La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2016 | FRANCE | N°15DA02034

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 15 septembre 2016, 15DA02034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 novembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et ordonné son placement en rétention administrative.

Par l'article 1er du jugement n° 1503611 du 17 novembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions fixant le pays d

e destination et ordonnant le placement en rétention de l'intéressé et a rejeté le surpl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 novembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et ordonné son placement en rétention administrative.

Par l'article 1er du jugement n° 1503611 du 17 novembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions fixant le pays de destination et ordonnant le placement en rétention de l'intéressé et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2015, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.A....

Elle soutient que :

- M. A...n'établit pas être exposé à des risques réels et personnels de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine ;

- il n'apporte aucun élément permettant de tenir pour établi qu'il est bien originaire d'Afghanistan et de la province de Nangarhâr ;

- il n'a pas demandé l'asile ;

- son placement en rétention est justifié par la perspective raisonnable de son éloignement.

La requête a été régulièrement communiquée à M. A...qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'à la suite de son interpellation, le 11 novembre 2015, dans la zone d'accès restreint de la gare ferroviaire du lien fixe transmanche par les services de la police aux frontières, M.A..., se déclarant ressortissant afghan, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le même jour lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il revendique la nationalité, ou de tout autre pays dans lequel il est légalement admissible, et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 17 novembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions fixant le pays de destination et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que selon les termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. C. France, n° 18039/11) ;

3. Considérant que M.A..., se disant originaire d'Hesarak, dans le district d'Hesarak, de la province de Nangarhâr située à la frontière est de l'Afghanistan avec le Pakistan, fait valoir que ses cousins, alliés aux Talibans, ont tué son père il y a six ans et lui ont ordonné il y a un an et deux mois de rejoindre les Talibans ; qu'ayant refusé, ils ont cherché à le tuer, ce qui l'a conduit à fuir avec son petit frère ; que M.A..., qui est dépourvu de tout document d'identité, n'apporte toutefois aucun élément probant de nature à établir ses origines ainsi que la réalité de ses allégations ; que si sa demande de première instance, rédigée avec l'aide de l'association " France terre d'asile ", contient une description précise et documentée de la situation géopolitique dans la Province de Nangarhâr et le district d'Hesarak, elle n'apporte en revanche aucune précision d'ordre personnel quant aux conditions de vie de l'intéressé dans cette région, ni aucun éléments relatifs à ce qu'il y a lui-même vu ou subi ; qu'ainsi, eu égard au caractère particulièrement succinct de son récit personnel, M. A...ne peut être regardé comme établissant qu'il serait effectivement originaire de la province et du district précités où le degré de violence généralisée est effectivement tel qu'un civil renvoyé dans la région concernée courrait un risque réel de subir une menace grave du seul fait de sa présence sur ce territoire ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a retenu, pour annuler la décision fixant le pays de destination de l'intéressé et, par voie de conséquence, celle ordonnant son placement en rétention, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen ;

5. Considérant que les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige et de son insuffisante motivation, déclinés à l'encontre de chacune des décisions, doivent être écartés par adoption des motifs exposés aux points 1 et 2 du jugement attaqué ;

6. Considérant que, si l'intéressé se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Rouen, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point, a rejeté à bon droit ses conclusions tendant à l'annulation de cette mesure d'éloignement ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement est entachée d'illégalité ;

Sur la décision ordonnant le placement en rétention :

8. Considérant que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision refusant à M. A...un délai de départ volontaire, en tant qu'elle se fonde sur une mesure d'éloignement illégale, doit être écarté pour les raisons exposées au point 6 ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces versées en cause d'appel par la préfète du Pas-de-Calais que l'autorité administrative a accompli dès le 11 novembre 2015 plusieurs diligences auprès des autorités consulaires afghanes afin de procéder à l'éloignement de M.A... ; que, par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que son placement en rétention aurait eu un autre but que son éloignement ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

12. Considérant qu'il est constant que M. A...a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 11 novembre 2015 ; que, l'intéressé n'ayant par ailleurs présenté aucun document d'identité ou de voyage valide, ni d'adresse stable ou toute pièce justifiant l'existence d'un domicile, il doit être regardé comme ne présentant pas les garanties de représentation propres à prévenir un risque de fuite ; que, par suite, c'est sans erreur d'appréciation que la préfète du Pas-de-Calais a ordonné son placement en rétention administrative ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales / (...) / f. s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours " ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 10 et 12 que le placement en rétention de M. A...est légalement justifié par son entrée et sa présence irrégulières sur le territoire français et son absence de garantie de représentation et que cette décision a été prise en vue de son éloignement vers le pays dont il s'est déclaré ressortissant ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision de le placer en rétention administrative est entachée d'illégalité ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ses décisions fixant le pays de destination de l'éloignement de M. A...et ordonnant son placement en rétention ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rouen du 17 novembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination et celle prononçant son placement en rétention administrative est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera transmise pour information à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 septembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

''

''

''

''

N°15DA02034 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA02034
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-15;15da02034 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award