Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ainsi que des intérêts de retard y afférents.
Par un jugement n° 1306123 du 15 mars 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2016 et le 17 mai 2017, M.A..., représenté par Me B...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lille du 15 mars 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ainsi que des intérêts de retard y afférents ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la proposition de rectification et la lettre rejetant sa réclamation sont insuffisamment motivées dès lors qu'elles n'analysent pas les photographies pour lesquelles l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée a été refusé ;
- l'administration fiscale ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article 98 A de l'annexe III au code général des impôts qui ne sont applicables que pour la mise en oeuvre de l'article 297 A du même code ;
- le caractère d'oeuvre d'art, pour les photographies, est défini par le seul article L.112-2 du code de la propriété intellectuelle et cette définition n'exclut pas, par principe, que cette qualification soit refusée à des photographies de reportage ;
- les dispositions des articles 278 septies et 279 du code général des impôts lui permettaient de bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que les photographies qu'il fournit au conseil général du Nord dans le cadre du marché les liant témoignent de leur originalité et d'un caractère artistique ;
- si le conseil général du Nord lui impose les sujets et évènements à traiter, il reste maître des angles de vues, de l'éclairage, de la mise en scène ou de la pose des figurants ;
- il est affilié à l'association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs et participe régulièrement à des expositions ; son nom apparaît en dessous des reproductions publiées dans les différents magazines du département, il ne réalise qu'un seul exemplaire et signe ses photographies ;
- il remplit les conditions fixées par la doctrine référencée 3 C-3-03 qui définit les photographies d'art pour l'application de l'article 278 septies du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., qui exerce notamment une activité de photographe professionnel, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a remis en cause le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a appliqué sur les opérations de fourniture de photographies ; que M. A...relève appel du jugement du 15 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ainsi que des intérêts de retard y afférents ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'à supposer que M. A...ait entendu invoquer l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 2 mai 2012 et de la lettre de rejet de sa réclamation du 12 août 2013 au motif qu'elles ne contenaient aucune analyse des photographies pour lesquelles le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée était refusé, il résulte toutefois de l'instruction que la proposition de rectification du 2 mai 2012 mentionnait les dispositions législatives dont il était fait application ainsi que les motifs pour lesquels les photographies en litige ne pouvaient être qualifiées d'oeuvres d'art ; qu'ainsi, le vérificateur a satisfait aux exigences de motivation posées par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et a permis au contribuable de contester utilement les rehaussements en litige ; qu'en outre, le moyen tiré d'une éventuelle insuffisance de motivation de la décision rejetant sa réclamation est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...s'est vu attribuer par le conseil général du Nord, avec deux autres photographes dans le cadre d'un groupement, un marché ayant pour objet " la réalisation de reportages photographiques, développements, consommables et petit matériel photographique (...) pour un montant minimum annuel de 150 000 euros et un montant maximum annuel de 350 000 euros " ; que M. A...soutient que les photographies fournies au département du Nord dans le cadre de ce marché doivent être soumises au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions des articles 279 et 278 septies du code général des impôts ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 279 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : (...) g. Les cessions des droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des oeuvres de l'esprit (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle : " Sont considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code : (...) 9° Les oeuvres photographiques (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sujets et évènements à couvrir par un reportage photographique sont déterminés par le conseil général du Nord dans le cadre d'une réunion hebdomadaire avec les photographes du groupement d'entreprises ; qu'à l'issue des travaux qu'il réalise, M. A...adresse les clichés par voie électronique au conseil général du Nord qui choisit ceux qu'il retient pour illustrer les articles publiés dans les magazines qu'il édite ; que M. A...