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25/04/2017 | FRANCE | N°15DA01378

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quinquies), 25 avril 2017, 15DA01378


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme à lui verser une somme de 401 422,10 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à l'occasion de l'acquisition d'une officine de pharmacie le 29 mars 2007.

Par un jugement n° 1201065 du 2 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2015, M.E..., représenté pa

r Me A... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Am...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme à lui verser une somme de 401 422,10 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à l'occasion de l'acquisition d'une officine de pharmacie le 29 mars 2007.

Par un jugement n° 1201065 du 2 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2015, M.E..., représenté par Me A... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Amiens du 2 juin 2015 ;

2°) de condamner la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme à lui verser la somme de 401 422,10 euros ;

3°) subsidiairement de le renvoyer à mieux se pourvoir ;

4°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une contrariété de motifs et d'une contrariété entre les motifs et le dispositif ;

- le juge administratif est compétent pour se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme de l'article 10 du code civil dans le cadre de l'expertise judiciaire menée devant le tribunal de commerce ;

- la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme a méconnu les dispositions de l'article 10 du code civil ;

- la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme a commis une faute engageant sa responsabilité en ne lui communiquant pas, en méconnaissance des dispositions de la loi du 17 juillet 1978, l'ensemble des documents qu'elle détenait et dont il avait sollicité la communication dans le cadre de l'expertise judiciaire menée devant le tribunal de commerce ;

- la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme a commis une faute engageant sa responsabilité en raison de la défaillance dans sa mission de contrôle de l'officine de pharmacie dont il a fait l'acquisition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu la demande indemnitaire préalable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code civil ;

- le code de procédure pénale ;

- l'arrêté du 11 juillet 2006 portant approbation de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de Me A...D...pour M. E...et de Me B...F...pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme.

1. Considérant que par un acte du 29 mars 2007, M. E...a acquis une officine de pharmacie pour un prix total de 930 000 euros correspondant à 85 % du chiffre d'affaires moyen des dernières années de cette officine ; qu'après avoir constaté une diminution du chiffre d'affaires dans les mois qui ont suivi cette acquisition, M.E..., estimant que la vente de l'officine s'était réalisée dans des conditions irrégulières, a saisi le tribunal de grande instance d'Amiens d'une demande d'expertise au contradictoire des anciens propriétaires et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme en vue d'établir la réalité des pratiques de son prédécesseur et leurs conséquences sur le chiffre d'affaires de l'officine ; qu'après que le tribunal de grande instance s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce, le président de ce dernier a, par ordonnance du 14 novembre 2008, désigné un expert avec pour mission, notamment, de dire si les chiffres d'affaires déclarés lors de la vente par le prédécesseur de M. E... étaient vraisemblables, de mettre en évidence les éventuels éléments d'inexactitude ayant faussé l'évaluation du fonds, de mettre en évidence les raisons de la diminution du chiffre d'affaires de M. E...et de déterminer la valeur réelle du fonds ; que dans le cadre de cette expertise, M. E...a sollicité, le 12 octobre 2009, du président du tribunal de commerce qu'il enjoigne à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme de produire sous astreinte un certain nombre de documents qu'elle détenait et notamment les demandes de remboursements que lui avait adressées le prédécesseur de M.E... ; que cette demande d'injonction a été rejetée par le président du tribunal de commerce le 15 octobre 2009 ; que l'expert a remis son rapport le 10 novembre 2009 ; que, par une première demande du 16 mars 2011, puis une seconde du 8 mars 2012, M. E...a demandé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme de lui verser une somme dont le montant est porté à 401 422 euros dans la seconde demande, en réparation des préjudices financiers qu'il estime avoir subis à raison des défaillances de la caisse primaire d'assurance maladie dans sa mission de contrôle de l'activité de son prédécesseur ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme qui a rejeté le 16 mai 2011 la première demande indemnitaire, n'a pas répondu à la seconde ; que M. E...relève appel du jugement du 2 juin 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme à lui verser une somme de 401 422 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à l'occasion de l'acquisition d'une officine de pharmacie le 29 mars 2007 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par M. E...à l'appui de ses moyens, a répondu par un jugement qui est suffisamment motivé à l'ensemble des moyens développés dans la demande et notamment au moyen tiré de la méconnaissance, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme, de l'article 10 du code civil ainsi qu'au moyen tiré de la faute commise par ladite caisse en raison de ses défaillances dans sa mission de contrôle et de l'absence de transmission par cette dernière au procureur de la République des éléments en sa possession en application de l'article 40 du code de procédure pénale ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté ;

3. Considérant que les premiers juges ont pu, sans entacher leur jugement d'une contrariété entre les motifs et le dispositif, considérer, dans les motifs, que le juge administratif était incompétent pour connaître du moyen tiré de la méconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme de l'article 10 du code civil en raison de son refus de transmettre certains documents en sa possession au cours de la procédure d'expertise judiciaire ordonnée par le président du tribunal de commerce puis, dans le dispositif, rejeter la requête de M.E... ;

Sur la responsabilité

En ce qui concerne le refus de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme de transmettre les documents en sa possession :

