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07/04/2016 | FRANCE | N°14DA00893

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 07 avril 2016, 14DA00893


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Akzo Nobel UK LTD a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 10 mars 2011 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a imposé, dans le cadre de la poursuite de la remise en état du site des anciennes décharges Courtaulds à Coquelles, de mettre en place un réseau de surveillance de la qualité des eaux souterraines.

Par un jugement n° 1102809 du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

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r un recours, enregistré le 26 mai 2014, le ministre de l'écologie, du développement durable et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Akzo Nobel UK LTD a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 10 mars 2011 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a imposé, dans le cadre de la poursuite de la remise en état du site des anciennes décharges Courtaulds à Coquelles, de mettre en place un réseau de surveillance de la qualité des eaux souterraines.

Par un jugement n° 1102809 du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 26 mai 2014, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le comportement de la société Akzo Nobel UK LTD justifiait que les obligations de remise en état soient mises à sa charge.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2015, la société Akzo Nobel UK LTD, représentée par la SELARL Huglo, Lepage et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens du recours ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 17 mars 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me B...A..., représentant la société Azko Nobel UK LTD.

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant que le tribunal administratif de Lille a énoncé la règle de droit applicable et a précisé les motifs pour lesquels elle ne trouvait pas à s'appliquer au regard des faits de l'espèce ; que les premiers juges ont ainsi exposé les raisons pour lesquelles ils ont estimé que la société Akzo Nobel UK LTD n'avait ni la qualité de propriétaire, ni celle d'exploitant ou d'ayant droit du dernier exploitant du site ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant que l'obligation de remise en état du site est applicable aux installations soumises à autorisation en application des dispositions des articles L. 512-6-1 et R. 512-39-1 et suivants du code de l'environnement, dès lors que ces installations demeurent... ; que, dans cette hypothèse, l'obligation de remise en état du site imposée par l'article R. 512-39-5 du code de l'environnement aux installations ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005 pèse sur l'ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant droit ; que, lorsque l'exploitant ou son ayant droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant ;

Sur l'identification du dernier exploitant au regard du droit des sociétés :

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la société Soie artificielle de Calais, dénommée en 1935 Société Les Filés de Calais puis devenue, après fusion avec la société Courtaulds France, en 1965, la société Courtaulds SA et, ultérieurement, Courtaulds Fibres SA, a exploité, sur le territoire de la commune de Coquelles, en vertu d'un arrêté préfectoral du 2 août 1988, jusqu'au 20 juillet 1990, une usine de fabrication de fibres synthétiques et artificielles et de fabrication de sulfure de carbone, ainsi que, sur une parcelle voisine de ce site, une décharge destinée à accueillir les déchets internes du site de production ; que la déclaration de cessation d'activités a été déposée en préfecture le 7 février 1991 ; qu'ainsi, Courtaulds Fibres SA doit être regardée comme le dernier exploitant de ce site au moment de la cessation de l'activité ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte également de l'instruction que le site appartenant alors à la société Courtaulds Fibres SA a été cédé, le 30 mars 1991, à une filiale du groupe Courtaulds France, la société Courtimmo SA, et que cette société en a cédé, par un acte du 30 octobre 1997, les parcelles cadastrées section B numéros 402 et 403 accueillant la décharge, à la SARL Pontimmo, autre filiale du même groupe ;

5. Considérant, enfin, que la société Courtaulds Fibres SA est devenue en 1996 la société par actions simplifiée (SAS) Courtimmo Holding ; que, par un acte du 30 mars 1997, les actions que la société Courtaulds France détenait dans le capital de cette SAS ont été cédées à une société n'appartenant pas au groupe Courtaulds, la société Creanor SARL ;

6. Considérant qu'ainsi, en rachetant, le 3 juillet 1998, le groupe Courtaulds France, le groupe britannique Akzo Nobel n'a pas acquis la SAS Courtimmo Holding qui n'en faisait plus partie ; qu'en revanche, le groupe Akzo Nobel a alors acquis la SARL Pontimmo, propriétaire des parcelles cadastrées section B numéros 402 et 403 ayant servi de lieu de décharge interne des déchets industriels produits par l'ancien exploitant ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Akzo Nobel UK LTD, appartenant au groupe Akzo Nobel, d'ailleurs qualifiée par l'arrêté préfectoral attaqué de propriétaire, n'est pas le dernier exploitant de la décharge du site et n'a pas racheté celui-ci ;

