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19/07/2016 | FRANCE | N°15DA01777

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 19 juillet 2016, 15DA01777


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le Soudan, à l'exclusion du Darfour, comme pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1507993 du 2 octobre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté de la préfète du Pas-de-Calais en tant qu'i

l fixe le Soudan comme pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions de ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le Soudan, à l'exclusion du Darfour, comme pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1507993 du 2 octobre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté de la préfète du Pas-de-Calais en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2015, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 2 octobre 2015 ;

2°) de rejeter la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.

Elle soutient que la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à M.E..., pour qui il n'a pas été produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 29 septembre 2015 dans une zone d'accès restreint du site Eurotunnel par les services de la police nationale, M.E..., de nationalité soudanaise, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le même jour lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 2 octobre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. C. France, n° 18039/11) ;

3. Considérant que si M.E..., qui se déclare de nationalité soudanaise, se prévaut, en termes généraux, des risques qu'il encourrait en cas de retour au Soudan, les déclarations succinctes et peu circonstanciées qu'il a faites lors de son audition par les services de police ne permettent pas d'établir qu'il serait bien originaire de la province du Darfour, ni qu'il appartiendrait à l'ethnie massalit ; que, dès lors, à supposer même que la situation prévalant dans la région du Darfour soit caractérisée par une violence généralisée résultant d'un conflit armé et que les individus appartenant à l'ethnie massalit soient actuellement encore persécutés, M. E... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir qu'il serait exposé à une menace grave en cas de retour dans ce pays et que la préfète du Pas-de-Calais aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, par l'article 1er du jugement attaqué, prononcé l'annulation, au motif de la méconnaissance de ces stipulations, de la décision fixant le pays à destination duquel M. E...sera éloigné ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...devant le tribunal administratif de Lille ;

5. Considérant que, par un arrêté n° 2015-10-54 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C...A..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire, les arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et les décisions de placement en rétention administrative ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit être écarté ;

6. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. E...est éloigné, qui vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne l'intégralité des quatre premiers alinéas de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte ainsi les considérations de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle indique que l'intéressé, qui ne justifie pas de sa nationalité, n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle comporte ainsi, également, les considérations de fait qui en constituent le fondement ; que cette décision est, par suite, suffisamment motivée ;

7. Considérant que, si M. E...se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille, dont il y a lieu d'adopter les motifs, a rejeté à bon droit ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 29 septembre 2015 en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 2 octobre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision du 29 septembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais fixant le pays à destination duquel il sera éloigné est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... E....

Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,

Signé : M. B...Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA01777


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01777
Date de la décision : 19/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-19;15da01777 ?
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