Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Le râle des genêts " et M. E...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 19 août 2011 par lequel le préfet de l'Aisne a autorisé la société à responsabilité limitée (SARL) Aisne granulats à exploiter une carrière à ciel ouvert de sable et de graviers sur le territoire de la commune d'Alaincourt.
Par un jugement nos 1102908-1103579 du 29 octobre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté préfectoral du 19 août 2011.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 janvier 2014, 12 mai 2015, et 23 septembre 2015, la société Aisne granulats, représentée par Me F...B..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes de l'association " Le râle des genêts " et de M.E... ;
2°) à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire d'exploiter dans l'attente d'une nouvelle autorisation ;
3°) de mettre à la charge de l'association et de M. E...les sommes respectives de 1 500 euros pour la première instance et de 2 500 euros pour l'instance d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières et aux installations de premier traitement des matériaux de carrières ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me F...B..., représentant la SARL Aisne granulats, et de Me A...C..., représentant l'association " Le râle des genêts ".
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
1. Considérant que pour annuler, à la demande de l'association " Le râle des genêts " et de M.E..., l'arrêté du 19 août 2011 du préfet de l'Aisne, le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur le vice de procédure tenant à l'insuffisance de l'étude d'impact et de l'étude de dangers au regard de la prise en compte du risque d'instabilité des talus de l'autoroute A 26 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 512-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la procédure en cause : " II. - L'étude d'impact présente (...) : / (...) / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation sur l'environnement et, en particulier, sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'agriculture, l'hygiène, la santé, la salubrité et la sécurité publiques, sur la protection des biens matériels et du patrimoine culturel. Cette analyse précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, les effets sur le climat le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 512-9 du même code : " L'étude de dangers (...) justifie que le projet permet d'atteindre, dans des conditions économiquement acceptables, un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l'état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l'environnement de l'installation. / Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation, compte tenu de son environnement et de la vulnérabilité des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 / (...) " ;
3. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population et à la bonne information des personnes intéressées, ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;
4. Considérant que l'étude d'impact, qui se bornait à mentionner la présence de l'autoroute A 26 sur le site de l'exploitation de la carrière de sable et graviers projetée, a été complétée par une étude de dangers ; que cette étude signalait que " l'instabilité des fronts de taille peut induire un recul du sommet de ceux-ci et atteindre la stabilité des terrains ou axes de circulation limitrophes " ; qu'en outre, l'analyse du niveau de risque associé à l'instabilité des talus pouvant faire l'objet d'excavations et situés à proximité de l'autoroute a fait l'objet d'une étude complémentaire, le 24 décembre 2010, qui a permis de définir le profil de pente de la taille compatible avec la stabilité de ces talus ; que l'arrêté attaqué, dans son article 7, prend d'ailleurs en compte ce risque en prescrivant la réalisation d'une étude de stabilité pour toute exploitation de la carrière à moins de 100 mètres de l'autoroute ; qu'il résulte ainsi de l'étude d'impact et de l'étude de dangers initial que l'existence du risque en question a été portée à la connaissance du public, même si ces documents ne comportaient pas une analyse détaillée du risque et des moyens d'y parer ; qu'une observation sur " la déstabilisation du viaduc de l'autoroute A 26 et des voies d'accès de secours " a en outre été faite à ce sujet au cours de l'enquête publique ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que l'insuffisance initiale de l'analyse du risque aurait nui à la bonne information des personnes intéressées, et en particulier de la population consultée ; qu'en outre, l'étude complémentaire a permis à l'autorité administrative de prendre les mesures appropriées pour tenir compte du danger ; que par suite, l'insuffisance d'analyse initiale du risque n'a pas davantage exercé d'influence sur le sens de la décision attaquée ; que, dès lors, la société Aisne granulats est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté préfectoral du 19 août 2011, le tribunal administratif d'Amiens a retenu le moyen tiré de l'insuffisance des études d'impact et de danger qui avaient été portées à la connaissance du public, notamment par l'enquête publique ;
5. Considérant toutefois qu'il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par l'association " Le râle des genêts " et M. E...devant la juridiction administrative ;
Sur les autres moyens dirigés contre l'arrêté du 19 août 2011 :
En ce qui concerne le moyen tiré d'autres insuffisances de l'étude d'impact et de l'étude de dangers :
