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26/04/2016 | FRANCE | N°15DA02018

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 26 avril 2016, 15DA02018


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2014 du préfet du Nord lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1505173 du 14 octobre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2015, M.E..., représenté

par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2014 du préfet du Nord lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1505173 du 14 octobre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2015, M.E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 14 octobre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2014 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder, dans les mêmes conditions, à un réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière faute de saisine de la commission du titre de séjour ;

- le préfet du Nord a estimé à tort qu'il n'apportait pas les justificatifs de la scolarisation assidue de son plus jeune enfant depuis au moins trois ans, entachant ainsi sa décision d'une erreur de fait ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale à raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M. E...ne sont pas fondés.

M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.E..., de nationalité serbe, né le 8 janvier 1956, relève appel du jugement du 14 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2014 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " ;

3. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. E...est entré en France en 2003 et que ses demandes d'asile ont été rejetées en 2004 et 2005 ; qu'il a fait l'objet de plusieurs décisions d'éloignement en 2007 et 2011 et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en 2011, 2012 et 2013 ; qu'il apporte en outre d'autres justificatifs établissant sa présence en France entre les années 2008 et 2010 ; que, toutefois, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, avoir résidé de façon habituelle en France depuis plus de dix ans, notamment en ce qui concerne l'année 2006, pour laquelle il n'a fourni que deux attestations établies par le vice-président de l'association La Pierre Blanche qui déclare connaître le requérant depuis 2005 et bénéficier de l'aide de l'intéressé dans son action solidaire depuis 2006, sans précision sur la durée de sa participation à l'association ; que, par suite, le préfet du Nord n'était pas tenu de consulter, pour avis, la commission du titre de séjour dans les conditions définies à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité ;

4. Considérant que la production de certificats de pré-inscription scolaire et de scolarité totalisant une période de six ans de scolarisation entre 2007 et 2013 dans divers établissements scolaires n'est pas de nature à démontrer que le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'une erreur de fait en estimant que le plus jeune fils du requérant, Dajton, a suivi une " scolarisation assidue " depuis au moins trois ans en l'absence de production de bulletins scolaires ou de tout autre justificatif de nature à établir l'effectivité du parcours scolaire de l'enfant ; que la circonstance que M. E...aurait des difficultés pour conserver ces documents compte tenu des expulsions dont sa famille a fait l'objet ne peut être utilement invoquée ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que si M.E..., qui se présente comme membre de la communauté Rom originaire de l'ex-Yougoslavie, soutient qu'il vit depuis plus de dix ans en France avec son épouse appartenant à la même communauté, ainsi que deux de leurs enfants mineurs, qu'il y a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux et qu'il présente un état de santé défaillant lié à des problèmes cardiaques, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 3, sa présence continue en France depuis plus de dix ans ; qu'il a fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement en 2007 et 2011 ; que, par ailleurs, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 47 ans ; que s'il fait valoir qu'il a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, les pièces produites ne suffisent pas à justifier de la réalité et de l'effectivité de son intégration sociale en France ; que les liens familiaux allégués en France ne sont pas caractérisés par leur intensité eu égard aux seules attestations produites, au demeurant postérieures à la décision attaquée ; qu'enfin la cellule familiale de M.E..., composée de son épouse, qui fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, et de ses deux enfants mineurs, peut être reconstituée dans leur pays d'origine ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu des conditions du séjour et de la situation personnelle et familiale du requérant et alors que les pièces médicales produites ne permettent pas de justifier de la gravité de l'état de santé de l'intéressé, M. E...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de refus de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant que si M. E...se prévaut des recommandations faites au sujet des Roms par la Cour européenne des droits de l'homme et diverses organisations internationales à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour, celles-ci sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la légalité de cette décision ; que, par ailleurs, eu égard à ce qui a été dit au point 6 s'agissant des conditions de séjour et de la situation familiale de l'intéressé, M.E..., alors même qu'il ne constituerait pas une menace à l'ordre public, n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

8. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision de refus de séjour, qui n'a ni pour objet ni pour effet de déterminer un pays de destination ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;

10. Considérant que M. E...soutient que la décision attaquée s'inscrit dans une logique de discrimination au regard de son appartenance, ainsi que celle de sa famille, à la communauté Rom ; que toutefois, le principe de non discrimination édicté à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par cette convention et ses protocoles additionnels ; que, dès lors, il appartient au requérant qui entend se prévaloir de la violation de ce principe d'indiquer le droit ou la liberté dont la jouissance serait affectée par la discrimination alléguée ; que M.E..., qui ne précise pas le droit ou la liberté, reconnu par la convention, qui serait méconnu par la discrimination qu'il invoque, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 14 de cette convention ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français et sur le pays de renvoi :

11. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de séjour ne peut être accueilli ;

12. Considérant, d'autre part, que pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 6 et 7, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ; que M. E...n'est par suite pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 29 mars 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme C...B..., première conseillère,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 avril 2016.

Le rapporteur,

Signé : L. DOMINGOLe président-assesseur,

Signé : M. F...Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA02018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA02018
Date de la décision : 26/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : LEQUIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-04-26;15da02018 ?
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