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17/03/2016 | FRANCE | N°13DA01517

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 13DA01517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Lepicard a demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) de condamner, la maison de retraite " Bouic Manoury ", établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, à lui verser les sommes de :

- 28 587,90 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre du solde du lot n° 19 " espaces verts " du marché dont elle était titulaire ;

- 2 834,19 euros TTC au titre des travaux supplémentaires ordonnés par ordre de service ;

- 33 862,59 euros TTC au titre des travau

x supplémentaires rendus nécessaires pour l'exécution du marché dans les règles de l'art ;

- 5 000...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Lepicard a demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) de condamner, la maison de retraite " Bouic Manoury ", établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, à lui verser les sommes de :

- 28 587,90 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre du solde du lot n° 19 " espaces verts " du marché dont elle était titulaire ;

- 2 834,19 euros TTC au titre des travaux supplémentaires ordonnés par ordre de service ;

- 33 862,59 euros TTC au titre des travaux supplémentaires rendus nécessaires pour l'exécution du marché dans les règles de l'art ;

- 5 000 euros en réparation du préjudice qu'elle soutient avoir subi du fait de la diminution de la masse initiale des travaux ;

- 5 000 euros en réparation du préjudice causé par la résiliation irrégulière et injustifiée du marché ;

2°) d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1003352 du 9 juillet 2013, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la SARL Lepicard.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 septembre 2013, la SARL Lepicard, représentée par Me D...H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2013 du le tribunal administratif de Rouen ;

2°) de condamner la maison de retraite " Bouic Manoury " à lui verser les sommes de :

- 28 587,90 euros TTC au titre du solde du marché ;

- 2 834,19 euros TTC au titre des travaux supplémentaires ordonnés par ordre de service ;

- 33 862,59 euros TTC au titre des travaux supplémentaires rendus nécessaires pour l'exécution du marché dans les règles de l'art ;

- 5 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la diminution de la masse initiale des travaux ;

- 5 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la résiliation irrégulière et injustifiée du marché ;

- d'assortir ces condamnations des intérêts au taux légal ;

3°) de condamner la maison de retraite " Bouic Manoury " à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en notifiant le décompte général par l'intermédiaire de son mandataire, le maître de l'ouvrage n'a pas respecté les formalités prévues à l'article 13.42 du cahier de clauses administratives générales ;

- les difficultés rencontrées dans l'exécution du marché sont imputables aux intempéries, à l'état du site, au retard pris par les autres intervenants au chantier et à la carence du maitre d'ouvrage ;

- les travaux supplémentaires commandés par ordre de service du 4 décembre 2006 ne lui ont pas été réglés ;

- elle a exécuté des travaux supplémentaires qui ont été rendus nécessaires par l'absence de raccordement des eaux pluviales dans le patio, carence qui ne lui est pas imputable ;

- plusieurs factures ne lui ont pas été réglées alors qu'elles correspondaient à des travaux réalisés avant la résiliation du marché ;

- la diminution de la masse des travaux lui a causé un manque à gagner évalué à 5 000 euros ;

- le montant de 4 064,59 euros fixé au titre des pénalités de retard est excessif et non détaillé ;

- la décision de résiliation du marché qui lui a été opposée est irrégulière ;

- faute de notification du marché de substitution, les frais inhérents au nouveau contrat passé par la maison de retraite " Bouic Manoury " ne peuvent pas être mis à sa charge ;

- aucune faute d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation ne peut lui être opposée ;

- la résiliation du marché lui a causé un préjudice évalué à 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2013, la société Icade Promotion venant aux droits de la société Icade G3A, représentée par Me A...B..., demande à la cour :

1°) à titre principal de la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire de rejeter les conclusions présentés par la SARL Lepicard.

Elle soutient que :

- elle n'a pas été appelée en la cause devant le tribunal administratif et ne fait l'objet d'aucune demande de la part de la requérante ;

- les moyens soulevés par la SARL Lepicard ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2014, la maison de retraite " Bouic Manoury ", représentée par Me G...C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Lepicard sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SARL Lepicard ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me J...E..., représentant la maison de retraite " Bouic Manoury " et de Me F...I...représentant le société Icade pomotion.

1. Considérant que la maison de retraite " Bouic Manoury " a lancé en 2004 une procédure d'appel d'offres pour la passation d'un marché de construction et de restructuration de ses bâtiments ; que le 9 avril 2004, le lot n°19 " espaces verts " a été attribué à la SARL Lepicard ; qu'en conséquence du retard important pris par cette société dans l'exécution de ses prestations contractuelles, la maison de retraite " Bouic Manoury " a résilié le marché précité à compter du 2 février 2007, aux torts de la SARL Lepicard ; que celle-ci relève appel du jugement du 9 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à l'indemnisation des divers préjudices qu'elle soutient avoir subi en raison de la décision de résiliation ;

Sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Rouen :

2. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée : " Le maître de l'ouvrage peut confier à un mandataire, dans les conditions fixées par la convention mentionnée à l'article 5, l'exercice en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions suivantes de la maîtrise d'ouvrage : (...) / 4° Préparation du choix de l'entrepreneur, signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l'entrepreneur par le maître de l'ouvrage, et gestion du contrat de travaux ; / 5° Versement de la rémunération de la mission de maîtrise d'oeuvre et des travaux ; 6° Réception de l'ouvrage et l'accomplissement de tous actes afférents aux attributions mentionnées ci-dessus. / Le mandataire représente le maître de l'ouvrage à l'égard des tiers dans l'exercice des attributions qui lui ont été confiées jusqu'à ce que le maître de l'ouvrage ait constaté l'achèvement de sa mission dans les conditions définies par la convention mentionnée à l'article 5. " ; qu'aux termes de l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) travaux applicable au présent marché : " le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après: / - quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final ; / - trente jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde. / Le délai de quarante-cinq jours est ramené à un mois pour les marchés dont le délai d'exécution n'excède pas trois mois " ; qu'il résulte des stipulations de la loi du 12 juillet 1985 précitée, que la maison de retraite " Bouic Manoury " a pu, par une convention de mandat du 28 mai 1999, désigner la société SCIC-Developpement, devenue Icade G3A, puis, Icade Promotion, comme maître d'ouvrage délégué, laquelle avait qualité, en vertu de l'article 5.2 de cette convention, pour arrêter le solde des marchés confiés à la SARL Lepicard, établir et signer le décompte général des marchés, puis le notifier à l'entrepreneur ; que la circonstance que le décompte général n'ait pas été notifié par ordre de service, mais par un simple courrier daté du 21 janvier 2009 ne rend pas cette notification irrégulière ;

3. Considérant qu'autre part, qu'aux termes de l'article 13.44 du CCAG travaux précité : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer (...) ; qu'aux termes de l'article 13.45. : " Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, (...) ce décompte général est réputé être accepte par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. " ; qu'il est constant que le 6 mars 2009, la SARL Lepicard a, en réponse au courrier du 21 janvier 2009 lui notifiant le décompte général, transmis son mémoire de réclamation, non au maître d'oeuvre, mais au mandataire du maître d'ouvrage ; que la circonstance que dans le courrier de notification du décompte général la société Icade G3A demandait à la SARL Lepicard de signer, dater et apposer son tampon commercial sur chacun des documents et de " nous les retourner pour règlement du solde " ne saurait être regardé comme établissant que le maitre d'ouvrage, par la voix de son mandataire, avait renoncé aux modalités de contestation prévues par les stipulations précitées de l'article 13.44 du CCAG ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 que la SARL Lepicard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions aux fins de règlement du solde du marché en estimant que sa contestation de ce décompte, faute de recours préalable exercé dans les formes et délais prévus par l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales, était irrecevable et que, par suite, il aurait entaché son jugement d'irrégularité ;

Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Rouen a rejeté comme étant irrecevable les conclusions de la SARL Lepicard tendant au paiement des sommes correspondant à des travaux supplémentaires, à une indemnité compensant le diminution de la masse initiale des travaux et à la contestation du solde du marché ;

Sur l'indemnité pour résiliation irrégulière et injustifiée :

6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, même s'il s'en est réservé la possibilité par courrier du 18 avril 2007, que le mandataire du maître d'ouvrage ait fait supporter à la SARL Lepicard le surcoût résultant de la passation d'un marché de substitution ; que, par suite, et alors qu'en cas de résiliation du marché dont elle était titulaire, l'entreprise a droit, dans l'hypothèse où cette mesure est fondée, mais prise à l'issue d'une procédure irrégulière à être dispensée des conséquences onéreuses de cette sanction, la procédure de résiliation fût-elle entachée d'irrégularité, la SARL Lepicard ne justifie pas d'un préjudice indemnisable ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des nombreux courriers versés aux débats par le maître d'ouvrage que la SARL Lepicard accusait au jour de la résiliation un retard de dix mois dans l'exécution de ses prestations contractuelles ; que si ce retard trouve pour partie son origine dans l'absence d'évacuation des eaux pluviales qui a conduit à une inondation du patio sur lequel la requérante devait intervenir, il provient à titre principal des carences de la SARL Lepicard, qui s'est d'abord abstenue d'intervenir sur le site, puis ne l'a fait qu'avec des équipes trop réduites, en dépit de nombreuses injonctions et mises en demeure de terminer les travaux émanant tant du mandataire du maître d'ouvrage que du maître d'oeuvre ; que, par suite, la décision de résiliation étant fondée, la SARL Lepicard ne peut prétendre à obtenir un réparation du préjudice que cette mesure lui cause ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la maison de retraite " Bouic Manoury ", qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SARL Lepicard demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la SARL Lepicard une somme de 1 500 euros à verser à la maison de retraite " Bouic Manoury " sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Lepicard est rejetée.

Article 2 : La SARL Lepicard versera à la maison de retraite " Bouic Manoury " la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Lepicard, à la maison de retraite " Bouic Manoury " et à la société Icade G3A.

Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 mars 2016.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : O. NIZETLe président,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA01517
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation - Droit à indemnité.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : TRESTARD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-03-17;13da01517 ?
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