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23/05/2017 | FRANCE | N°16DA00285

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 23 mai 2017, 16DA00285


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1503255 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregis

trée le 10 février 2016, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1503255 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2016, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.D....

Elle soutient que :

- la preuve de la date de la demande d'aide juridictionnelle formulée par M. D...pour l'instance devant le tribunal n'est pas rapportée et, en conséquence, la recevabilité de sa requête n'est pas établie ;

- le jugement est entaché d'irrégularité en ce que l'instruction n'a pas été rouverte afin de prendre en compte son mémoire en défense ;

- la légalité de l'arrêté du 29 mai 2015 est établie par les éléments figurant dans le mémoire en défense produit en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2016, M.D..., représenté par Me A...C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- à titre principal, le moyen par lequel la préfète de la Seine-Maritime critique le jugement attaqué n'est pas fondé ;

- à titre subsidiaire, ses autres moyens soulevés en première instance sont fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des moyens présentés par la préfète de la Seine-Maritime tendant à démontrer la légalité de l'arrêté du 29 mai 2015, dès lors que la préfète de la Seine-Maritime se borne à indiquer qu'il appartiendra à la cour de se référer à ses moyens de première instance, alors qu'elle n'a ni exposé ces moyens devant la cour, ni joint une copie de son mémoire de première instance contenant ces moyens ; que, dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme ayant repris ces moyens en appel pendant le délai de recours contentieux ; qu'en outre, des moyens se rattachant à des causes juridiques autres que celles présentées pendant le délai de recours contentieux ne sont plus recevables après l'expiration de ce délai.

M. F...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.D..., ressortissant de la République Démocratique du Congo, est entré en France le 6 février 2012 en compagnie de sa conjointe, MmeB..., et de leur enfant ; que le 24 avril 2014, M. D...a adressé au préfet de la Seine-Maritime une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 29 mai 2015, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ; que la préfète de la Seine-Maritime relève appel du jugement n° 1503255 du 12 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 29 mai 2015 et lui a enjoint de délivrer à M. D... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative que, à défaut d'ordonnance fixant une date de clôture d'instruction, l'instruction écrite est normalement close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience ; que, lorsque postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, il lui appartient dans tous les cas d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision ; que, s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte et de rouvrir l'instruction en soumettant au débat contradictoire les éléments contenus dans ce mémoire, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la clôture d'instruction a été fixée par ordonnance du tribunal au 17 novembre 2015 à 12h00 et que l'audience s'est tenue le 8 décembre 2015 ; que la préfète de la Seine-Maritime a adressé un mémoire en défense accompagné de pièces justificatives au greffe du tribunal le 1er décembre 2015, soit après la clôture de l'instruction, dans lequel elle soutenait que M. D...pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine contrairement à l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé ; que, toutefois, la préfète de la Seine-Maritime n'établit ni même n'allègue qu'elle n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction des pièces justificatives jointes à ce mémoire pour démontrer l'existence d'un traitement approprié ; que, par suite, le tribunal administratif de Rouen, qui a visé ce mémoire, a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, ne pas le prendre en considération et faire droit aux conclusions présentées par M. D...au regard des seuls éléments de preuve produits devant lui avant la clôture de l'instruction ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. L'étranger qui fait l'objet de l'interdiction de retour prévue au troisième alinéa du III du même article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander l'annulation de cette décision. L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine (...) " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I.- Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément " ; que ce délai n'est susceptible d'être interrompu par le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle que pour autant qu'elle a été elle-même déposée avant son expiration ;

5. Considérant que, par un arrêté du 29 mai 2015, qui portait mention des voies et délais de recours, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. D..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que cet arrêté a été notifié à l'intéressé le 3 juin 2015 ; que la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 21 septembre 2015 accordant à M. D...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour la procédure " contentieux des étrangers sans placement en rétention ni assignation à résidence ; recours pour excès de pouvoir -annulation arrêté du 29 mai 2015 refusant admission au séjour " indique que la demande d'aide juridictionnelle a été déposée le 19 juin 2015, soit dans le délai de recours contentieux ; qu'ainsi, contrairement à ce que fait valoir la préfète de la Seine-Maritime, la requête de M.D..., enregistrée le 15 octobre 2015 au greffe du tribunal administratif de Rouen tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2015 n'était pas tardive et donc irrecevable pour ce motif ;

Sur les autres moyens de la requête :

6. Considérant que, si la préfète de la Seine-Maritime a indiqué, dans son mémoire d'appel, que pour démontrer la légalité de son arrêté du 29 mai 2015, il appartiendrait à la cour de se référer à ses moyens de première instance, elle n'a ni exposé ces moyens devant la cour, ni joint une copie de son mémoire de première instance contenant ces moyens ; que, dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme ayant repris ces moyens en appel ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 29 mai 2015 refusant à M. D...la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me C...la somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat dans l'instance n° 16DA00285.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la préfète de la Seine-Maritime, à M. F... et à Me A...C....

Délibéré après l'audience publique du 9 mai 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 mai 2017.

Le rapporteur,

Signé : R. FERAL La présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

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N°16DA00285


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00285
Date de la décision : 23/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-05-23;16da00285 ?
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