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09/06/2016 | FRANCE | N°16DA00108

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 09 juin 2016, 16DA00108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions du 13 septembre 2015, par lesquelles la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le Soudan comme pays de destination de la mesure d'éloignement et a ordonné son placement en rétention.

Par un jugement n°1507431 du 17 septembre 2015 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêt

du 13 septembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais en tant qu'il fixe le Soudan comme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions du 13 septembre 2015, par lesquelles la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le Soudan comme pays de destination de la mesure d'éloignement et a ordonné son placement en rétention.

Par un jugement n°1507431 du 17 septembre 2015 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 13 septembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination et a condamné l'Etat à verser à son conseil une somme de 300 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, en rejetant le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 17 septembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision du 13 septembre 2015 fixant pays de destination ;

3°) d'annuler la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 300 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que M.A..., n'établit pas être exposé à des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ;

La requête a été communiquée à M.A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 13 septembre 2015, alors qu'il se trouvait dans une zone d'accès restreint du site Eurotunnel et tentait de se rendre clandestinement en Grande-Bretagne, sans être muni de document d'identité ou de séjour, M. A..., se disant de nationalité soudanaise, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le même jour, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 17 septembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitements contraires aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, " Saadi c/. Italie ", n°37201/06, paragraphe 129-131) ; que ce risque doit être réel et personnel ;

3. Considérant que M. A...fait valoir qu'il a quitté le pays dont il a la nationalité en 2014 et qu'il appartient à l'ethnie Tunjur, particulièrement menacée dans la province du Drafour où il serait né, et se prévaut en termes généraux de la situation de guerre au Soudan, pour démontrer les risques de persécutions qu'il encourrait en cas de retour dans ce pays ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A...n'a pas demandé l'asile en France ; que, lors de son audition par les services de police le 13 septembre 2015, il a soutenu être né au Soudan, sans faire état de risques encourus personnellement ; que M.A..., qui n'a pu justifier de sa nationalité, n'a apporté aucun élément au soutien de ses allégations et ne démontre pas ni même n'allègue appartenir à une ethnie non arabe de la région du Darfour ou à une autre ethnie qui serait particulièrement menacée par les autorités soudanaises ou les milices qui leur sont affidées ; que, par suite, M. A... n'établit pas la réalité des traitements inhumains ou dégradants auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour au Soudan et que la préfète du Pas-de-Calais aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, la préfète est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 13 septembre 2015 fixant le Soudan comme le pays à destination duquel M. A...pourra être éloigné d'office ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille ;

5. Considérant que si M. A...se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ;

6. Considérant que, par un arrêté n° 2015-10-57 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. E...C..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer notamment les décisions fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté ;

7. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. A...est éloigné, qui vise les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne l'intégralité des quatre premiers alinéas de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle exclut en outre, pour tenir compte des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, un éloignement vers la région du Darfour ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 13 septembre 2015 en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat, qui n'était pas la partie perdante, à verser à Me D...une somme de 300 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'article 2 du jugement attaqué ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 17 septembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision du 13 septembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit versée à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à Me D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 juin 2016.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Président-rapporteur,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°16DA00108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00108
Date de la décision : 09/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité externe.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : DA COSTA CARLOS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-09;16da00108 ?
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