La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2015 | FRANCE | N°14DA00374

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 10 décembre 2015, 14DA00374


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Innovent a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par l'administration sur sa demande ainsi que les arrêtés du 24 janvier 2012 par lesquels le préfet de la région Picardie a refusé de lui délivrer un permis de construire sept éoliennes et un poste de livraison électrique sur les communes de Cramont et de Mesnil-Domqueur (Somme).

Par un jugement nos 1102112 et 1200995 du 26 novembre 2013, le

tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Innovent a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par l'administration sur sa demande ainsi que les arrêtés du 24 janvier 2012 par lesquels le préfet de la région Picardie a refusé de lui délivrer un permis de construire sept éoliennes et un poste de livraison électrique sur les communes de Cramont et de Mesnil-Domqueur (Somme).

Par un jugement nos 1102112 et 1200995 du 26 novembre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 février 2014, 15 septembre 2014 et 13 novembre 2015, la société Innovent, représentée par Me D...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés préfectoraux du 24 janvier 2012 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la région Picardie de lui délivrer un permis de construire pour chacun des aérogénérateurs dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de ses demandes de permis de construire dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'implantation du parc éolien envisagé n'est pas de nature à compromettre la sécurité et le bon fonctionnement du radar météo d'Abbeville ;

- le préfet s'est estimé lié par les avis et rapports établis par Météo France ;

- l'administration a commis une erreur de droit en se fondant sur un périmètre de prévention et une distance d'éloignement qui ne sont fixés par aucune disposition législative ou réglementaire ;

- le volet écologique de l'étude d'impact n'était pas insuffisant ;

- ces insuffisances éventuelles n'étaient pas de nature à nuire à l'information complète de la population.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2015, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me A...C..., substituant Me D...B..., représentant la société Innovent.

Une note en délibéré présentée pour la société Innovent a été enregistrée le 30 novembre 2015.

Sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; qu'il en va de même lorsque la construction projetée est susceptible de porter atteinte à un site dans lequel s'insèrent un ou plusieurs monuments remarquables ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que l'abbaye de Saint-Riquier est classée aux monuments historiques depuis 1840, ainsi que le beffroi renaissance de cette commune, figurant également au patrimoine mondial de l'UNESCO ; que le projet en litige prévoit la construction de sept éoliennes d'une hauteur maximale de 139 mètres, pales comprises, dont les plus proches sont distantes de 7 kilomètres de l'ensemble architectural ; qu'il ressort notamment de l'étude paysagère réalisée en janvier 2010 par la société Innovent que les éoliennes qui surplombent la commune sont situées en co-visibilité de l'ensemble abbatial, et ce, de manière suffisamment prégnante particulièrement depuis la route départementale 925 ; qu'ainsi, le préfet de la région Picardie n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme en estimant que le projet, par son ampleur et son positionnement, portait une atteinte au site ainsi qu'au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, alors même qu'il se situe dans une zone de développement de l'éolien ;

Sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;

5. Considérant qu'il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions citées au point 4, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas des termes des arrêtés du 24 janvier 2012, que le préfet de la région Picardie se serait estimé lié par l'avis de Météo France du 15 décembre 2010 et les rapports émanant de l'Agence nationale des fréquences (ANFR), ou qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier des demandes qui lui étaient soumises, après avoir recueilli l'ensemble des avis requis ;

7. Considérant que la zone de coordination, comprise entre 5 et 20 kilomètres autour du lieu d'implantation d'un radar fonctionnant en mode doppler, préconisé par l'Agence nationale des fréquences, ne constitue pas par elle-même une servitude qui serait en outre érigée, comme il est soutenu, sans texte, mais un dispositif technique destiné à permettre d'évaluer, dans un secteur de vulnérabilité, les perturbations susceptibles d'affecter le fonctionnement régulier d'un radar au regard de ses missions et de l'implantation des aérogénérateurs ; qu'il s'ensuit que l'intervention des refus de permis de construire litigieux n'a été subordonnée ni par la définition préalable d'un tel périmètre, ni par d'autres dispositions législatives ou réglementaires que celles prévues à l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la société Innovent n'est pas fondée à soutenir que le préfet a entaché ses décisions de refus sur ce point d'une erreur de droit ;

