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23/06/2016 | FRANCE | N°16DA00057

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 16DA00057


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 octobre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il sera reconduit, ordonnant son placement en rétention administrative et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1508489 du 23 octobre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal ad

ministratif de Lille a annulé l'arrêté du 16 octobre 2015 de la préfète du Pas-de-Cal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 octobre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il sera reconduit, ordonnant son placement en rétention administrative et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1508489 du 23 octobre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 16 octobre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais en tant qu'il fixe le pays dont il revendique la nationalité, exclusivement vers la région de Khartoum, comme pays de destination, et en tant qu'il lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an, en rejetant le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 23 octobre 2015 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.C... devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination et de la décision lui interdisant le retour sur le territoire fiançais pendant un an ;

Elle soutient que :

- la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé serait reconduit ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision faisant interdiction de retour sur le territoire français dans un délai d'un an ne méconnaît pas les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à M.C..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 15 octobre 2015 aux abords de la zone d'accès restreint du site du tunnel sous la Manche, par les services de la police nationale, M.C..., se déclarant de nationalité soudanaise, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 16 octobre 2015, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français à destination du Soudan, exclusivement vers l'Etat de Khartoum, ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible, ordonnant son placement en rétention administrative et lui interdisant de revenir sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 23 octobre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination de la mesure d'éloignement et en tant qu'il interdit le retour de M. C... sur le territoire français pendant un an ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. C. France, n° 18039/11) ; que ce risque doit être réel et personnel ;

3. Considérant que si M.C..., qui se déclare de nationalité soudanaise, se prévaut, en termes généraux, des risques qu'il encourrait en cas de retour au Soudan, ainsi que d'un climat de violence généralisée résultant d'un conflit armé, il est toutefois constant qu'il n'a pu justifier de sa nationalité, et s'est borné à faire des déclarations succinctes et approximatives concernant son lieu de résidence et les risques qu'il encourrait personnellement lors de son audition par les services de police, le 15 octobre 2015 ; qu'il n'allègue pas non plus, alors qu'il se déclare originaire de la région de Khartoum, appartenir à une ethnie non arabe qui serait particulièrement menacée par les autorités soudanaises ou les milices qui leur sont affidées ; que, par suite, M. C... n'établit pas la réalité des traitements inhumains ou dégradants ou des persécutions auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour au Soudan ; qu'ainsi, la préfète du Pas-de-Calais, qui a produit pour la première fois des observations devant la cour, contestant la véracité des allégations de l'intéressé, est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, par l'article 2 du jugement attaqué, prononcé l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel M. C... sera éloigné ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Lille ;

5. Considérant que, par un arrêté en date du 16 février 2015, publié au recueil spécial n° 16 du même jour des actes administratifs de la préfecture, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D...B..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, notamment les décisions telles que celle qui est contestée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée manque en fait et doit être écarté ;

6. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. C...sera éloigné, qui vise les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle exclut en outre, pour tenir compte des arrêts de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un éloignement vers la région du Darfour en prévoyant que l'intéressé ne pourra être éloigné qu'à destination de l'Etat de Khartoum ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;

7. Considérant que, si M. C...se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ;

Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ( ...) " ;

9. Considérant qu'il est constant que si M. C...est entré irrégulièrement pour la première fois sur le territoire français pour se rendre en Grande-Bretagne, il n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement ; que, s'il a été interpellé dans la zone d'accès restreint du site du tunnel sous la Manche, règlementairement limitée aux seules personnes habilitées ou détentrices d'un document valide pour rejoindre la Grande-Bretagne, cette circonstance, à elle seule, ne caractérisait pas l'existence d'une menace pour l'ordre public au sens de l'article L. 511-1 du code précité ; qu'entré très récemment en France, M. C...n'avait aucune intention de s'y installer et n'y dispose d'aucune attache familiale ou personnelle ; que dans ces conditions, la préfète du Pas-de-Calais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé, comme entachée d'une erreur d'appréciation, la décision prononçant à l'encontre de M. C...une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en tant qu'il n'exclut pas le Soudan comme pays de destination de la mesure d'éloignement ; qu'elle n'est, toutefois, pas fondée à se plaindre de ce que son arrêté a été annulé, par le même article 2 du jugement attaqué, en tant qu'il faisait interdiction de retour sur le territoire français à M. C...pour une durée d'un an ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 23 octobre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il annule la décision de la préfète du Pas-de-Calais fixant le Soudan comme pays de destination de l éloignement de M. C....

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision de la préfète du Pas-de-Calais fixant le pays à destination duquel il sera éloigné est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la préfète du Pas-de-Calais est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...C....

Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2016.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

président-rapporteur,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°16DA00057


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00057
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: Mme Pestka

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-23;16da00057 ?
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