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23/06/2016 | FRANCE | N°15DA01990

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 15DA01990


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mai 2015 du préfet de l'Oise refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant la République démocratique du Congo comme pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un

jugement n° 1501994 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mai 2015 du préfet de l'Oise refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant la République démocratique du Congo comme pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1501994 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2015, Mme D...C..., représentée par Me B...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2015 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mai 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour sans délai, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est signé par une autorité incompétente ;

- le préfet aurait dû alerter le médecin de l'agence régionale de santé pour qu'elle soit convoquée avec son fils devant la commission médicale ;

- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'indique pas la capacité de l'enfant à supporter un retour dans le pays où il a été maltraité ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur la situation personnelle de son fils ;

- la décision de refus de titre de séjour et la mesure d'éloignement méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a omis de mentionner sa qualité de demandeur d'asile ;

- le préfet n'a pas pris en compte les circonstances particulières de sa situation en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2016, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par Mme D...C...ne sont pas fondés.

Mme D...C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 novembre 2015

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le refus de titre de séjour :

1. Considérant qu'il y a lieu, par adoption du motif retenu par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...). L'autorisation provisoire de séjour (...) est délivrée par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, [...], dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; /- la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. /. Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; enfin, qu'aux termes de l'article R. 313-26 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le médecin de l'agence régionale de santé mentionné au premier alinéa de l'article R. 313-22 [...], peut convoquer devant la commission médicale régionale l'étranger demandant que lui soit délivrée une carte de séjour temporaire en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, ainsi que l'étranger mineur au titre duquel l'un des parents sollicite la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 311-12 (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis du 20 février 2015 du médecin de l'agence régionale de santé de Picardie énonce que le fils de Mme D...C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé qui peut voyager sans risque, et que les soins nécessités par son état de santé doivent, en l'état actuel, être poursuivis pour une durée de douze mois ; que, par suite, cet avis répond aux exigences des dispositions précitées de l'arrêté du 9 novembre 2011 ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 2 que la convocation devant la commission médicale régionale de santé ne constitue qu'une faculté ouverte au médecin de l'agence régionale de santé ; que la circonstance que Mme D...C...et son fils n'aient pas été convoqués devant cette commission est, dès lors, sans incidence sur la légalité de la décision en litige ; qu'est également inopérant le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû avertir le médecin de l'agence régionale de santé de la situation particulière du fils de Mme D... C... pour qu'il les convoque devant cette commission ;

5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'enfant de Mme D...C...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que si l'intéressée justifie de la prise en charge depuis février 2013 de son enfant pour un syndrome post-traumatique par le centre médico-psychologique de Méru, où il bénéficie d'un suivi psychothérapeutique, associé à un traitement médicamenteux composé de neuroleptiques et de sédatifs, la teneur des certificats médicaux qu'elle produit ne permet pas de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet au vu de cet avis ; que la circonstance que son fils ne pourrait pas bénéficier d'un traitement en cas de retour dans son pays d'origine est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé n'est pas de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté ;

6. Considérant que Mme D...C...se prévaut de l'intensité de ses liens avec la France où elle réside depuis 2011 et relève que son fils a davantage vécu en France qu'en République démocratique du Congo ; que toutefois, la requérante n'établit pas la réalité de ces liens alors qu'elle vit sans ressources avec son fils dans un foyer et alors qu'elle n'est pas dépourvue d'attache dans son pays d'origine qu'elle a quitté à l'âge de trente quatre ans et où son compagnon et ses autres enfants résident ; que, dès lors, Mme D...C...n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect à une vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'enfant de Mme D... C...;

7. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour de Mme D...C...dans son pays d'origine, est inopérant à l'encontre d'une décision de refus de séjour ;

8. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que la décision en litige n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme D...C...de son fils ; que l'état de santé de celui-ci n'exige pas qu'il demeure en France, ainsi qu'il a été dit aux points précédents ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur la décision lui faisant obligation de quitter le territoire :

9. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour de Mme D...C...dans son pays d'origine, est inopérant à l'encontre de la décision contestée ;

10. Considérant que pour les mêmes motifs cités aux points 6 et 8, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant que Mme D...C...fait valoir craindre pour sa vie et celle de son fils en cas de retour dans son pays d'origine ; que toutefois, elle n'apporte aucun élément probant de nature à établir ses allégations ; qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 31 mai 2012 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 13 mai 2013 de la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, alors que la circonstance que le préfet n'aurait pas fait état de sa qualité de demandeur d'asile manque, en tout état de cause, en fait, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :

12. Considérant que le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas pris en compte sa situation particulière et celle de son fils en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français est dépourvu des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que, en tout état de cause, celles présentées au titre des dépens, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2016.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZET

Le président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°15DA01990

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01990
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : LEBAUPAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-23;15da01990 ?
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