Sur les conséquences à tirer des stipulations de l'acte de vente des terrains :

8. Considérant que le contrat de vente du 30 octobre 1997 des parcelles mentionnées au point précédent comportait au chapitre " servitudes " les mentions suivantes : " les parcelles cadastrées section B numéros 402 et 403 ont fait l'objet d'une autorisation d'exploiter une décharge interne de déchets industriels provenant des activités industrielles de la " société Courtaulds Fibres SA " aux termes d'un arrêté préfectoral du 2 août 1988 déposé au rang de minute (...) L'exploitation est achevée (...). L'acquéreur fera son affaire des dispositions relatives à la période " postexploitation " reprises sous l'article 8 de l'arrêté préfectoral, dont une copie demeurera annexée aux présentes après mention " ; qu'en outre, par un courrier adressé le 30 novembre 1998, le dirigeant du groupe Akzo Nobel a fait connaître au préfet que " AKZO Nobel UK a acquis le groupe Courtauld plc (...) " et que " Akzo Nobel devient ainsi le propriétaire des anciennes décharges du site Courtaulds à Coquelles et par conséquent des servitudes y afférant " ; que, toutefois, une telle déclaration, qui n'a d'ailleurs donné lieu à aucune autorisation préfectorale de changement d'exploitation du site, ne peut être regardée comme un acte par lequel le groupe britannique ou l'une de ses sociétés se serait substitué à l'ancien exploitant ; que les travaux de remise en état du site que le groupe britannique a réalisés par le passé sur ces terrains ne peuvent être regardés comme impliquant une substitution d'exploitant ; qu'en outre, les stipulations du contrat de droit privé conclu avec la SARL Pontimmo ne sont pas directement opposables à l'administration ; qu'enfin, les dispositions du I de l'article L. 512-21 du code de l'environnement issues de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, complétées par celles de son décret d'application n° 2015-1004 du 18 août 2015 codifiées aux articles R. 512-76 et suivants du même code, qui permettent, lors de la mise à l'arrêt définitif d'une installation classée pour la protection de l'environnement ou postérieurement à cette dernière, à un tiers intéressé de se substituer à l'exploitant, n'étaient pas, en tout état de cause, applicables à l'époque ; qu'il est constant, enfin, que la société Akzo Nobel UK LTD n'en demande pas le bénéfice devant la cour ; que, par suite, le ministre ne peut utilement se prévaloir des effets de l'acte de vente pour mettre à la charge de la société Akzo Nobel UK LTD les mesures de remise en état du site ;

Sur l'application du régime des déchets :

9. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre dans son recours, les dispositions qui permettent dans le cadre de la législation sur les déchets de mettre en cause " un détenteur " de déchets sous certaines conditions ne sont pas applicables au propriétaire d'une décharge dans le cadre du régime distinct des installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'il est constant qu'en cherchant à obtenir de la société Akzo Nobel UK LTD l'installation d'un réseau de surveillance des eaux souterraines au droit des parcelles détenues par sa filiale, la SARL Pontimmo, le préfet du Pas-de-Calais, par son arrêté du 10 mars 2011, a seulement entendu poursuivre la remise en état du site de l'ancienne installation classée ; que, par suite, et en tout état de cause, il n'est pas fondé à soutenir que, en tant que propriétaire et eu égard à son comportement, cette société justifiait devoir être assujettie aux obligations de remise en état du site ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 10 mars 2011 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a imposé à la société Akzo Nobel UK LTD, en sa qualité de propriétaire, la remise en état du site des anciennes décharges de la société Courtaulds Fibres SA ; qu'il a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Akzo Nobel UK LTD au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Akzo Nobel UK LTD une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, et à la société Akzo Nobel UK LTD.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 24 mars 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 avril 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : A. SEULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA00893
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SCP HUGLO LEPAGE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-04-07;14da00893 ?
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