Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 25 juin 2014, la SARL Jutin et la SARL L'Ardennaise, représentées par Me C...B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er avril 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté leur demande tendant au rejet de la demande d'autorisation sollicitée par la société Immobilière européenne des mousquetaires en vue de créer un ensemble commercial à Marseille-en-Beauvaisis (Oise) ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SA Immobilière européenne des mousquetaires chacun la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la composition de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Oise était irrégulière ;
- la délimitation de la zone de chalandise, qui est trop restreinte, omet certaines surfaces de vente ;
- le projet compromet l'animation de la vie urbaine et rurale ;
- il prévoit des aménagements piétonniers et cyclistes insuffisants ;
- l'augmentation du trafic induite par le projet, inexactement évaluée, n'a pas été suffisamment prise en compte par le projet ;
- les aménagements routiers prévus sont insuffisants et incertains ;
- l'emplacement de la station-service présente des risques au regard de la sécurité ;
- le projet nuit à la qualité de l'environnement et entraîne une consommation excessive de surfaces agricoles ;
- son insertion dans les réseaux de transports collectifs est inexistante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2014, la SA Immobilière européenne des mousquetaires, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Jutin et autre d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la Commission nationale d'aménagement commercial qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- les observations de Me C...B..., représentant la SARL Jutin et autre, et de Me A...D..., représentant la société Immobilière européenne des mousquetaires.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce applicable à la date de la décision attaquée : " A l'initiative du préfet, (...) et de toute personne ayant intérêt à agir, la décision de la commission départementale d'aménagement commercial peut, dans un délai d'un mois, faire l'objet d'un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial / La commission nationale se prononce dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. La saisine de la commission nationale est un préalable obligatoire à un recours contentieux à peine d'irrecevabilité de ce dernier / (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en raison des pouvoirs ainsi conférés à la Commission nationale d'aménagement commercial, ses décisions se substituent à celles de la commission départementale contestées devant elle ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Oise du 5 décembre 2013 aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière est inopérant ;
2. Considérant que, pour évaluer la zone de chalandise du projet, la Commission nationale a pris en considération, ainsi que l'y invitait la société pétitionnaire, une population estimée à 11 500 habitants environ, regroupée sur trente et une communes situées autour du projet de la société Immobilière européenne des mousquetaires, dans un rayon équivalant à dix minutes maximum de temps de trajet en voiture sans inclure certains commerces d'une surface modeste situés sur les communes de Lihus et Milly-sur-Thérain ; qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que la délimitation de la zone de chalandise ainsi retenue par la Commission nationale, laquelle n'a pas été au demeurant contestée par les services instructeurs, aurait été entachée d'une erreur de nature à avoir faussé l'appréciation des membres de la Commission sur le projet soumis à son examen au regard des objectifs et critères fixés par le législateur en matière d'aménagement commercial ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine (...) ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ces effets, le projet compromet la réalisation des objectifs prévus par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code ;
5. Considérant que la circonstance que l'avis d'un des ministres intéressés a été " réservé " sur le projet ne suffit pas à démontrer que la Commission nationale a fait une inexacte application des dispositions citées au point précédent en autorisant le projet soumis à son examen ; qu'il en va de même des avis antérieurement émis par les services instructeurs de la direction départementale des territoires de l'Oise, qui ne liaient pas la Commission nationale quant au sens de sa décision ;
