de-Calais, durant laquelle il a confirmé l'irrégularité de son séjour, que le procès-verbal précité y a été rédigé et que l'arrêté en litige lui a été notifié dans ces locaux, est sans incidence sur la détermination du lieu où l'irrégularité de la situation de M. B... a effectivement été constatée ; que ce constat ayant été fait dans le département du Nord, le préfet du Nord était donc territorialement compétent pour édicter une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. B... ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur le motif tiré de son incompétence territoriale pour annuler l'arrêté contesté du 30 juillet 2016 ; qu'il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens développés par M. B... devant le tribunal administratif ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation personnelle de M. B..., comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

8. Considérant que M. B... ne saurait utilement se prévaloir directement des dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, lesquelles s'adressent non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l'Union ;

9. Considérant que M. B... a déclaré être entré irrégulièrement en France la veille de son interpellation ; qu'il est célibataire, sans enfant, et sans attaches familiales sur le territoire français ; que, compte tenu de la brièveté et des conditions de son séjour en France, M. B... n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur le pays de destination :

10. Considérant que par un arrêté du 4 mai 2016, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord n°122, le préfet du Nord a donné délégation à Mme C...A..., sous-préfète d'Avesnes-sur-Helpe, pour signer, les jours non-ouvrables, et sur l'ensemble du département, notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination ou ordonnant le placement en rétention administrative ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait et doit, dès lors, être écarté ;

11. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ; qu'en indiquant que l'intéressé sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou d'un autre pays dans lequel il établit être légalement admissible, cette décision désigne avec suffisamment de précision le pays de renvoi de M. B... ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli ;

13. Considérant qu'il ressort de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi ; que, dès lors, les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration reprenant celles de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, ne sauraient être utilement invoqués à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel l'étranger sera éloigné en exécution de l'obligation de quitter le territoire s'il ne respecte pas le délai imparti pour un départ volontaire ;

Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

14. Considérant que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit, pour le motif énoncé au point 10, être écarté ;

15. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. B... ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli ;

17. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3°) S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est considéré comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

18. Considérant que M. B..., qui déclare être entré en France la veille de son interpellation, ne dispose d'aucun document d'identité ou de voyage valide et ne bénéficie ni d'une adresse stable, ni d'une pièce quelconque justifiant de ce qu'il dispose d'un domicile ; qu'il a indiqué, à plusieurs reprises, son intention de se rendre en Angleterre ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme ne présentant pas les garanties de représentation propres à prévenir un risque de fuite ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Sur le placement en rétention administrative :

19. Considérant que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit, pour le motif énoncé au point 10, être écarté ;

20. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli ;

22. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;

23. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui était dépourvu de document d'identité ou de voyage, déclare être entré la veille de son interpellation sur le territoire national, et ne justifiait d'aucune adresse stable en France ; qu'il ne pouvait, dans ces conditions, être regardé comme présentant des garanties de représentation effectives au sens des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet du Nord n'a ni méconnu ces dispositions, ni commis d'erreur d'appréciation en décidant de le placer en rétention administrative sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 30 juillet 2016 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 août 2016 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... B...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...B....

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 23 mai 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 juin 2017.

Le rapporteur,

Signé : M. D...La présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

6

N°17DA00197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00197
Date de la décision : 06/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-06-06;17da00197 ?
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