Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Air Products a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les lots n° 1, 2, 3, 7, 8, 9 et 16 des marchés passés par le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie relatifs à la fourniture de fluides médicaux, vide et services associés pour treize hôpitaux de la région Picardie ;
Par un jugement n° 1202975 du 2 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a donné acte à la société Air Products de son désistement relatif au lot n° 3, a prononcé la résiliation des marchés conclus par le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie pour les lots 7 (Production d'air médical - Beauvais et Clermont de l'Oise), 8 (Production d'air médical - Compiègne, Creil, Senlis) et 9 (Mélange Monoxyde d'Azote - Azote - Beauvais, Compiègne, Creil, Senlis) avec la société Air Liquide, sous réserve de leur complète exécution à la date du jugement, a rejeté le surplus des conclusions de la société Air Products et a mis à la charge du groupement de commandes des établissements de santé de Picardie une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 15DA01277 le 29 juillet 2015, le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie, représenté par Me B...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il prononce la résiliation des lots n° 7, 8 et 9 et met à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter les demandes de la société Air Products ;
3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de la société Air Products au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le choix de la société attributaire des lots n° 7, 8 et 9 du marché de la fourniture de fluides médicaux, vide et services associés n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- à supposer qu'une erreur ait affecté le choix de l'attributaire des lots en cause, elle n'était pas manifeste.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2016, la société Sol France SAS, représentée par Me A...D...conclut à sa mise hors de cause.
Elle indique qu'étant attributaire du lot n° 2, elle n'est pas concernée par le présent litige.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 15DA01278, le 29 juillet 2015, le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie, représenté par Me B...C..., demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à l'exécution des articles 2 et 3 du jugement n° 1202975 du 2 juin 2015 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) de mettre à la charge de la société Air Products une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen tiré de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation dans le choix du titulaire des lots n° 7, 8 et 9, est sérieux.
Un mémoire a été enregistré le 5 décembre 2016, présenté par la société Sol France SAS, représentée par Me A...D....
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Hadi Habchi.
1. Considérant que les requêtes susvisées n° 15DA01277 et n° 15DA01278 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que par un avis d'appel public à la concurrence paru le 12 avril 2012 au bulletin officiel d'annonces des marchés publics et le lendemain au journal officiel de l'Union européenne, le centre hospitalier de Beauvais, agissant en qualité de coordonnateur du groupement de commandes des établissements de santé de Picardie, a lancé un appel d'offres ouvert, composé de 17 lots, ayant pour objet la fourniture de fluides médicaux et vide à ses membres ; que, par un courrier du 21 juin 2012, la société Air Products s'est vu notifier le rejet de son offre s'agissant des lots n° 3, 4, 5 ; que, par courrier du 5 juillet 2012, le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie l'a informée que ses offres, s'agissant des lots n° 1, 2, 9 et 16, étaient rejetées, et que les lots n° 7, 8 et 9 avaient été attribués à la société Air Liquide ; que, par un jugement du 2 juin 2015 le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de la société Air Products, prononcé par son article 2, à raison d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie dans le choix de son cocontractant, la résiliation des lots n° 7, 8 et 9 et, par son article 3, a mis à la charge du groupement de commandes des établissements de santé de Picardie, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie demande l'annulation des deux articles précités du jugement du tribunal administratif d'Amiens et le rejet des demandes de la société Air Products ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement :
3. Considérant en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le règlement de consultation prévoyait s'agissant des lots n° 7 et 8 relatifs à la production d'air médical pour, respectivement, les centres hospitaliers Beauvais et Clermont de l'Oise, et les centres hospitaliers de Compiègne, Creil, Senlis, l'appréciation des offres au travers de deux critères tenant à leur qualité technique et de leur prix, pondérés respectivement à hauteur de 60 % et de 40 % de la note finale ; que les éléments d'appréciation de la qualité technique étaient le délai de mise en place des installations, le délai d'intervention en cas d'incident, le schéma des procédures de dépannage et la remise d'une copie d'un rapport d'intervention dûment renseigné ;
4. Considérant qu'en ce qui concerne le lot n° 7 la société Air Products a obtenu une note de 9,6 /20 s'agissant de la valeur technique de l'offre et la note de 6,1/20 s'agissant du prix proposé ; que la société Air Liquide a obtenu une note identique s'agissant de la valeur technique de son offre et une note de 8 s'agissant du prix ; qu'il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne le délai de mise en place des installations, le délai d'intervention en cas d'incident et le schéma des procédures de dépannage, la société Air Liquide s'est engagée à mettre en place ses installations dans les trois semaines qui suivent l'attribution du marché, alors que la société Air Products se propose de le faire suivant les dates indiquées au cahier des clauses administratives particulières ; que, s'agissant du " délai d'intervention en cas d'incident " Air Products s'engage à intervenir en deux heures et Air Liquide en trois heures et ce, 24 heures sur 24 ; que, s'agissant du " schéma des procédures de dépannage " Air Products s'engage à recontacter son client dans les dix minutes suivant son appel pour établir un diagnostic et indique qu'en cas de panne, un technicien est d'astreinte 24 heures sur 24 et peut mettre en place, au besoin, une station provisoire ; qu'Air Liquide indique, quant à elle, qu'un technicien est disponible afin d'intervenir en urgence ; que ces éléments ne permettant pas de déterminer une différence notable dans la qualité technique des offres présentées ; qu'en revanche, le prix des prestations proposées par la société Air Products était 31 % plus onéreux que le prix proposé par la société Air liquide ; que, dans ces conditions, le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a estimé que le choix d'attribuer ce lot à la société Air Liquide était entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des offres en présence ;