8. Considérant qu'il ressort des termes du rapport du 19 septembre 2005 et du guide du 3 juillet 2007 établis par la commission consultative de la compatibilité électromagnétique de l'Agence nationale des fréquences, que les pièces fixes ou mobiles massives des éoliennes provoquent passivement une dégradation des performances des radars lorsqu'elles sont dans leur rayon de visibilité radioélectrique, par la création d'échos parasites ou " faux échos " susceptibles de détériorer, notamment, les données doppler recueillies par les radars, et de les rendre inexploitables ; que, d'ailleurs, la société Innovent ne conteste pas sérieusement que les éoliennes, de par le mouvement de rotation des pales, provoquent des phénomènes de distorsion de réception et de mesures des vents ; que cette agence préconise, en vue d'éviter une perturbation majeure du fonctionnement des radars, de subordonner leur installation au respect d'une distance dite " de coordination " de 5 à 20 kilomètres et de veiller à ce que la zone d'impact doppler des éoliennes n'excède pas 10 kilomètres et, dans le cas d'implantation de plusieurs parcs éoliens, à ce que leurs zones d'impact respectives, autour d'un même radar, soient espacées de plus de 10 kilomètres ;

9. Considérant que la société Innovent projette de construire sur le territoire des communes de Cramont et de Mesnil-Domqueur un parc comportant sept éoliennes, dont la hauteur maximale, pales comprises, s'élève à 139 mètres, alignées le long de la route départementale 108 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la plus proche des sept éoliennes se situe à 13,9 km du radar météorologique d'Abbeville, soit au-delà de la zone d'exclusion de 5 km de ce radar en bande C, et que l'ensemble du parc est à l'intérieur de sa zone de coordination de 20 km et en visibilité directe de ce radar ; qu'il ressort des pièces versées au dossier que la zone d'impact doppler, estimée à 12,7 km dépasse la distance équivalente à un rayon recommandé de 10 kilomètres par l'Agence nationale des fréquences ; qu'en outre, les éoliennes en cause sont implantées non seulement à une distance inférieure à 7 km du parc existant de Prouville, mais aussi à une distance respective de 6 km, de 8 km et de 10 km des parcs éoliens d'Agenville, de Domart-en-Ponthieu, et de Gueschart déjà autorisés, cette circonstance étant de nature à provoquer des échos parasites non filtrables et une perte substantielle d'environ 60 % de données, susceptibles de dégrader fortement les performances du radar d'Abbeville ; que la société appelante n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause la validité des éléments scientifiques du modèle utilisé ; que la méthode de calcul de la " surface équivalent radar " qu'elle critique, sans autre précision utile, est couramment utilisée par les organismes spécialisés pour apprécier les phénomènes de brouillage de radars ; qu'ainsi, compte tenu de leur implantation et de leurs caractéristiques, les éoliennes en question sont susceptibles de perturber gravement le fonctionnement du système de détection et de protection radar ; que la société requérante ne justifie pas, en tout état de cause, que les machines devant être installées bénéficieraient de certaines avancées technologiques portant sur une " surface équivalent radar " ;

10. Considérant que les données exploitées par le radar d'Abbeville sont destinées non seulement à assurer les observations et prévisions météorologiques dans un vaste secteur comprenant la baie de Somme, et plusieurs zones des départements voisins, exposées à de fortes intempéries, mais s'inscrivent aussi, en collaboration avec d'autres radars, dans le système Arome mis en place par Météo France destiné à favoriser la surveillance de plusieurs agglomérations urbaines et la prévision des risques de crues ; qu'ainsi, compte tenu de l'importance de la perte d'information mentionnée au point précédent, les sept éoliennes envisagées, par leur situation et leurs caractéristiques, sont de nature à porter atteinte à la sécurité publique au sens des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que, par suite, c'est sans erreur d'appréciation que le préfet de la Somme a refusé de délivrer les permis de construire en litige à la société Innovent ;

Sur l'insuffisance de l'étude d'impact :

11. Considérant que le préfet de la région Picardie a également retenu comme motif de refus de ses décisions l'absence d'évaluation des incidences du projet de parc éolien sur plusieurs espèces protégées ; que, toutefois, l'étude d'impact ne comporte aucune insuffisance sur ce point ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que le préfet de région aurait pris les mêmes décisions en ne se fondant que sur les seuls motifs tirés de la méconnaissance des articles R. 111-21 et R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Innovent n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au prononcé d'une injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Innovent est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Innovent et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la région Picardie.

Délibéré après l'audience publique du 26 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : H. HABCHILe président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

''

''

''

''

N°14DA00374 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00374
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Hadi Habchi
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : GREENLAW AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-10;14da00374 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award