établit ensuite mensuellement une note d'honoraires qui comporte des " frais de production " correspondant au nombre de kilomètres parcourus et une " rémunération artistique " qui dresse la liste des prestations réalisées et le nombre d'heures effectuées et prévoit un taux horaire de 65 euros ; qu'ainsi, la rémunération perçue est indépendante du nombre de photographies retenues par le conseil général du Nord et peut être due même si aucune photographie n'est choisie ; qu'eu égard à ces éléments, et en l'absence de toute autre indication fournie par le requérant quant aux clauses du marché malgré une mesure d'instruction qui lui a été adressée afin d'obtenir les pièces contractuelles du marché, la rémunération perçue par M. A... dans le cadre du marché conclu avec le conseil général du Nord ne peut être regardée comme représentant le prix de cession de droits patrimoniaux et les photographies en litige ne peuvent en conséquence bénéficier du taux réduit prévu par les dispositions de l'article 279 du code général des impôts ; qu'en outre, si M. A...soutient que, lors de ses reportages, il est maître des angles de vues, du cadrage et de la composition de ses photographies qui présentent un caractère artistique et original et qu'il est équipé de tous les matériels de prises de vues nécessaires, il ressort de l'instruction que, quelle que soit leur qualité, ces photographies, dont quelques exemples sont produits en annexe à la requête d'appel, ne présentent pas un caractère d'originalité et ne manifestent pas une intention créatrice, susceptibles de les faire regarder, comme des oeuvres de l'esprit ; que si M. A...se prévaut à ce titre de sa participation à des expositions et de sa qualité d'artiste en raison de son affiliation à l'association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs ainsi que d'un arrêt de la cour d'appel de Douai du 21 février 2014 qui reconnaît à l'un des autres membres du groupement attributaire du marché qu'il exerce son activité en tant que prestataire indépendant et non en qualité de salarié, ces éléments sont sans influence sur cette qualification ; que l'administration fiscale a d'ailleurs admis lors du contrôle que d'autres photographies vendues par M. A...dans le cadre de son activité de photographe pouvaient bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée dès lors que celles-ci constituaient des oeuvres de l'esprit ; que, par suite, les photographies fournies par M. A...dans le cadre du marché le liant au conseil général du Nord ne peuvent bénéficier du taux réduit prévu par les dispositions de l'article 279 du code général des impôts ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 278 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige: " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % : (...) / 2° Sur les livraisons d'oeuvres d'art effectuées par leur auteur (...) " ; qu'aux termes du II de l'article 98 A de l'annexe III au code général des impôts : " Sont considérées comme oeuvres d'art les réalisations ci-après : (...) / 7° Photographies prises par l'artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus. " ; que, compte tenu du caractère dérogatoire de l'article 278 septies du code général des impôts, les dispositions de l'article 98 A de l'annexe III à ce code, qui énumèrent limitativement les réalisations pouvant être regardées comme des oeuvres d'art, doivent être interprétées strictement ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 2 mai 2012 et de la lettre du 12 août 2013 rejetant la réclamation de M. A...que celui-ci a indiqué qu'il adressait au conseil général du Nord, les photographies réalisées par voie électronique et que le donneur d'ordre fait le choix des clichés et du cadrage pour la publication ; qu'il n'est pas établi que les photographies en litige seraient numérotées ; qu'ainsi, les conditions posées par les dispositions précitées de l'article 98 A de l'annexe III au code général des impôts ne sont pas remplies ; qu'en outre, et en tout état de cause, à supposer même que les conditions de l'article 98 A de l'annexe III au code général des impôts soient remplies, seules les photographies constituant des oeuvres de l'esprit peuvent bénéficier du taux réduit prévu par les dispositions de l'article 278 septies du code général des impôts ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, les photographies en litige ne peuvent être regardées comme constituant de telles oeuvres de l'esprit ; que, par suite, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, les photographies fournies par M. A...dans le cadre du marché le liant au conseil général du Nord ne peuvent bénéficier du taux réduit prévu par les dispositions de l'article 278 septies du code général des impôts ;
S'agissant de l'application de la doctrine :
8. Considérant qu'aux termes de l'instruction du 25 juin 2003 portant la référence 3 C-3-03 : " Ne peuvent être considérées comme des oeuvres d'art susceptibles de bénéficier du taux réduit de la TVA que les photographies qui portent témoignage d'une intention créatrice manifeste de la part de leur auteur " ; que si cette instruction indique que cette intention créatrice de l'auteur et le caractère d'intérêt pour tout public peuvent être confortés par des indices relatifs notamment à l'exposition des photographies et au matériel utilisé par le photographe, elle ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle, mentionnée aux points 4 et 6, dont il a été fait application ; qu'ainsi, M. A...n'entre pas dans les prévisions de la doctrine qu'il invoque ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 23 mai 2017 à laquelle siégeaient :
- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 juin 2017.
Le rapporteur,
Signé : R. FERALLa présidente de chambre,
Signé : O. DESTICOURT
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier
Marie-Thérèse Lévèque
4
N°16DA01051