5. Considérant qu'en ce qui concerne le lot n° 8, les deux candidats ont obtenu la note de 9,6/20 s'agissant de l'appréciation de la valeur technique de leur offre ; qu'en raison d'une importante différence de prix de 57 %, la société Air Liquide a obtenu la note de 8 lors de l'appréciation du critère du prix alors que son concurrent a obtenu la note de 5,07 ; que la circonstance que le rapport d'analyse de l'offre de la société Air Products ne porte pas de commentaire quant à l'élément d'appréciation " copie d'un rapport d'intervention " est insuffisante pour établir que l'appréciation de la valeur technique de son offre aurait été incomplète ; qu'en outre, à supposer qu'Air Products ait obtenu la note maximale sur le critère de la valeur technique de son offre, sa note globale, en raison de la différence de prix précitée, serait demeurée inférieure à celle obtenue par le société Air Liquide ; que dans ces circonstances, le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a estimé que le choix d'attribuer ce lot à la société Air Liquide était entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des offres en présence ;
6. Considérant en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que le règlement de consultation prévoyait s'agissant du lot n° 9 relatif à la fourniture de monoxyde d'azote pour les centre hospitaliers de Beauvais, Compiègne, Creil et Senlis, l'appréciation des offres au travers de deux critères tenant à leur qualité technique, pondéré à hauteur de 60 % de la note globale et du prix, représentant 40 % de la note finale ; que les éléments d'appréciation de la valeur technique de l'offre étaient, le délai de livraison et les procédures et moyens d'accompagnement dans le mise en oeuvre du mélange gazeux livré ; que, là encore, les deux concurrents ont obtenu la même note technique, la proposition de prix ayant permis de les différencier ; que la société Air Products a obtenu la note de 17,61/20 et la société Air Liquide la note de 18,8/20 ; que, si le rapport d'analyse des offres comporte une mention relative à l'appréciation de la qualité technique générale de l'offre remise par la seule société Air liquide, ceci ne signifie pas que l'appréciation de la valeur technique de l'offre remise par la société Air Products n'aurait pas été effectuée ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'offre remise par cette dernière société serait supérieure techniquement à celle remise par la société Air Liquide ; qu'en outre à supposer même que la société Air Products aurait obtenu la note maximale dans l'appréciation de la valeur technique de son offre, la note globale qui lui aurait alors été attribuée aurait été identique à celle obtenue par la société Air liquide ; que dans ces circonstances, le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a estimé que le choix d'attribuer ce lot à la société Air Liquide était entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des offres en présence ;
7. Considérant que par le présent arrêt il est répondu à l'ensemble des moyens articulés par la société Air Products à l'encontre de la dévolution des lots n° 7, 8 et 9 en litige ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance alléguée de l'article 53 du code des marchés publics et du caractère imprécis du critère de la valeur technique des offres ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'article 2 du jugement attaqué le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la résiliation des lots n° 7, 8 et 9 ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du groupement de commandes des établissements de santé de Picardie, qui n'était pas, en première instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Air Products demandait au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par suite, le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a mis à sa charge la somme de 1 500 euros en application des dispositions précitées ;
Sur les conclusions afin de sursis à l'exécution du jugement :
10. Considérant que, dès lors qu'il est statué au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce que la cour prononce le sursis à exécution de ce jugement, sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Air Products le versement de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par le groupement de commandes des établissements de santé de Picardie et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15DA01278 du groupement de commandes des établissements de santé de Picardie.
Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 2 juin 2015 sont annulés.
Article 3 : Les demandes présentées par la société Air Products devant le tribunal administratif d'Amiens sont rejetées.
Article 4 : La société Air Products versera la somme de 3 000 euros au groupement de commandes des établissements de santé de Picardie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au groupement de commandes des établissements de santé de Picardie, à la société Air Products, à la société Air Liquide Santé France et à la société Sol France.
Copie en sera adressée pour information à l'agence régionale de santé Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 12 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 janvier 2017.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZET Le président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°s15DA01277-15DA01278
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N°"Numéro"