Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...H...D...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de La Couture à lui verser une somme de 352 782 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident survenu le 12 janvier 2010.
Par un jugement n° 1206739 du 10 mars 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 mai, 31 juillet et 8 septembre 2015, M. H... D..., représenté par Me L...I..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 10 mars 2015 ;
2°) de condamner la commune de La Couture à lui verser la somme de 352 782 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident survenu le 12 janvier 2010 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Couture le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et des entiers dépens.
Il soutient que :
- la responsabilité de la commune de La Couture est engagée pour défaut de signalisation de l'excavation et de l'absence d'éclairage ;
- il n'a pas commis de faute susceptible d'exonérer la commune de La Couture de sa responsabilité ;
- l'accident lui a causé des préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux.
Par des mémoires, enregistrés les 20 juillet 2015 et 6 juin 2016, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Artois, représentée par Me E...J..., conclut :
1°) à ce que la commune de La Couture et son assureur soient condamnés solidairement à lui verser la somme de 456 452,78 euros au titre des débours engagés, ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts ;
2°) à ce que la commune de La Couture et son assureur soient condamnés solidairement à lui verser la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) à ce que soit mise solidairement à la charge de la commune de La Couture et de son assureur la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle s'en remet à la sagesse de la Cour pour statuer sur la responsabilité de la commune de La Couture.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2015, la commune de La Couture, représentée par Me N...C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. H...D...la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'excavation était correctement balisée et n'était pas sur le chemin piétonnier ; aucun défaut d'entretien normal ne peut lui être reproché ;
- l'imprudence de M. H...D...l'exonère de toute responsabilité.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 29 juillet et 12 novembre 2015, la société mutuelle d'assurances de Bourgogne, représentée par Me B...K..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. H...D...la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'excavation était correctement balisée et n'était pas sur le chemin piétonnier ; aucun défaut d'entretien normal ne peut être reproché à la commune de La Couture ;
- l'imprudence fautive de M. H...D...l'exonère de toute responsabilité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me M...O..., représentant M. H...D..., de Me N... C..., représentant la commune de La Couture, et de Me G...A..., représentant la société mutuelle d'assurances de Bourgogne.
1. Considérant que M. F...H...D...a été victime, le 12 janvier 2010, d'une chute alors qu'il circulait à vélo sur le territoire de la commune de La Couture ; qu'il relève appel du jugement du 10 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a refusé de condamner la commune de La Couture à lui verser une somme de 352 782 euros au titre des préjudices qu'il a subis à la suite de son accident ;
Sur la responsabilité de la commune de La Couture :
2. Considérant que, pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le juge administratif, d'une part, la réalité de leur préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage ; que, pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement aménagé ou entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un évènement de force majeure ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. H...D...a été victime d'une chute alors qu'il circulait à vélo à proximité du local de l'association du boulodrome situé dans l'enceinte du stade de la commune de La Couture ; que cette chute est due à la présence d'une excavation de 40 à 60 cm de profondeur, réalisée pour la commune de La Couture par la société Royez-Gallet, et destinée à recevoir l'un des plots en béton pour la fondation d'un bâtiment en construction dans l'enceinte du stade communal ; que cette circonstance est suffisamment établie par la production de deux attestations émanant des personnes qui lui ont porté les premiers secours et ont appelé les pompiers ; que, par suite, le lien de causalité entre la présence d'une excavation et le dommage subi par M. H...D...est établi ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des procès-verbaux de l'enquête de gendarmerie relative à cet accident, que l'entreprise réalisant les travaux avait procédé à la pose d'un ruban de balisage encadrant les excavations, tenu par des piquets métalliques ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les travaux étaient arrêtés depuis au moins dix jours à la date de l'accident, en raison des intempéries ; qu'il ressort, tant des procès-verbaux d'audition des témoins et du responsable des travaux que des photographies prises plusieurs jours avant les faits, que suite aux fortes chutes de neige les jours précédant l'accident, une partie du ruban était tombée et n'était plus visible ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que la signalisation de la dangerosité des lieux était suffisante ; qu'il résulte en outre de l'instruction, et notamment des déclarations des témoins que l'éclairage des lieux était défaillant, et ne concernait, en tout état de cause, pas le lieu de l'accident ; que, dans ces circonstances, la commune de La Couture, en ne procédant pas à une sécurisation suffisante de la zone de travaux, eu égard à la taille importante des excavations, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
5. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que les excavations en cause n'étaient pas creusées sur l'assiette du chemin piétonnier, mais en bordure de celui-ci ; que ce chemin était d'une largeur suffisante pour que les piétons puissent y circuler aisément ; que, M. H... D..., qui fréquentait régulièrement les locaux de l'association, ne pouvait ignorer ni le fait qu'il circulait sur un chemin piétonnier, non destiné à l'usage de déplacements à vélo, comme le relève la commune de La Couture, ni l'assiette du chantier, ni l'existence des excavations, qui avaient été creusées au moins dix jours avant son accident ; que si la neige tombée les jours précédents et l'obscurité ne permettaient pas de bien discerner l'assiette de la voie piétonne, il résulte de l'instruction, d'une part, que ce chemin longe la barrière du terrain de football qui permet de repérer aisément, même dans l'obscurité, le bord du chemin le plus éloigné des travaux, et d'autre part, que M. H...D...avait pris ce chemin plusieurs fois durant la journée, puisqu'il est venu dans les locaux de l'association en milieu d'après-midi, avant de repartir chez lui et de revenir en début de soirée ; que c'est en repartant chez lui, entre 20h et 20h30, que l'accident a eu lieu ; qu'il n'est pas établi que M. H...D...aurait adapté son mode de déplacement ou sa vitesse aux conditions météorologiques et à la présence de neige sur la chaussée ; que son imprudence fautive doit être considérée, dans les circonstances de l'espèce, comme exonérant totalement la commune de La Couture de sa responsabilité ; qu'ainsi, les conclusions tendant à ce que la commune de La Couture soit déclarée responsable, pour défaut d'entretien de l'ouvrage public, des conséquences de cet accident et au versement d'une indemnité réparatrice ne peuvent qu'être rejetées ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. H... D...et la CPAM de l'Artois ne sont pas fondés à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de La Couture, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. H...D...une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, et à ce que la commune de La Couture et la société mutuelle d'assurances de Bourgogne versent à la CPAM de l'Artois une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune de La Couture et la société mutuelle d'assurances de Bourgogne ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. H... D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la CPAM de l'Artois, la commune de La Couture et la société mutuelle d'assurances de Bourgogne sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...H...D..., à la commune de La Couture, à la société mutuelle d'assurances de Bourgogne et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois.
Délibéré après l'audience publique du 18 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 novembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. P...La présidente de chambre,
Signé : O. DESTICOURT
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
4
N°15DA00757