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19/07/2016 | FRANCE | N°16DA00259

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 19 juillet 2016, 16DA00259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les arrêtés du 14 janvier 2016 du préfet du Calvados l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant l'Afghanistan comme pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600127 du 19 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 14 janvier 2016 du préfet du Calvados en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme

pays de destination ainsi que celui du même jour prononçant le placement en rétenti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les arrêtés du 14 janvier 2016 du préfet du Calvados l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant l'Afghanistan comme pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600127 du 19 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 14 janvier 2016 du préfet du Calvados en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination ainsi que celui du même jour prononçant le placement en rétention administrative de l'intéressé et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2016, le préfet du Calvados demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen du 19 janvier 2016 ;

2°) de rejeter la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision du 14 janvier 2016 fixant le pays de destination, et de celle plaçant M. A...en rétention administrative.

Il soutient que :

- M. A...n'a pas établi qu'il était originaire de la province de Helmand ;

- il n'établit pas qu'il ne peut se réinstaller dans une autre région moins troublée de l'Afghanistan ;

- il ne justifie pas de l'existence de craintes personnelles en cas de retour ;

- son appartenance à la communauté Hazara n'est pas démontrée.

La requête a été communiquée à M.A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. François Vinot, premier conseiller.

1. Considérant qu'à la suite de son interpellation, le 14 janvier 2016, en zone d'accès restreint de la gare de Ouistreham par les services de la gendarmerie nationale, M.A..., de nationalité afghane, a fait l'objet de deux arrêtés du préfet du Calvados pris le même jour lui faisant obligation de quitter, sans délai, le territoire français, fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ; que le préfet du Calvados relève appel du jugement du 19 janvier 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ces arrêtés, d'une part, en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination et, d'autre part, en tant qu'il prononce le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. C. France, n° 18039/11) ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a revendiqué son appartenance à la communauté Hazara, dont une forte minorité réside précisément dans la province du Helmand d'où l'intéressé prétend être originaire, et notamment dans le district de Nad Ali où il résidait ; que les éléments d'information, et notamment les repères spatio-temporels dont a fait état l'intéressé devant le premier juge s'agissant de sa provenance et de son environnement, apparaissent conformes aux données géopolitiques existantes ; qu'en outre, il s'est exprimé, lors de son audition par les services de la gendarmerie nationale, en farsi, langue de la communauté Hazara, confortant ainsi ses allégations quant à son appartenance à cette ethnie ; que le préfet du Calvados n'apporte pas d'éléments pertinents de nature à mettre sérieusement en doute l'origine ethnique de M.A... ;

4. Considérant qu'il résulte du dernier rapport biannuel sur la protection des civils en temps de guerre de la mission d'assistance en Afghanistan de l'ONU, publié en août 2015, ainsi que des rapports du Département d'Etat américain pour l'année 2014 sur les libertés religieuses en Afghanistan, publié en octobre 2015, que les membres des communautés hazara et chiite sont régulièrement la cible de persécutions pour des motifs ethniques et religieux en Afghanistan ; que ces agissements sont essentiellement le fait des talibans ; que les autorités n'interviennent généralement pas pour protéger ces ressortissants mais tolèrent cette situation à des fins politiques ; que ces exactions sont également le fait d'individus revendiquant leur appartenance à l'Etat islamique dont la progression est constante dans ce pays ; que ces circonstances sont également corroborées par le rapport portant état des lieux sur les minorités et les peuples autochtones dans le monde, publié en juillet 2015 sur l'Afghanistan par le Minority Rights Group International ; que, dans ces conditions, en tant que membre de la communauté Hazara de confession chiite, le retour en Afghanistan de M. A...l'exposerait à des risques avérés de traitements inhumains ou dégradants au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tant par les talibans que par des combattants de l'Etat islamique ;

5. Considérant, enfin, que si le préfet du Calvados fait valoir que M. A...pourrait s'installer dans une autre partie moins exposée du territoire afghan, il n'apporte aucune précision, ni sur la portion du territoire afghan où ce dernier serait susceptible, le cas échéant, de se réinstaller, ni sur les possibilités de pouvoir y accéder et s'y établir en toute sûreté compte tenu de l'appartenance ethnique de l'intéressé ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Calvados n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, d'une part, sa décision en date du 14 janvier 2016 par laquelle il avait fixé l'Afghanistan comme pays à destination duquel M. A...serait reconduit et, d'autre part, sa décision du même jour prononçant la rétention administrative de celui-ci ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Calvados est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. François Vinot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : F. VINOTLe président de chambre,

Signé : M. C...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°16DA00259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 16DA00259
Date de la décision : 19/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. François Vinot
Rapporteur public ?: M. Guyau

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-19;16da00259 ?
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