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10/03/2016 | FRANCE | N°15DA01122

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 10 mars 2016, 15DA01122


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 février 2015 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1500913 du 6 février 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2015, M. C...A..., représenté par Me D... B..., demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 février 2015 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1500913 du 6 février 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2015, M. C...A..., représenté par Me D... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral du 3 février 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 700 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en fait et en droit, et les visas qu'elle comporte sont erronés ;

- le préfet aurait dû examiner la situation de l'intéressé, au regard de sa réadmission prioritaire vers la Grèce ;

- le préfet a omis d'examiner de manière approfondie la situation qui lui était soumise ;

- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation familiale ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire ;

- la décision prononçant le placement en rétention n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- le préfet, qui s'est estimé tenu de le placer en rétention a entaché cette décision d'une erreur de droit.

La requête a été régulièrement transmise au préfet du Pas-de-Calais qui n'a pas produit de mémoire.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai désignant Me D...B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la décision obligeant M. A...à quitter le territoire français :

1. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation administrative et personnelle de M.A..., comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'en outre, le préfet du Pas-de-Calais ayant visé dans les motifs de la décision les textes dont il faisait application, les mentions surabondantes de textes qui ne trouvaient pas à s'appliquer en l'espèce sont sans incidence sur sa légalité ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

2. Considérant qu'il ressort des dispositions des articles L. 511-1, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 ; que ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre ; que, toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que M.A..., ressortissant albanais né le 6 décembre 1993, est entré en France le 3 février 2015 muni de documents d'identité et de séjour grecs falsifiés, afin, selon ses propres déclarations, de se rendre en Grande Bretagne ; que si, après son interpellation dans le Pas-de-Calais par la police aux frontières, l'intéressé a affirmé détenir un titre de séjour de longue durée délivré par la Grèce où il aurait résidé depuis plusieurs années, il n'a pas fourni ce titre à l'administration ; que, dans ces conditions, à la date de la décision attaquée, le préfet n'était pas tenu d'examiner s'il y avait lieu de reconduire en priorité cet étranger vers la Grèce ; que c'est donc après avoir procédé à un examen particulier de la situation de M. A...que le préfet a estimé que l'intéressé était dépourvu de titre valide susceptible de lui permettre de se maintenir en France ou de justifier une demande de réadmission adressée aux autorités grecques ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 3 que la décision d'éloignement opposée à M. A...n'est pas entachée d'illégalité ;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire n'a pas été prise sur le fondement d'une décision illégale ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;

7. Considérant que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire fait état des circonstances de fait et de droit propres à la situation de M.A... ; que, par suite, cette décision est suffisamment motivée ;

8. Considérant que M. A...a fait valoir devant le tribunal administratif de Lille qu'il disposait de documents d'identité albanais et d'une carte de séjour de longue durée grecque, de sorte qu'un délai de départ volontaire aurait dû lui être accordé par l'autorité préfectorale ; que, toutefois, M. A...n'a pas été en mesure, lors de son interpellation le 3 février 2015, de justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas davantage sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'en outre, l'intéressé, qui a déclaré lui-même détenir des documents de séjour grecs falsifiés, ne dispose pas non plus de domicile effectif ou permanent ; qu'il entre donc dans le champ d'application des a) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet du Pas-de-Calais pouvait pour ces deux motifs refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ; qu'enfin, M. A...n'ayant pas davantage fait état, devant l'administration, de circonstances privées et familiales particulières, dont il ne justifie pas du reste, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Pas-de-Calais aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire et qu'il aurait entaché sa décision sur ce point d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation familiale ;

Sur la décision prononçant le placement de l'intéressé en rétention administrative :

9. Considérant que ni la décision portant obligation de quitter le territoire français, ni la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ne sont entachées d'illégalité ; que, par suite, la décision de placement en rétention administrative n'a pas été prise sur le fondement de décisions illégales ;

10. Considérant qu'il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet du Pas-de-Calais a fait mention du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a indiqué, en outre, que M. A...ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes ; que, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'arrêté en litige est suffisamment motivé sur ce point ;

11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de l'intéressé au regard d'une possible mesure de rétention administrative ; que s'il a indiqué dans son arrêté, au vu des éléments de la situation administrative, personnelle et familiale de M.A..., que l'intéressé devait être placé en rétention administrative, cette mention ne révèle pas que l'autorité administrative n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation sur la situation qui lui était soumise ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre de l'intérieur et à Me D...B....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 25 février 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 mars 2016.

Le rapporteur,

Signé : H. HABCHILe président-assesseur,

En application de l'article R. 222-26

du code de justice administrative,

Signé : C. BERNIER

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°15DA01122 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA01122
Date de la décision : 10/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Bernier
Rapporteur ?: M. Hadi Habchi
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : HENTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-03-10;15da01122 ?
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