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19/05/2016 | FRANCE | N°15DA00611

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 19 mai 2016, 15DA00611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...J...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 septembre 2014 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1407123 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête e

t un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 avril et 1er septembre 2015, M.J..., représenté p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...J...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 septembre 2014 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1407123 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 avril et 1er septembre 2015, M.J..., représenté par Me B...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation et de l'admettre provisoirement au séjour dans cette attente, dans un délai deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'avis médical est irrégulier ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation médicale ;

- il a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale dès lors qu'elle est fondée sur un refus de titre de séjour lui-même illégal ;

- elle a été prise sans examen sérieux de sa situation médicale et de sa demande de changement de statut ;

- elle est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il a demandé son changement de statut et que cette demande n'a pas été enregistrée ;

- elle viole les dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2015, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. J...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mars 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la décision de refus de séjour :

En ce qui concerne l'état de santé de M.J... :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-26 de ce code : " Le médecin de l'agence régionale de santé mentionné au premier alinéa de l'article R. 313-22 (...) peut convoquer devant la commission médicale régionale l'étranger demandant que lui soit délivrée une carte de séjour temporaire en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 (...) " ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions citées au point précédent, l'avis prévu par l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit permettre l'identification du médecin de l'agence régionale de santé dont il émane et être signé par lui ; que ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que l'avis médical soit émis et signé par trois médecins dès lors qu'ils appartiennent à l'agence régionale de santé territorialement compétente et ont été régulièrement désignés par le directeur général ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que M. D...G..., Mme H...C...et M. E...I..., tous trois médecins de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais, ont été désignés par un arrêté du 25 juin 2012 du directeur général de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais pour émettre des avis sur le fondement des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la suite de demandes de titres de séjour présentées par des étrangers malades ; que la circonstance que l'avis émis sur ce fondement le 8 octobre 2013, à l'occasion de la demande de renouvellement présentée le 3 juillet 2013 par M.J..., est signé par ces trois médecins, tous identifiables et régulièrement désignés, n'est pas, contrairement à ce que soutient l'appelant, de nature à l'entacher d'irrégularité ; que ces médecins conservaient la possibilité, dont ils n'ont en l'espèce pas fait usage, de soumettre le cas du requérant à la commission médicale régionale prévue à l'article R. 313-26 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la circonstance que le requérant n'a pas été convoqué devant cette commission est dès lors sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que par suite, l'intéressé n'est pas fondé à se prévaloir de ce que cet avis aurait été pris de manière irrégulière ;

5. Considérant qu'aux termes de cet avis, sur lequel le préfet s'est fondé pour refuser le renouvellement du titre de séjour de M.J..., l'état de santé de celui-ci nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait toutefois pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il précise qu'il existe un traitement approprié à l'état de santé de l'intéressé dans son pays d'origine ; que, si le requérant indique que cet avis fait suite à quatre avis du médecin de l'agence régionale de santé des 16 mars 2011, 20 janvier et 29 août 2012 et 18 avril 2013 estimant qu'il devait faire l'objet d'une prise en charge médicale en France, ils ont été respectivement émis pour des périodes de soins de six mois puis de trois mois, lesquelles ont d'ailleurs justifié la durée des autorisations de séjour dont a bénéficié l'intéressé ; qu'ainsi, l'avis médical demandé par le préfet à l'occasion du renouvellement du titre de séjour de M. J...pouvait, compte tenu de l'évolution de son état de santé, s'écarter des conclusions des précédents avis émis ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des documents médicaux produits que l'évolution de l'état de l'épaule du requérant n'implique pas nécessairement un traitement ou un suivi complémentaire ; que l'opération qui est seulement envisagée ne justifie pas à la date de la décision attaquée son maintien en France ; que, dans ces conditions, il n'apparaît pas que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation médicale au regard de l'état de son épaule ;

7. Considérant que M. J...n'établit pas qu'un défaut de prise en charge médicale aurait pour lui, à la date de la décision attaquée, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'ainsi et en tout état de cause, le requérant ne saurait utilement se prévaloir du courrier du 23 avril 2015 du secrétaire général du ministère de la santé publique de la République démocratique du Congo qui indique qu'il serait difficile de réaliser dans ce pays la pose d'une prothèse inversée d'épaule ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté ;

En ce qui concerne la situation personnelle de M.J... :

9. Considérant, d'une part, que M.J..., ressortissant de la République démocratique du Congo (RDC), né en 1951, déclare être entré en France le 3 avril 2010, après être arrivé en Belgique le 27 mars 2010, sous couvert d'un visa délivré par les autorités consulaires belges pour la période du 29 septembre 2009 au 28 mars 2010 ; qu'il a été opéré de l'épaule droite en septembre 2010 puis a bénéficié, eu égard à son état de santé, d'une carte de séjour temporaire valable du 4 avril au 15 septembre 2011, laquelle a fait l'objet, après deux récépissés de demandes de renouvellement, d'une prolongation jusqu'au 20 avril 2012 ; qu'il a alors séjourné en France sous couvert de récépissés de demandes de renouvellement de son titre de séjour pour la période du 17 avril 2012 au 19 novembre 2014 ;

10. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des pièces produites que M. J...a obtenu en 2012 un BEP électrotechnique énergie équipements communicants, qualification langue vivante anglais niveau B1, a validé onze unités sur treize d'un bac professionnel Electrotech EEC, a été agent de maintenance pendant deux ans à raison d'un contrat unique d'insertion, a déclaré ses revenus et loué un logement en propre et, en mars 2014, créé son entreprise ; que ces éléments attestent d'une volonté d'intégration ;

11. Considérant, toutefois, qu'il résulte également des pièces du dossier que le requérant qui est arrivé en France à l'âge de cinquante-neuf ans, y est dépourvu de toute attache familiale et ne démontre pas avoir noué des relations personnelles d'une particulière intensité ; qu'il s'est maintenu sur le territoire à la faveur de multiples autorisations provisoires délivrées au regard de son état de santé ; que s'il soutient être séparé de son épouse, qui vit en Angola depuis 2009, et que ces quatre enfants vivent pour deux d'entre eux en Angola et pour deux autres en Afrique du Sud, ces circonstances ne permettent pas pour autant de considérer que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouverait en France ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences du refus de titre de séjour sur la situation personnelle de M.J... ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur la décision l'obligeant à quitter le territoire :

13. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 12, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écartée ;

14. Considérant qu'à supposer, comme il le soutient, que son dossier de demande de titre de séjour n'aurait pas été correctement renseigné par l'agent au guichet qui n'aurait pas indiqué qu'elle était également formulée comme " salarié ", cette circonstance est par elle-même sans influence sur l'obligation de quitter le territoire dès lors qu'il ne démontre pas être dans un des cas où il pourrait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit faisant obstacle à un éloignement ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 8 que le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation médicale et de la violation des dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

16. Considérant que, pour les raisons exposées aux points 9 à 11, le moyen tiré de ce que la décision d'éloignement serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doit être écarté ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. J...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 26 septembre 2014 ; que, dès lors, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. J...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...J..., au ministre de l'intérieur et à Me B...F....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 mai 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°15DA00611 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA00611
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-05-19;15da00611 ?
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