4. Considérant, en premier lieu, que les premiers juges ont pu, sans entacher leur jugement de contrariété de motifs, retenir que la juridiction administrative était compétente pour statuer sur la demande de M. E...présentée devant eux et tendant à la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la défaillance de cette dernière dans la mise en oeuvre de sa mission de contrôle de l'activité de l'officine de son prédécesseur, puis juger que le juge administratif était incompétent pour connaître, dans le cadre de ce litige, du moyen tiré de la méconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme de l'article 10 du code civil en raison de son refus de transmettre certains documents en sa possession au cours de la procédure d'expertise judiciaire ordonnée par le président du tribunal de commerce ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 10 du code civil dispose que " Chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à cette obligation lorsqu'il en a été légalement requis, peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte ou d'amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts " ; que M. E...soutient que la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme, en ne communiquant pas à l'expert désigné par le tribunal de commerce les demandes de remboursements que lui avait adressées son prédécesseur, a méconnu les dispositions précitées de l'article 10 du code civil ; que, toutefois, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, le juge administratif n'est pas compétent pour apprécier le comportement d'une partie, fut-elle une personne privée chargée d'une mission de service public, dans le cadre d'une procédure judiciaire dès lors que cette appréciation est indissociable de la procédure judiciaire à laquelle elle se rattache et que seule l'autorité judiciaire pouvait tirer les conséquences, dans le cadre de la procédure engagée devant elle, du comportement reproché à cette partie ;

6. Considérant, en troisième lieu, que M. E...soutient qu'en ne lui communiquant pas les documents qu'il sollicitait, la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme a commis une faute qui engage sa responsabilité dès lors que ces documents constituent des documents communicables en application de la loi du 17 juillet 1978 susvisée ; que, toutefois, M. E...n'établit pas avoir présenté à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme une demande tendant à la communication de l'ensemble des demandes de remboursement effectuées par son prédécesseur entre 2005 et 2007 ; qu'ainsi, cette dernière ne peut avoir méconnu les dispositions de la loi du 17 juillet 1978 ; qu'il résulte en outre de l'instruction que la seule demande de communication de ces documents a été formulée par M. E...auprès du président du tribunal de commerce le 12 octobre 2009 en sollicitant de ce dernier qu'il enjoigne à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme de produire, sous astreinte, l'ensemble de ces documents ; qu'ainsi le défaut de communication reproché à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme est indissociable de la procédure judiciaire d'expertise menée devant le tribunal de commerce ; qu'il appartenait seule à cette autorité judiciaire, dans le cadre des procédures engagées devant elle et en vertu des principes et des textes qui leurs sont applicables, d'apprécier les éventuelles conséquences d'un refus de communication ; que, par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité devant le juge administratif en ne lui communiquant pas certains documents ;

En ce qui concerne la mission de contrôle de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige : " Les directeurs des organismes de sécurité sociale, ainsi que les directeurs des organismes admis à encaisser des cotisations ou à servir des prestations au titre des régimes obligatoires de base sont tenus, lorsqu'ils ont connaissance d'informations ou de faits pouvant être de nature à constituer une fraude, de procéder aux contrôles et enquêtes nécessaires. Ils transmettent à l'autorité compétente de l'Etat le rapport établi à l'issue des investigations menées " ; que M. E...soutient que si la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme avait exercé la mission de contrôle qui est la sienne de l'officine de son prédécesseur, ces contrôles auraient permis de mettre à jour les agissements de compérage et les pratiques de remboursement des préparations magistrales que M. E...reproche à son prédécesseur et qui auraient conduit à la majoration artificielle du chiffre d'affaires de l'officine ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme a diligenté un contrôle qui a mis en évidence des indus de remboursement pour des préparations magistrales perçues par son prédécesseur et a conduit au remboursement par ce dernier d'une somme de près de 4 000 euros ; qu'il n'est nullement établi que ces indus résulteraient d'une fraude qui aurait dû conduire à la transmission du rapport d'enquête à l'autorité compétente de l'Etat, d'autant qu'il n'existait plus aucune disposition règlementaire encadrant le remboursement des préparations magistrales et officinales entre 1996 et la parution du décret n° 2006-1498 du 29 novembre 2006 déterminant les règles selon lesquelles certaines catégories de préparations magistrales et officinales peuvent être exclues du remboursement et modifiant le code de la sécurité sociale ; qu'au demeurant, il résulte de l'instruction que le procureur du tribunal de grande instance d'Amiens a classé sans suite une plainte visant le prédécesseur du requérant pour des faits de compérage ; que, par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir que la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme aurait été défaillante dans sa mission de contrôle de l'activité de son prédécesseur ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par M. E...doivent être rejetées ; qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative d'inviter une partie à mieux se pourvoir ; qu'en conséquence, les conclusions subsidiaires de M. E...doivent également être rejetées ; que, par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, la somme que M. E...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... une somme de 2 000 euros à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : M. E...versera à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Etienne Quencez, président de la Cour,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 avril 2017.

Le rapporteur,

Signé : R. FERALLe président de la Cour,

Signé : E. QUENCEZ

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA01378


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quinquies)
Numéro d'arrêt : 15DA01378
Date de la décision : 25/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. Quencez
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-04-25;15da01378 ?
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