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07/06/2016 | FRANCE | N°14DA01311

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 07 juin 2016, 14DA01311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...E...ont demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005, 2006 et 2007 à raison des revenus fonciers provenant d'un immeuble appartenant à la SCI CV 1 et situé à Le Coux et Bigaroque.

Par un jugement n° 1106240 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet 2014 et le 18 mai 2016, M. et MmeE..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...E...ont demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005, 2006 et 2007 à raison des revenus fonciers provenant d'un immeuble appartenant à la SCI CV 1 et situé à Le Coux et Bigaroque.

Par un jugement n° 1106240 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet 2014 et le 18 mai 2016, M. et MmeE..., représentés par Me G...F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lille du 27 mars 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration fiscale a implicitement mis en oeuvre la procédure de l'abus de droit sans respecter les formalités légalement prévues ;

- les travaux entrepris sur l'immeuble situé dans la commune de Le Coux et Bigaroque sont déductibles des revenus fonciers ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le service a seulement constaté des faits, sans les qualifier d'abus de droit ;

- les travaux entrepris sur l'immeuble situé dans la commune de Le Coux et Bigaroque ne sont pas déductibles des revenus fonciers ;

- les pénalités pour manquement délibéré sont justifiées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que la SCI CV 1, dont M. et Mme E...sont associés, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 2005, 2006 et 2007, au terme duquel l'administration a remis en cause le caractère déductible des dépenses de travaux réalisés dans un immeuble situé aux lieux-dits La Croix Saint Martin et Le Bourg dans la commune de Le Coux et Bigaroque (Dordogne) et que la société avait déduit de ses revenus fonciers déclarés en 2005, 2006 et 2007 ; que l'administration a tiré les conséquences de cette procédure sur l'imposition du foyer fiscal de M. et Mme E...; que ces derniers relèvent appel du jugement du 27 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2005, 2006 et 2007 à raison de ce redressement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffres d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement " ;

3. Considérant que, pour remettre en cause le caractère déductible des dépenses de travaux entrepris sur l'immeuble situé dans la commune de Le Coux et Bigaroque, l'administration a notamment estimé, dans la proposition de rectification du 11 décembre 2008, que la jouissance de cet immeuble était réservée aux intéressés et, dans la décision du 24 août 2011 rejetant la réclamation préalable sur ce point, que le contrat de bail conclu le 31 décembre 2008, postérieurement à l'envoi de la proposition de rectification, entre la SCI CV 1 et M. A..., beau-frère de M. E...résidant à Wasquehal dans le Nord, ne pouvait être considéré comme une preuve de l'intention de louer l'immeuble en cause, alors que, compte tenu des travaux restant à réaliser, son état ne permettait pas une location effective ; qu'elle s'est ainsi bornée à constater et interpréter une situation de fait, sans écarter comme ne lui étant pas opposable en raison de leur caractère fictif ni le contrat de bail conclu avec M.A..., ni les statuts de la SCI CV 1, ayant pour activité la location de locaux à usage d'habitation ; que, par suite, elle n'a pas usé des pouvoirs que lui confèrent les dispositions de l'article L. 64 du livre précité relatives à la procédure de répression des abus de droit ; qu'est dès lors inopérant le moyen tiré de ce que les formalités imposées par cette procédure n'ont pas été respectées ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. Considérant qu'aux termes du II de l'article 15 du code général des impôts : " Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu (...) " ; qu'aux termes de l'article 28 du même code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété " ; qu'aux termes de l'article 31 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien, (...) / b) les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent pas venir en déduction pour la détermination du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu ; que la réserve de jouissance est établie, notamment, par l'accomplissement ou non de diligences ayant pour objet de donner le bien en location ; qu'il appartient donc au propriétaire d'apporter la preuve qu'il a offert à la location pendant l'année en cause le logement resté vacant au titre duquel il demande la déduction de charges foncières, et qu'il a pris toutes les dispositions nécessaires pour le louer ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'habitation située aux lieux-dits La Croix Saint Martin et Le Bourg dans la commune de Le Coux et Bigaroque, acquise par la SCI CV 1 le 6 décembre 2001, a été louée pour la première fois par la société le 31 décembre 2008 ; que le contrat de location conclu à cette date, postérieurement à l'envoi par l'administration de la proposition de rectification du 11 décembre 2008, n'a prévu qu'une occupation partielle et saisonnière de l'habitation et a été conclu avec M.A..., beau-frère de M. E...résidant dans le Nord ; que ce contrat ne peut ainsi être regardé comme établissant l'intention de la SCI CV 1 d'offrir cette habitation à la location au titre des années en litige ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que, au titre de ces années, M.E..., gérant de la SCI CV 1, a été imposé à la taxe d'habitation pour cet immeuble et MmeE..., son épouse et associée, était titulaire de l'abonnement téléphonique à cette adresse ; qu'en outre, M. et Mme E...ont fait réaliser, en 2007 une piscine à l'extérieur de ce bien ; qu'en revanche, à la fin de l'année 2008, les travaux de toiture, d'assainissement, de chauffage ou encore d'électricité, engagés à partir de 2005, n'étaient pas achevés ; que dans ces conditions, la SCI CV 1 ne peut être regardée comme ayant accompli les diligences ayant pour objet de donner ce bien en location et doit dès lors être regardée comme s'étant réservée, en 2005, 2006 et 2007, la jouissance de l'immeuble ; qu'elle ne pouvait, par conséquent, déduire les sommes correspondant aux travaux effectués sur ce bien des revenus fonciers qu'elle a déclarés au titre de ces années ; que l'administration a pu ainsi remettre en cause le caractère déductible de ces dépenses et, par suite, les déficits correspondants que M. et MmeE..., associés de cette société, avaient déduits de leur revenu imposable ;

Sur les pénalités :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

8. Considérant que pour justifier l'application des majorations de 40 % au redressement contesté, l'administration s'est fondée sur la circonstance que M. et Mme E...ne pouvaient ignorer, en leur qualité de seuls associés de la SCI CV 1, que cette société s'était, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, réservé la jouissance de l'habitation lui appartenant à Le Coux et Bigaroque et qu'elle avait déduit à tort des dépenses de travaux de ses revenus fonciers ; que cette circonstance traduit une intention délibérée, de la part de la SCI CV 1, d'éluder une partie de l'impôt ; que l'administration doit ainsi être regardée comme ayant apporté la preuve du manquement délibéré de la société à ses obligations fiscales et, par suite, du bien-fondé de l'application des pénalités de 40 % prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;

9. Considérant que M. et Mme E...ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative 13-N-1-07 publiée au bulletin officiel des impôts le 19 février 2007, dès lors que cette instruction ne donne pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme E...la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... E...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 24 mai 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme C...B..., première conseillère,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 juin 2016.

Le rapporteur,

Signé : L. DOMINGO

Le président-assesseur,

Signé : M. H...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

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N°14DA01311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01311
Date de la décision : 07/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-07;14da01311 ?
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