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23/06/2016 | FRANCE | N°15DA02102

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 15DA02102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 septembre 2015 du préfet du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il serait reconduit et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1507506 du 22 septembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 15 septembre 2015 du préfet du Pas-de-

Calais en tant qu'il fixe le pays dont il revendique la nationalité, à l'exception de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 septembre 2015 du préfet du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il serait reconduit et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1507506 du 22 septembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 15 septembre 2015 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il fixe le pays dont il revendique la nationalité, à l'exception de la région du Darfour, comme pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 décembre 2015, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 22 septembre 2015 ;

2°) de rejeter le surplus de la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision du 15 septembre 2015 fixant le pays de destination.

Il soutient que la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé serait reconduit ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à M.B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 15 septembre 2015 aux abords de la zone d'accès restreint du site du tunnel sous la Manche par les services de la police nationale, M. B..., se déclarant de nationalité soudanaise, a fait l'objet d'un arrêté du préfet du Pas-de-Calais pris le même jour lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ; que le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 22 septembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, " Saadi c/. Italie ", n° 37201/06, paragraphes 129-131) ; que ce risque doit être réel et personnel ;

3. Considérant que M. B...allègue être originaire de la ville de Nyala située dans la région du Darfour, qu'il a dû quitter après que son village a été détruit par des milices Janjawids, qu'il appartient à l'ethnie non-arabe des Zaghawa et qu'en raison du climat généralisé d'insécurité qui règne dans cette région, il encourrait des risques de persécution en cas de retour au Soudan ; que, s'il a fait valoir en première instance qu'il appartiendrait à l'ethnie Zaghawa, il ressort des autres pièces du dossier et notamment de son audition par les services de police, le 15 septembre 2015, qu'il a déclaré être né le 1er janvier 1989 au Darfour, sans revendiquer une quelconque appartenance à une ethnie non arabe, et seulement indiqué que, craignant pour sa vie en raison du conflit généralisé qui sévit entre les rebelles et le Gouvernement, il avait fui, pour rejoindre l'Europe, en 2014 ; qu'il aurait alors séjourné en Libye, avant de rejoindre clandestinement l'Italie par bateau, puis la France, dans le but de se rendre en Grande-Bretagne pour y demander l'asile ; que M. B..., dont les déclarations sont peu circonstanciées, n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations, ni en ce qui concerne sa région d'origine et sa nationalité, ni en ce qui concerne son appartenance à une ethnie non-arabe qui serait particulièrement menacée par les autorités soudanaises ou les milices qui leur sont affidées ; que, par suite, à supposer même que la situation prévalant au Darfour soit caractérisée par une violence généralisée résultant d'un conflit armé, M. B...n'établit pas, en tout état de cause, la réalité des traitements inhumains ou dégradants auxquels il serait personnellement exposé ni les risques d'atteinte grave à sa vie encourus en cas de retour au Soudan ; qu'ainsi, le préfet du Pas-de-Calais, qui a produit pour la première fois des observations devant la cour, contestant la véracité des allégations de l'intéressé, est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, par l'article 1er du jugement attaqué, prononcé l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel M. B... sera éloigné ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Lille ;

5. Considérant que par un arrêté en date du 16 février 2015, publié au recueil spécial n° 16 du même jour des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D...A..., chef du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment les décisions telles que celle qui est contestée ; que l'arrêté précité du 16 février 2015 dispose qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M.A..., la délégation de signature qui lui est accordée est exercée par Mme E...C..., adjointe au chef de bureau ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée manque en fait et doit être écarté ;

6. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. B...sera éloigné, qui vise les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle exclut en outre, pour tenir compte des arrêts de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un éloignement vers la région du Darfour ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;

7. Considérant que, si M. B...se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 15 septembre 2015 en tant qu'il fixe le pays dont il revendique la nationalité, à l'exception de la région du Darfour, comme pays de destination de cette mesure ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 22 septembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision du 15 septembre 2015 du préfet du Pas-de-Calais fixant le pays à destination duquel il sera éloigné est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F...B....

Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2016.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

président-rapporteur,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA02102
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: Mme Pestka

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-23;15da02102 ?
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