Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 20 novembre 2015, par lesquelles la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le Soudan comme pays de destination de la mesure d'éloignement, a ordonné son placement en rétention administrative et l'a interdit de retour sur le territoire français.
Par un jugement, n° 1503744 du 25 novembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 20 novembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais en tant qu'elle fixe le Soudan comme pays de destination et ordonne le placement en rétention administrative de M.A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen du 25 novembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de première instance tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision fixant le pays de destination et de la décision de placement en rétention administrative ;
Elle soutient que :
- M.A..., n'établit pas être exposé à des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans son pays d'origine ;
- le placement en rétention administrative est fondé, l'intéressé remplit les conditions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
La requête a été communiquée à M.A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 20 novembre 2015 par les services de la police nationale, dans une zone d'accès restreint aux abords immédiats du site Eurotunnel, M.A..., se disant de nationalité soudanaise, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le même jour, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le Soudan comme pays de destination de la mesure d'éloignement et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 25 novembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination et ordonne le placement en rétention administrative de M.A... ;
Sur la décision fixant pays de destination :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. c. France, n° 18039/11) ;
3. Considérant que M. A...fait valoir qu'il est originaire d'Al-Fashir, capitale de la région du Darfour Nord et a déclaré, lors de son audition par un agent de police judiciaire, préalablement au prononcé de la décision en litige, avoir quitté le Soudan en 2014 et séjourné en Lybie avant de se rendre en Italie, puis en France ; qu'il a fait valoir, en première instance, son appartenance à l'ethnie non arabe Zaghawa, persécutée au Darfour et dans d'autres régions du Soudan, ainsi que les persécutions dont lui-même et ses proches ont été victimes ; que, toutefois, M. A..., qui n'a pu justifier de sa nationalité, n'a apporté aucun élément suffisamment précis et probant ou vérifiable au soutien de ses allégations dont la véracité est contestée pour la première fois devant la cour par la préfète du Pas-de-Calais ; qu'il ne démontre pas appartenir à l'ethnie Zaghawa ou à une autre ethnie qui serait particulièrement menacée par les autorités soudanaises ou les milices qui leur sont affidées ; que, lors de son audition, il a indiqué ne pas avoir demandé l'asile et n'a pas revendiqué son appartenance à une quelconque ethnie, ni même fait état de persécutions ; que M. A... n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'il serait exposé à une menace grave en cas de retour au Soudan ; que la préfète du Pas-de-Calais, qui n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, par l'article 1er du jugement attaqué, a prononcé l'annulation, au motif de la méconnaissance de ces stipulations, de la décision fixant le pays à destination duquel M. A... sera éloigné ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen ;
5. Considérant que si M. A...se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, dont il y a lieu d'adopter les motifs, a rejeté à bon droit ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ;
6. Considérant que par un arrêté n° 2015-10-54 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D...B..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire, les arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et les décisions de placement en rétention administrative ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit être écarté ;
7. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. A...est éloigné, qui vise les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne l'intégralité des quatre premiers alinéas de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle fixe en outre, pour tenir compte des arrêts de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un éloignement vers la région de Khartoum ou tout autre pays dans lequel il serait admissible ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;
Sur le placement en rétention administrative :
8. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code, la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative " après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification à l'intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 554-1 du même code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, qui ont notamment transposé celles de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, en particulier son article 15, que la rétention administrative a pour objet de permettre l'exécution d'office de la mesure d'éloignement ; que lorsque la rétention administrative est décidée, sur le fondement du 6° de l'article L. 551-1, à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé, la rétention administrative ne peut être légalement décidée que si l'obligation de quitter le territoire français est elle-même légale ; que la circonstance que l'autorité administrative n'ait pas fixé le pays de renvoi concomitamment à l'obligation de quitter le territoire ne fait pas par elle-même obstacle à ce que l'étranger faisant l'objet de cette obligation soit placé en rétention ; que, toutefois, au regard tant de l'objet de la mesure de placement en rétention administrative que des dispositions de l'article L. 554-1 citées ci-dessus, l'administration ne peut placer l'étranger en rétention administrative que dans la mesure où cela est strictement nécessaire à son départ et en vue d'accomplir les diligences visant à permettre une exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, notamment celles qui doivent permettre la détermination du pays de renvoi ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui se déclarait de nationalité soudanaise, était dépourvu de tout document d'identité lors de son interpellation ; que par suite, la préfète du Pas-de-Calais, qui avait à vérifier, avant de procéder à l'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, la nationalité de l'intéressé, a pu légalement prononcer le placement en rétention de M. A...afin d'entreprendre les diligences nécessaires auprès des autorités consulaires soudanaises, qui ont effectivement été mises en oeuvre ; que M. A...n'est ainsi pas fondé à soutenir que la préfète du Pas-de-Calais a méconnu les dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a, par l'article 1er du jugement attaqué, prononcé l'annulation, au motif de la méconnaissance de ces dispositions, de la décision plaçant en rétention M. A...;
11. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le moyen tiré de l'incompétence du signataire du placement en rétention administrative manque en fait et doit être écarté ; qu'il en est de même de celui tiré de l'insuffisante motivation de cette décision qui comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ;
13. Considérant que si M. A...se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet et du refus de lui accorder un délai de départ volontaire à l'encontre de la décision le plaçant en rétention administrative, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Rouen, dont il y a lieu d'adopter les motifs, a rejeté à bon droit ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement et de l'absence de délai de départ volontaire ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 20 novembre 2015 en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination et décide le placement en rétention administrative de M.A... ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 25 novembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...A...devant le tribunal administratif de Rouen tendant à l'annulation des décisions du 20 novembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et ordonnant son placement en rétention administrative est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée pour information à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 27 juillet 2016.
L'assesseur le plus ancien
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
président-rapporteur,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA00091