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28/01/2016 | FRANCE | N°15DA01331

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 28 janvier 2016, 15DA01331


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 février 2015 du préfet de l'Oise refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1501067 du 30 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 20

15, MmeC..., représentée par la SCP Caron, Daquo, Amouel, Pereira, demande à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 février 2015 du préfet de l'Oise refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1501067 du 30 juin 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2015, MmeC..., représentée par la SCP Caron, Daquo, Amouel, Pereira, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2015 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 février 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une omission à statuer ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire, enregistré le 6 novembre 2015, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par Mme B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 à New-York ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2015.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du même code : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). / Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. / Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée " ;

2. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., ressortissante congolaise (Congo-Brazzaville), serait entrée en France en février 2008 alors qu'elle se trouvait enceinte de six mois ; qu'elle a donné naissance à son fils le 29 mai 2008, à Beauvais ; que M. A..., de nationalité française, l'a reconnu le 26 novembre 2008 ; qu'un certificat de nationalité française a été délivré à cet enfant par le tribunal d'instance de Beauvais le 6 août 2014 ; qu'il s'est vu également délivrer une carte d'identité nationale, un an après sa naissance, ainsi qu'un passeport ; que, pour refuser d'accorder à la requérante un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Oise s'est fondé sur le fait que la reconnaissance de paternité a été effectuée six mois après la naissance de l'enfant, ce qui permet, selon lui, de " douter de la réalité de la filiation ", que la requérante n'entretient aucune vie maritale avec M. A...et que ce dernier n'a pas de réels liens affectifs avec l'enfant ; que, toutefois, ces seules circonstances, en l'absence d'autres éléments précis et concordants de nature à établir que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention, par la mère de l'enfant, d'un titre de séjour, ne permettaient pas au préfet de l'Oise de retenir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité et, ainsi, de ne pas tenir compte de la nationalité française de l'enfant de Mme B...; que, par suite, en se bornant, pour ce seul motif, à refuser à la requérante la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Oise a fait une inexacte application des dispositions précitées ; que dès lors, Mme B...est fondée à obtenir l'annulation de l'arrêté contesté du 28 novembre 2014 ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que le motif d'annulation retenu par le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu, en revanche, d'enjoindre au préfet de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de la cour, à un nouvel examen de la situation de Mme B...;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Pereira, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier le versement à cet avocat de la somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 30 juin 2015 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Oise de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme B...dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Pereira en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MmeE..., au préfet de l'Oise et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience publique du 14 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 janvier 2016.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : B. LEFORT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Béatrice Lefort

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N°15DA01331

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01331
Date de la décision : 28/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-01-28;15da01331 ?
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