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30/12/2016 | FRANCE | N°16DA01354

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 30 décembre 2016, 16DA01354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2015 du préfet du Nord lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1600080 du 17 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2016, MmeA..., représentée p

ar Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 mai 2016 du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2015 du préfet du Nord lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1600080 du 17 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2016, MmeA..., représentée par Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 mai 2016 du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2015 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de résident, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me D...en vertu de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet n'ayant pas examiné sa situation au regard de l'ensemble des titres de séjour, il n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet ne justifie pas de la compétence du signataire de cette décision ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;

- le préfet ne justifie pas de la compétence du signataire de cette décision ;

- cette décision est illégale car fondée sur un refus de renouvellement de titre de séjour illégal ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est mère d'un enfant français ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet ne justifie pas de la compétence du signataire de la décision lui accordant un délai de départ de trente jours ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale car fondée sur un refus de renouvellement de titre de séjour illégal ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1.Considérant que MmeA..., ressortissante guinéenne née le 16 août 1995, serait entrée irrégulièrement en France le 30 novembre 2013 selon ses déclarations ; que le 15 mai 2014, Mme A...a été admise à séjourner provisoirement sur le territoire national afin de lui permettre de déposer une demande d'asile devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 novembre 2014, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 avril 2015 ; que le préfet du Nord, par un arrêté du 24 septembre 2015, a refusé à Mme A...la délivrance d'une carte de résident en qualité de réfugié, l'a obligée à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme A...relève appel du jugement du 17 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose à l'autorité préfectorale, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'admission au séjour au seul titre de l'asile, d'examiner d'office si le demandeur peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement, même si elle conserve la faculté de faire usage, à titre gracieux, du pouvoir de régularisation qui lui est reconnu ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 24 septembre 2015 en litige a pour seul objet de se prononcer sur la demande de titre de séjour que Mme A...avait présentée au titre de l'asile ; que la demande d'asile de l'intéressée a fait l'objet d'une décision de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 novembre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 avril 2015 ; que le préfet du Nord, qui n'a pas examiné la demande de Mme A... sur un autre fondement que celui de l'asile, mais s'est seulement assuré, avant de lui faire obligation de quitter le territoire français, de ce qu'elle n'était pas dans une situation faisant légalement obstacle au prononcé d'une telle mesure, était ainsi tenu de refuser à l'intéressée la délivrance de la carte de résident qu'elle sollicitait sur le seul fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés par Mme A...de l'incompétence de l'auteur de l'acte, du défaut d'examen particulier de sa situation et de l'insuffisance de motivation doivent, en tant qu'ils sont dirigés contre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, être écartés comme inopérants ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort de la décision attaquée que le préfet du Nord, alors même qu'il n'y était pas tenu, a cependant examiné la vie privée et familiale de Mme A...et doit dès lors être regardé comme ayant recherché si cette dernière pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si Mme A...est entrée en France, le 30 novembre 2013, selon ses déclarations, elle n'a pu se maintenir sur le territoire national qu'à raison de sa demande d'asile ; que si elle se prévaut par ailleurs de la présence en France à ses côtés de ses deux enfants mineurs, dont l'un est né en France d'un père français, et qu'elle serait enceinte de ce dernier, elle n'établit cependant pas l'existence d'une communauté de vie avec le père de son enfant et ne produit aucun élément de nature à démontrer que celui-ci rendrait visite à son enfant ou qu'il participerait à son éducation ou à son entretien ; que, par ailleurs, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de dix-huit ans ; que par suite, la décision refusant à Mme A...la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination :

5. Considérant que Mme A...soutient qu'elle ne pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en tant que mère d'un enfant de nationalité française et se prévaut à ce titre de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces dispositions relatives aux mesures d'expulsion ne sont toutefois pas applicables à la situation de MmeA... ; que, cette dernière doit néanmoins être regardée comme invoquant les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du même code qui font obstacle à l'éloignement d'un parent d'un enfant français ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le deuxième enfant de MmeA..., né le 4 juillet 2014 à Dechy (Nord), a été reconnu le 6 juillet 2015 par un ressortissant français ; qu'il n'est pas contesté par le préfet du Nord que Mme A...contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants qui l'accompagnent et résident avec elle ; que, dans ces conditions, Mme A...ne pouvait légalement, le 24 septembre 2015, en application des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire national en tant que mère d'un enfant français ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que si le présent arrêt n'implique pas que le préfet du Nord délivre à Mme A...le titre de séjour qu'elle demande, il lui impose de réexaminer la situation de l'intéressée au regard du droit au séjour et notamment des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce nouvel examen dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui prescrire de munir Mme A...d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de cet examen ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à Me D...de la somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet du Nord du 24 septembre 2015 est annulé en tant qu'il oblige Mme A...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Article 2 : Le jugement n°1600080 du tribunal administratif de Lille du 17 mai 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de mettre l'intéressée en possession d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel et de la demande devant le tribunal administratif de Lille de Mme A...est rejeté.

Article 5 : L'État versera à Me D...la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...A..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me C...D....

Délibéré après l'audience publique du 13 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme E...B..., première conseillère,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : R. FÉRALLe président de chambre,

Signé : M. G...

Le greffier,

Signé : M. T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°16DA01354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA01354
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-12-30;16da01354 ?
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