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04/10/2016 | FRANCE | N°14DA01009

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 04 octobre 2016, 14DA01009


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...F...agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs B...I...et A...I..., M. C...F..., M. D...F...et Mme J...F...-K... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Compiègne à leur verser la somme globale de 72 000 euros ainsi que la somme de 30 949,43 euros à verser à Mme G...F...en son nom personnel, la somme de 18 000 euros à verser à Mme G...F...en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...F...agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs B...I...et A...I..., M. C...F..., M. D...F...et Mme J...F...-K... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Compiègne à leur verser la somme globale de 72 000 euros ainsi que la somme de 30 949,43 euros à verser à Mme G...F...en son nom personnel, la somme de 18 000 euros à verser à Mme G...F...en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, à raison de 9 000 euros pour chacun d'eux, la somme de 27 000 euros à verser à M. C...F..., la somme de 27 000 euros à verser à M. D... F...et la somme de 9 000 euros à verser à Mme J...F...-K..., en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de Mme E...F...à la suite de sa prise en charge dans cet établissement.

Par un jugement n° 1202941 du 15 mai 2014, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Compiègne à verser à Mme G...F..., à M. C... F... et à M. D...F..., en leur qualité d'héritiers de Mme E...F..., la somme globale de 6 000 euros, à Mme G...F..., en son nom personnel, la somme globale de 4 470,51 euros, à Mme G...F..., en sa qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, B...et A...I..., la somme de 1 500 euros chacun, à M. C...F..., en son nom personnel, la somme de 2 550 euros, à M. D...F..., en son nom personnel, la somme de 2 550 euros et à Mme J...F...-K..., en son nom personnel, la somme de 1 500 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juin 2014 et le 14 avril 2015, Mme G...F..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs B...I...et A...I..., M. C...F..., M. D...F...et Mme J...F...-K..., représentés par la SELARL Coubris, Courtois et associés demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 15 mai 2014 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Compiègne à leur verser la totalité des indemnités demandées ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Compiègne une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le centre hospitalier de Compiègne a commis une faute dans la prise en charge de Mme E...F... ;

- la perte de chance de survie est supérieure à 50 % ;

- les souffrances endurées par Mme E...F...doivent être indemnisées à hauteur de 12 000 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire de Mme E...F...doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;

- la souffrance morale de Mme E...F..., liée à la conscience de la perte de chance de survie, doit être indemnisée à hauteur de 50 000 euros ;

- les frais de déplacement engagés par Mme G...F...s'élèvent à 227,70 euros ;

- les frais de correspondance engagés par Mme G...F...s'élèvent à 74,63 euros ;

- les frais d'obsèques ont été de 3 647,10 euros ;

- le préjudice d'accompagnement subis par les trois enfants de Mme E...F...doit être indemnisé à hauteur de 7 000 euros chacun ;

- le préjudice d'affection subi par les trois enfants de Mme E...F...doit être indemnisé à hauteur de 20 000 euros chacun ;

- le préjudice d'affection subi par les trois petits enfants de Mme E...F...doit être indemnisé à hauteur de 9 000 euros chacun.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2015, le centre hospitalier de Compiègne, représenté par MeH..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le taux de perte de chance de survie de Mme E...F...ne peut être supérieur à 50 % ;

- les premiers juges ont procédé à une correcte évaluation des préjudices subis par les requérants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que Mme G...F..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs B...I...et A...I..., M. C... F..., M. D...F...et Mme J...F...-K... relèvent appel du jugement du 15 mai 2014 par lequel le tribunal administratif d'Amiens n'a fait que partiellement droit à leurs conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier de Compiègne à les indemniser des préjudices résultant du retard fautif de diagnostic et de prise en charge thérapeutique de Mme E... F...qui a été admise au service des urgences du centre hospitalier de Compiègne le 11 juillet 2010 en raison de douleurs au niveau du pied gauche et, après l'amputation de sa jambe gauche le 15 juillet, y est décédée le 20 juillet ;

Sur l'évaluation de la perte de chance de Mme E...F...:

2. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel survenu, mais la perte d'une chance d'éviter ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 13 janvier 2012 du docteur Jacques Azorin, expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Picardie, que lors de sa prise en charge au service des urgences du centre hospitalier de Compiègne le 11 juillet 2010 en début d'après-midi, Mme E...F...présentait, depuis déjà plus de six heures, des signes d'ischémie aigüe du membre inférieur gauche entrainant des dégâts musculaires irréversibles et rendant inévitable une amputation ; qu'il résulte également de l'instruction qu'au moment de sa prise en charge, Mme E...F..., alors âgée de 76 ans, présentait de lourds antécédents médicaux et était notamment atteinte d'une infection urinaire causée par la présence d'un germe E. Coli ; que le décès de Mme E...F...est consécutif à un choc septique secondaire à cette infection urinaire ; que, toutefois, le retard dans le diagnostic d'ischémie aigüe que présentait Mme E...F...a obligé l'équipe médicale à procéder à une amputation étendue au niveau de la cuisse, alors qu'elle aurait pu être limitée à la partie inférieure de la jambe en l'absence de faute du centre hospitalier ; que l'ampleur de cette amputation a vraisemblablement renforcé les conséquences dommageables de l'infection dont souffrait l'intéressée ; qu'eu égard à ces circonstances, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce en considérant que la faute du centre hospitalier de Compiègne devait être regardée comme ayant fait perdre à Mme E...F...une chance de survie évaluée à 50 % ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices personnels de Mme E...F... :

