La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2016 | FRANCE | N°15DA00005

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 15 septembre 2016, 15DA00005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...F...ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société pour la réalisation et la gestion du marché d'intérêt national de la région de Lille (SOGEMIN) à leur verser une indemnité globale de 200 000 euros, augmentée des intérêts à compter du 19 octobre 2011, en réparation des préjudices subis à raison des fautes commises par cette société.

Par un jugement n° 1201786 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Proc

édure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2015, M. et Mme D...F..., re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...F...ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société pour la réalisation et la gestion du marché d'intérêt national de la région de Lille (SOGEMIN) à leur verser une indemnité globale de 200 000 euros, augmentée des intérêts à compter du 19 octobre 2011, en réparation des préjudices subis à raison des fautes commises par cette société.

Par un jugement n° 1201786 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2015, M. et Mme D...F..., représentés par Me A...B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la SOGEMIN à leur verser une indemnité globale de 200 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de la SOGEMIN la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la société d'économie mixte a méconnu l'obligation de garantie qu'elle avait nécessairement contractée envers l'exploitant de la buvette en modifiant les conditions d'exercice de leur activité, en les empêchant de se développer et en favorisant d'autres concessionnaires en méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre eux ;

- par sa " brusquerie ", l'expulsion du domaine public a été fautive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2015, la société de gestion et de réalisation du marché d'intérêt national (SOGEMIN), représentée par Me C...E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des époux F...de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- l'ordonnance n° 67-808 du 22 septembre 1967 portant modification et codification des règles relatives aux marchés d'intérêt national ;

- le décret n° 68-659 du 10 juillet 1968 ;

- le décret n° 69-442 du 14 mai 1969 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

1. Considérant que le décret du 14 mai 1969 portant création du marché d'intérêt national de la région de Lille a confié la gestion de ce marché à la société d'économie mixte dénommée société pour la réalisation et la gestion du marché d'intérêt national de la région de Lille (SOGEMIN) ; que, par un contrat, dénommé traité de concession, du 27 janvier 1987, cette société a concédé à M. et Mme F...l'aménagement et l'exploitation d'une buvette dans l'enceinte du marché d'intérêt national à la case E4 ; que, pour un motif tiré du défaut de paiement de la redevance prévue au contrat, la SOGEMIN a résilié cette convention d'occupation du domaine public par une décision du 24 février 2009, prenant effet le 1er mars 2009 ; que les intéressés s'étant maintenus dans les lieux, une procédure d'expulsion du domaine public a été engagée par la SOGEMIN devant le juge du référé du tribunal administratif ; que, par une ordonnance du 22 avril 2009, ce dernier a enjoint à M. et Mme F...d'évacuer l'emplacement de la buvette E4 et de restituer les cartes d'accès dans un délai de quinze jours, sous astreinte ; que, par une nouvelle ordonnance du 9 septembre 2009, cette astreinte a été liquidée par le juge du référé du même tribunal ; que, par un jugement du 15 décembre 2009, le tribunal de commerce de Lille a prononcé la liquidation judiciaire de M. F..., seul immatriculé au registre du commerce ; que, par une décision n° 327876 du 9 avril 2010, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé la mesure d'expulsion sous astreinte prise par l'ordonnance du 22 avril 2009 et rejeté la demande de la SOGEMIN, pour un motif de procédure ; que M. et MmeF..., qui n'ont pas contesté la mesure de résiliation, ont adressé le 18 octobre 2011 à la SOGEMIN, qui l'a reçue le 19 octobre suivant, une réclamation indemnitaire tendant à obtenir la réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait des fautes commises par cette société ; qu'à la suite d'un rejet implicite de leur demande, ils ont saisi le 19 mars 2012, le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant aux mêmes fins ; qu'ils relèvent appel du jugement du 6 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;

Sur les stipulations contractuelles :

2. Considérant que l'article 1er du traité de concession, signé le 27 janvier 1987 entre la SOGEMIN et M. et MmeF..., complété par un cahier des charges annexé, concédait au preneur qui l'acceptait, l'aménagement et l'exploitation d'une buvette située dans l'enceinte du marché d'intérêt national de Lille comprenant une surface commerciale close, une surface de sanitaires attenants, une surface de cave et une surface de deux auvents ; que la licence de débit de boissons de quatrième catégorie destinée à permettre l'exploitation de la buvette E4 était en outre attachée à cet établissement et ne pouvait faire l'objet de la part du concessionnaire d'aucune cession, d'aucun transfert ou transport ; que la durée de cette concession comportant " occupation du domaine public à titre précaire et révocable " était fixée initialement par l'article 4 du contrat du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1991 ; que ce même article prévoyait également que : " A l'expiration de ce délai, le présent traité se continuera d'année en année, faute pour les parties de le dénoncer au moins six mois à l'avance par lettre recommandée " ; que l'article 5 fixait le montant de la redevance dans ses parties fixe et mobile ; que l'article 10 de ce cahier des charges relatif au " mode d'exploitation " imposait une exploitation personnelle et indiquait que le preneur " (...) s'engage à n'effectuer dans l'établissement aucune opération commerciale qui n'entrerait pas dans le cadre normal de son exploitation, sauf autorisation expresse de la Société " ; que le titre V prévoyait les modalités de résiliation ; que l'article 18 permettait une résiliation de plein droit sans indemnité en cas notamment de " non-paiement d'un seul terme de la redevance au jour de son échéance " ;