6. Considérant que le projet de la société Immobilière européenne des mousquetaires, comprenant un supermarché de 1 800 m² et trois commerces de 60 m² chacun, doit être implanté à 700 mètres au nord du centre bourg, en continuité du tissu bâti de la commune, sur une emprise foncière mitoyenne d'une zone d'activités artisanales, commerciales et tertiaires ; qu'il ressort des pièces versées au dossier que le projet litigieux est aisément accessible tant par les habitants du nouveau programme de logements construit par l'office public de l'habitat de l'Oise, le long de la route départementale 901, que par les habitants de la zone de chalandise ; qu'en outre, il n'est pas contesté par les sociétés requérantes que la commune de Marseille-en-Beauvaisis souffre d'un manque important de commerces généralistes, ainsi que l'a relevé la Commission nationale d'aménagement commercial ; que l'activité développée, en particulier dans le secteur des produits alimentaires, complète l'offre commerciale existante et participe au confort des consommateurs, leur évitant notamment des déplacements vers la commune de Beauvais, distante de 21 kilomètres ; que, dans ces conditions, le projet contribuera à l'animation de la vie urbaine et locale ;
7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment pas des avis rendus par le service instructeur et les autres autorités consultées, que le projet induira un trafic excessif ou en augmentation sensible aux abords de la route départementale 901, axe principal de desserte du site ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier, notamment de la convention signée le 31 mars 2014 entre la commune de Marseille-en-Beauvaisis, le département de l'Oise, et la société Immobilière européenne des mousquetaires, qu'un giratoire est prévu en aval pour desservir la zone d'activités commerciales et créer un accès direct depuis la route départementale 901 ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que les aménagements prévus seraient insuffisants ou insuffisamment certains pour faire face au flux limité de circulation supplémentaire attendu ; que, dès lors, le projet ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
8. Considérant que si la desserte du projet est actuellement assurée de façon limitée par les transports en commun, il n'est pas contesté qu'un service de navette mis en place par la communauté de communes de la Picardie verte, destiné à desservir notamment les abords du projet, est prévu afin de réduire les effets sur l'environnement des déplacements motorisés ; qu'un itinéraire " piétons " accessible depuis le centre-ville et plusieurs connexions avec les logements nouveaux sont également envisagés ; que le projet comporte des toitures végétalisées, plusieurs espaces verts représentant près de 9 500 m², incluant la plantation de cent quatre-vingt-quatre arbres de haute tige ; qu'il adopte également un parti pris architectural bioclimatique et paysager et prévoit un système de récupération des eaux de toiture pour le fonctionnement de la station de lavage dont l'installation est envisagée au sein de l'ensemble commercial ; que ces divers aménagements répondent à l'objectif de développement durable fixé par le législateur ;
9. Considérant que si l'ensemble commercial se situe à l'intérieur du périmètre de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique " des Vallées du Thérain ", il ne ressort pas des pièces versées au dossier qu'il serait susceptible de lui porter atteinte compte tenu notamment d'une emprise foncière qui, quoique de 35 330 m², est d'une ampleur limitée par rapport au périmètre de la zone naturelle ; qu'en outre, l'équipement commercial n'empiète pas sur le site Natura 2000, qui se situe à plusieurs centaines de mètres de la limite de l'emprise foncière du projet ; que celle-ci qui, implantée en zone 1AUe du plan local d'urbanisme de la commune, s'insère dans un secteur en voie d'urbanisation, avec la création de logements supplémentaires, ainsi qu'il a été dit au point 6 ; qu'il n'est pas démontré que l'utilisation des surfaces réservées au projet serait excessive ; que, dès lors par son implantation, ce dernier n'a pas méconnu les objectifs de qualité environnementale et de développement durable prévus par le a) du 2° de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que le projet litigieux induirait des risques pour la sécurité des consommateurs, qu'il serait soumis à des risques naturels de coulée de boue ou serait concerné par un plan de prévention des risques naturels ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 10 qu'en accordant l'autorisation sollicitée, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des objectifs et critères prévus par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA Immobilière européenne des mousquetaires et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la SARL Jutin et la SARL l'Ardennaise demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés requérantes la somme globale de 1 500 euros que demande la société Immobilière européenne des mousquetaires à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Jutin et de la SARL L'Ardennaise est rejetée.
Article 2 : La SARL Jutin et la SARL L'Ardennaise verseront à la société Immobilière européenne des mousquetaires une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Jutin, à la SARL L'Ardennaise, à la SA Immobilière européenne des mousquetaires et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 29 octobre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 novembre 2015.
Le rapporteur,
Signé : H. HABCHILe président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°14DA01038 2