4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'ensemble des souffrances physiques et morales endurées par Mme E... F... avant son décès, en raison de la faute du centre hospitalier de Compiègne, en octroyant, compte tenu de l'ampleur de la chance perdue fixée à 50 %, une somme de 6 000 euros à Mme G...F..., à M. C...F..., et à M. D...F..., en leur qualité d'héritiers de Mme E...F... ;

5. Considérant que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préjudice esthétique temporaire résultant de l'amputation de la jambe de Mme E...F...était en lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier de Compiègne dès lors que si l'amputation était inévitable, son ampleur a été aggravée par la faute commise ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, Mme E...F...étant décédée cinq jours après son amputation de la jambe, il n'y pas lieu d'allouer une indemnité au titre d'un préjudice esthétique temporaire ;

En ce qui concerne les préjudices de Mme G...F...:

6. Considérant que les premiers juges ont, à bon droit, après avoir écarté la demande tendant au remboursement des frais de déplacement chez le notaire en l'absence de lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier de Compiègne, accordé à Mme G...F..., une somme de 119,30 euros au titre des frais de déplacement engagés dans le cadre de la procédure devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Picardie, la somme de 74,63 euros correspondant aux frais de communication du dossier médical de Mme E...F...et aux frais postaux s'y rapportant et la somme de 3 647,10 euros au titre des frais d'obsèques ;

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont également fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par Mme G...F...en l'évaluant, avant prise en compte du taux de perte de chance, à 5 000 euros, ainsi que de son " préjudice d'accompagnement " en l'évaluant, avant prise en compte du taux de perte de chance, à 100 euros, dès lors que l'intéressée ne justifie pas de troubles dans ses conditions d'existence ayant résulté pour elle de l'obligation d'apporter une aide particulière à Mme E...F...pendant son séjour hospitalier entre le 11 et le 20 juillet 2010 ;

En ce qui concerne les préjudices de M. C...F...et M. D...F...:

8. Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par M. C...F...et M. D...F..., fils de la victime, en l'évaluant, avant prise en compte du taux de perte de chance, à 5 000 euros chacun, ainsi que de leur " préjudice d'accompagnement " en l'évaluant, avant prise en compte du taux de perte de chance, à 100 euros chacun, dès lors que les intéressés ne justifient pas de troubles dans leurs conditions d'existence ayant résulté pour eux de l'obligation d'apporter une aide particulière à Mme E...F...pendant son séjour hospitalier entre le 11 et le 20 juillet 2010 ;

En ce qui concerne le préjudice d'affection de Mme J...F...-K..., de M. B...I...et de M. A...I... :

9. Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par Mme J...F...-K..., par M. B...I...et M. A...I..., petits-enfants, de Mme E...F..., en l'évaluant à la somme de 3 000 euros chacun et en accordant donc, compte tenu de l'ampleur de la perte de chance perdue fixée à 50 %, une somme de 1 500 euros à chacun à ce titre ;

10. Considérant qu'il résulte de de tout ce qui précède que Mme G...F...agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs B...I...et A...I..., M. C...F..., M. D...F...et Mme J...F...-K... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif d'Amiens, par le jugement attaqué, a condamné le centre hospitalier de Compiègne à verser à Mme G...F..., à M. C...F...et à M. D...F..., en leur qualité d'héritiers de Mme E...F..., la somme globale de 6 000 euros, à Mme G...F..., en son nom personnel, la somme globale de 4 470,51 euros, à Mme G...F..., en sa qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, B...et A...I..., la somme de 1 500 euros chacun, à M. C... F..., en son nom personnel, la somme de 2 550 euros, à M. D...F..., en son nom personnel, la somme de 2 550 euros et à Mme J...F...-K..., en son nom personnel, la somme de 1 500 euros ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme G...F...agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses enfants mineurs B...I...et A...I..., et de M. C...F..., M. D... F...et Mme J...F...-K... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...F..., à M. C...F..., à M. D...F..., à Mme J...F...-K..., au centre hospitalier de Compiègne et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 20 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 octobre 2016.

Le rapporteur,

Signé : R. FÉRALLa présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M. T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

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N°14DA01009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA01009
Date de la décision : 04/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL COUBRIS COURTOIS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-10-04;14da01009 ?
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