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19/05/2016 | FRANCE | N°15DA01763

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 19 mai 2016, 15DA01763


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 juin 2015 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1502134 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de

renvoi contenues dans cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet de l'Oise de réexa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 juin 2015 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1502134 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi contenues dans cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet de l'Oise de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour et, enfin, mis à la charge de l'Etat au profit de Me A... une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le tribunal a par ailleurs rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2015, le préfet de l'Oise demande à la cour d'infirmer ce jugement en tant qu'il annule l'obligation faite à Mme D... de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination.

Il soutient que :

- faute d'apporter la preuve de la nationalité française de son enfant par la production d'un certificat de nationalité conformément à l'article 30 du code civil, Mme D... n'entre pas dans le champ d'application des 6° des articles L. 313-11 et L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la réalité de la filiation française de cet enfant est douteuse eu égard à l'absence d'éléments de nature à établir l'existence de relations entre son père, ressortissant français, et lui ou la requérante ;

- ces motifs peuvent être, en tant que de besoin, substitués à ceux fondant l'arrêté litigieux ;

- il n'y a pas lieu d'examiner le moyen tiré de la violation du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée à MmeD..., laquelle n'a produit aucune observation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeD..., ressortissante nigériane née le 15 juillet 1983 à Bénin City, déclare avoir quitté le Nigeria en 2010, avoir séjourné en Grèce pendant deux ans, puis être entrée en France le 1er octobre 2012 ; qu'elle a bénéficié d'un premier titre de séjour temporaire, pour raisons médicales, valable du 8 juillet 2014 au 7 juillet 2015 ; que le préfet a rejeté sa demande de renouvellement par un arrêté du 29 juin 2015 portant également obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi ; qu'il relève appel du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 29 septembre 2015 en tant qu'il a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français " ; qu'aux termes de l'article 30 du même code : " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. (...) " ;

4. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 et du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d' asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;

5. Considérant, d'une part, que si Mme D...ne produit pas le certificat de nationalité française de son fils PraiseC..., né le 4 janvier 2013 à Beauvais, elle a néanmoins produit, devant les premiers juges, une copie intégrale de son acte de naissance, faisant état de sa reconnaissance, le 5 novembre 2012, par M. C...et une copie du certificat de nationalité française délivré à ce dernier le 4 juillet 2003 par le tribunal d'instance d'Aulnay-sous-bois, accompagné de sa carte nationale d'identité ; que Mme D... produit, en outre, la copie de la carte nationale d'identité de son fils, d'ailleurs délivrée, le 13 janvier 2015, par la préfecture de l'Oise, et dont il n'est pas contesté qu'elle l'a été après la justification de la nationalité française de l'intéressé ;

6. Considérant, d'autre part, que si l'intéressée est entrée en France alors qu'elle était enceinte de six mois et ne justifie pas d'une vie commune avant ou après la naissance de l'enfant avec M.C..., de vingt ans son ainé, ces circonstances ne suffisent pas, dans les circonstances de l'espèce, à établir que la reconnaissance de paternité souscrite par M. C...à l'égard de l'enfant Praise C...aurait eu pour unique but de favoriser l'obtention d'un titre de séjour par la mère de l'enfant qu'elle n'a sollicité d'ailleurs que plusieurs années après cette reconnaissance, et présenterait ainsi un caractère frauduleux ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision, contenue dans son arrêté du 29 juin 2015, obligeant Mme D...à quitter le territoire français et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination de son éloignement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Oise est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...D....

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 mai 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°15DA01763 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA01763
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-05-19;15da01763 ?
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