Sur la faute tirée de la méconnaissance de la garantie qui s'attachait à l'exécution de leur contrat d'occupation du domaine public et de la violation du principe d'égalité :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas des stipulations contractuelles ou d'une autre pièce que le gestionnaire du marché d'intérêt national de Lille se serait engagé à assurer au preneur de la buvette située dans la case E4 un certain niveau de chiffre d'affaires ou des modalités précises d'exercice de son activité concernant notamment les heures d'ouverture du marché, le nombre de buvettes à l'intérieur de l'enceinte, une interdiction faite aux autres concessionnaires de mettre à disposition de leurs employés des boissons ou sandwichs ou le contrôle de l'établissement d'autres prestataires de repas à l'extérieur du périmètre de protection du marché ; que, par suite, M. et Mme F...ne sont pas fondés à soutenir que la SOGEMIN aurait commis une faute en violant une " obligation de garantie " qui aurait été " nécessairement " attachée à leur contrat et qui expliquerait leur perte d'activité et une perte de chiffre d'affaires ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le gestionnaire du marché d'intérêt national a autorisé par dérogation, comme l'article 10 du cahier des charges le lui permettait, M. et Mme F...à exercer une activité de restauration en plus de celle de la buvette ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction que ces derniers n'ont pas pris les mesures de mise aux normes, notamment d'hygiène, de leur installation, contrairement à d'autres concessionnaires situés au sein du marché d'intérêt national ; que, par suite, la différence qui a pu en résulter dans le développement de l'activité des uns et des autres n'est pas la conséquence d'une volonté de la SOGEMIN et ne révèle pas une atteinte au principe d'égalité entre les preneurs autorisés à exercer au sein du marché d'intérêt national ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la modification des horaires d'ouverture du marché d'intérêt national d'ailleurs décidée par l'autorité préfectorale concernait de la même manière tous les concessionnaires du marché ; que, par suite, il ne peut en résulter une atteinte au principe d'égalité et donc une faute de la part de la SOGEMIN ;

6. Considérant, en dernier lieu, que l'ensemble des buvettes concédées à l'intérieur du marché d'intérêt national ont été soumises à la concurrence d'autres prestataires de service qui se sont implantés à l'extérieur du périmètre de protection du marché ; que, par ailleurs, ce périmètre de protection ne concerne pas les buvettes au regard de la finalité de la législation sur les marchés d'intérêt national ; que, par suite, il ne résulte pas d'atteinte au principe d'égalité du fait que la concurrence a pu s'exercer entre les différents prestataires de service de boissons et de restauration ;

Sur la faute tirée des modalités de leur expulsion du domaine public :

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été rappelé au point 2, la concession dont bénéficiaient M. et MmeF..., était précaire et révocable ; que sa durée initiale était expirée de longue date lorsque la résiliation a été prononcée puis l'expulsion mise en oeuvre ; que les intéressés n'ont pas contesté la mesure de résiliation qui a été prise à leur encontre du fait d'une absence récurrente de paiement de la redevance ; qu'au demeurant, le montant dû au 31 juillet 2009 s'élevait à la somme de 49 945,17 euros ; que les intéressés n'ignoraient ni les stipulations contractuelles, ni les difficultés qui résultaient de leur attitude et la volonté de la SOGEMIN d'y remédier ; qu'ils ne peuvent, par suite, valablement soutenir que l'expulsion a été mise en oeuvre avec " brusquerie ", ni que cette mesure est la cause de leurs difficultés financières ; qu'en outre, le traité de concession ne leur permettait pas de se prévaloir d'un " fonds de commerce " à transmettre, notamment lié à l'exploitation d'une licence de débits de boissons de quatrième catégorie, laquelle était attachée à la concession elle-même ainsi que le stipulait l'article 1er du traité cité au point 2 du présent arrêt ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que les conditions dans lesquelles est intervenue l'évacuation du domaine public les aurait empêchés d'envisager la reprise d'un autre fonds de commerce ; qu'au demeurant, l'annulation de l'ordonnance du 22 avril 2009 du juge du référé ainsi qu'il a été rappelé au point 1, est sans influence sur l'obligation d'évacuation du domaine public du fait de la résiliation du contrat d'occupation du domaine public qui n'avait pas été, en tout état de cause, contestée ; qu'enfin, la circonstance qu'ils n'ont pu prétendre à l'indemnisation chômage en raison de leur qualité de commerçant est sans lien avec les conditions de leur départ de la case E4 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;

9. Considérant qu'il en résulte que leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge la somme de 1 500 euros sur le même fondement à verser à la SOGEMIN ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme F...est rejetée.

Article 2 : M. et Mme F...verseront une somme de 1 500 euros à la SOGEMIN sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...F...et à la société pour la réalisation et la gestion du marché d'intérêt national de Lille (SOGEMIN).

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 septembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

''

''

''

''

N°15DA00005 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00005
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ACTES et ACTIONS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-15;15da00005 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award