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03/11/2016 | FRANCE | N°15DA01787

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 03 novembre 2016, 15DA01787


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 juin 2015 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n°1502078 du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête e

t un mémoire enregistrés le 12 novembre 2015 et le 6 septembre 2016, MmeA..., représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 juin 2015 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n°1502078 du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 novembre 2015 et le 6 septembre 2016, MmeA..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 20 octobre 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 6° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour a pour conséquence l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 et de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2016, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens présentés par Mme A...ne sont pas fondés.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeA..., ressortissante nigériane, relève appel du jugement du 20 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2015 du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour de plein droit " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le Nigéria comme pays de destination ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'après avoir affirmé dans ses motifs qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...assume la charge effective de son enfant, dont la nationalité française n'est pas contestée, et que cette situation est de nature à faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre, en application des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal administratif de Rouen a, dans le dispositif de son jugement, rejeté la requête de l'intéressée tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2015, y compris en ce que le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; qu'ainsi, ce jugement comporte une contrariété entre ses motifs et son dispositif ; que Mme A...est, dès lors, fondée à en demander l'annulation pour ce motif, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de Mme A...dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et la décision fixant le pays de destination de l'éloignement et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de la requête ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d' asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a subordonné la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " demandée par un étranger au motif qu'il est parent d'un enfant français à la condition, notamment, que l'enfant réside en France ; que, pour l'application de cette condition, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des justifications produites, où se situe la résidence de l'enfant, entendue comme le lieu où il demeure effectivement de façon stable et durable à la date à laquelle le titre est demandé ;

5. Considérant, en outre, qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant " ;

6. Considérant que les dispositions précitées exigent, pour l'obtention d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, que ce soit à l'étranger qui se prévaut de cette qualité d'établir contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci, ou depuis deux années ; que, s'il ressort des pièces du dossier que l'appelante est, comme le soutient le préfet de la Seine-Maritime, dépourvue de ressources propres en tant qu'elle perçoit des aides sociales et est hébergée à titre gratuit, le domicile habituel du père de son enfant, qui a indiqué une résidence à Rouen et à Val-de-Reuil, ne pouvant en outre être déterminé de manière certaine, Mme A...suit des cours de français et a pu participer à deux stages de formation rémunérés, pendant les mois de février à avril 2015 ; qu'elle produit l'acte de naissance de son filsF..., né le 27 septembre 2012 à Rouen, dont le père, M. D...B..., né à Brazzaville (République démocratique du Congo) a la nationalité française, ainsi que le certificat de nationalité française de son fils, délivré le 3 décembre 2013 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Rouen ; qu'il n'est pas démontré, ni même allégé par le préfet que la reconnaissance de paternité aurait été souscrite de manière frauduleuse ; que Mme A...justifie aussi avoir bénéficié, antérieurement à la décision en litige d'une aide financière par le père de son enfant, en produisant le récépissé d'une demande de virement, d'un montant de 70 euros, aide qui a, au demeurant, été poursuivie après l'intervention de cette décision ; que Mme A...vit en France avec son enfant mineur en bas âge, sur lequel elle exerce l'autorité parentale, et contribue effectivement à proportion de ses ressources et de ses besoins à son entretien et à son éducation depuis sa naissance ; que, par suite, le préfet de la Seine -Maritime a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 juin 2015 du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour de plein droit " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans " ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, MmeA..., de nationalité nigériane, contribue depuis sa naissance à l'entretien et à l'éducation du jeuneF..., son enfant mineur de nationalité française, qui réside en France auprès d'elle, à proportion de ses ressources et de ses besoins ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime, en l'obligeant à quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours, a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, prise à son encontre le 18 juin 2015 par le préfet de la Seine-Maritime, ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation de sa décision en date du même jour fixant le pays de destination, prise pour l'exécution de la mesure d'éloignement ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Maritime délivre à Mme A...une carte de séjour valable un an portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat à ce titre une somme de 800 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 20 octobre 2015 et l'arrêté du 18 juin 2015 du préfet de la Seine-Maritime sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme A...un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Augustin Paraiso, avocat de MmeA..., une somme de 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Me Augustin Paraiso.

Délibéré après l'audience publique du 22 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 novembre 2016.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : O. NIZET

Le président de chambre,

Président-rapporteur,

Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

2

N°15DA01787


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01787
Date de la décision : 03/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : PARAISO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-11-03;15da01787 ?
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