6. Considérant, en premier lieu, que la seule circonstance que ni l'étude d'impact, ni l'étude de dangers, présentées à l'appui de la demande d'autorisation d'exploiter du 28 janvier 2009, complétée le 21 juillet 2009, ne mentionnent l'existence du plan local d'urbanisme de la commune d'implantation, rendu opposable le 21 mai 2009 et du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, qui n'a d'ailleurs été publié que le 17 décembre 2009, ne suffit pas à caractériser une insuffisance de ces documents ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que s'il est constant que la surface exploitable autorisée, soit environ 12 hectares, est sensiblement inférieure à la surface figurant dans la demande d'autorisation, soit environ 28 hectares, il résulte de l'instruction, et notamment de cette demande, que cette réduction de surface ne tient pas à une insuffisance de prise en compte du risque d'inondation dès lors qu'aucune exploitation dans la zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation n'a été sollicitée ; que l'absence de mention, dans les études critiquées, de cette réduction, qui n'a modifié ni les caractéristiques de l'exploitation ni les principes régissant le phasage de l'exploitation, n'a pas empêché l'information complète de la population ni la bonne information des personnes intéressées, renseignées sur les incidences de l'ensemble des surfaces exploitées, et n'a pas davantage été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des photographies produites par l'association " Le râle des genêts " qui, pour celles attestant de la présence d'un pipeline d'hydrocarbures, prises le 28 septembre 2014, sont situées hors de la zone d'exploitation de la carrière et, pour celles attestant de l'existence d'un poste de distribution de gaz, ne permettent pas de déterminer avec précision si la carrière est susceptible d'affecter la conduite de gaz, qu'il existerait un risque d'accidents liés à des conduites de gaz ou d'hydrocarbures provoqués par l'exploitation de la carrière ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'une étude complémentaire, ainsi qu'il a été dit au point 4, a été réalisée pour analyser la stabilité des talus de l'exploitation projetée à proximité de l'autoroute A 26 ; qu'il résulte de l'instruction que cette étude a pris en compte les caractéristiques du sous-sol dans cette zone, notamment l'infiltration d'eau ; que, pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 4, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact et de l'étude de dangers sur ce point doit être écarté ;
10. Considérant, en cinquième lieu, que l'étude d'impact a analysé l'incidence de l'exploitation, tant en ce qui concerne les excavations que leur remblaiement, sur la qualité et le niveau de la ressource souterraine en eau ; que la circonstance que la société pétitionnaire a proposé, en cours d'instruction de sa demande, la mise en place de drains en complément des instruments de suivi de cette ressource prévus dans son projet initial, ne suffit pas à caractériser une insuffisance de l'étude d'impact sur ce point ;
11. Considérant, en sixième lieu, que l'étude écologique a suffisamment pris en compte la présence d'espèces remarquables et protégées autour de l'exploitation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'étude a omis d'analyser les enjeux faunistiques du territoire, marqué notamment par l'existence d'une ZNIEFF de type II ; que, d'ailleurs, les dix journées consacrées à l'observation des espèces présentes sur le site ont permis une telle analyse par la société pétitionnaire ; qu'en outre, la seule circonstance que l'étude écologique ne fait pas mention de l'existence, à proximité du site de la société Aisne granulats, d'espèces telles que les cigognes blanches, ne suffit pas à démontrer que le diagnostic environnemental et faunistique que l'association intimée critique, est insuffisant ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 11 que le moyen tiré d'un vice de procédure tenant à une insuffisance de l'étude d'impact et de l'étude de dangers doit être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de nouvelle instruction de la demande :
13. Considérant que la réduction de la superficie exploitée, certes sensible ainsi qu'il a été dit au point 7, et la mise en place de drains pour améliorer l'écoulement des eaux souterraines dans les parties du site remblayées après leur creusement pour l'exploitation de la carrière procèdent des observations recueillies au cours de l'enquête publique et des avis des personnes consultées ; que ces modifications, qui ne portent pas sur le principe et la durée de l'exploitation ou ses principales caractéristiques techniques et environnementales, ne peuvent être regardées, en l'espèce, comme portant atteinte à l'économie générale du projet autorisé ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu, avant d'autoriser l'exploitation en cause, de procéder à une nouvelle instruction de la demande ou à une nouvelle enquête publique ;
En ce qui concerne la régularité de l'enquête publique :
14. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article R. 512-25 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la procédure en cause : " Si le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête décide la prolongation de l'enquête, cette prolongation doit être notifiée au préfet au plus tard huit jours avant la date de clôture de l'enquête. Elle est portée à la connaissance du public au plus tard à la date prévue initialement pour la fin de l'enquête par un affichage réalisé dans les conditions de lieu prévues ci-dessus ainsi que, le cas échéant, par tout autre moyen approprié, notamment la mise en ligne sur le site internet de la préfecture " ;
15. Considérant que l'enquête publique s'est déroulée sur une durée d'un mois, entre le 21 décembre 2009 et le 22 janvier 2010 ; que cinq permanences en présence du commissaire enquêteur ont été organisées ; que le dossier était consultable en mairie, y compris en-dehors des heures de permanence ; qu'une soixantaine de personnes ont consigné des observations sur le registre d'enquête ; que, dans ces conditions, et alors même qu'un épisode neigeux et les fêtes de fin d'année auraient rendu la consultation du dossier plus difficile en début d'enquête, la double circonstance, qui au demeurant ne ressort pas des termes du rapport du commissaire enquêteur, que celui-ci aurait à tort cru impossible de porter une éventuelle prolongation de l'enquête à la connaissance du public moins de huit jours avant la clôture prévue, et se serait cru lié par l'avis défavorable du préfet sur sa demande de prolongation, est sans incidence sur la régularité de l'enquête publique ;
En ce qui concerne le caractère complet du dossier de demande d'autorisation :
16. Considérant qu'aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement : " I.-A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : / (...) / 8° Pour les carrières et les installations de stockage de déchets, un document attestant que le demandeur est le propriétaire du terrain ou a obtenu de celui-ci le droit de l'exploiter ou de l'utiliser / (...) " ;
17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Aisne Granulats a été autorisée, par convention signée le 7 juin 2011, antérieurement à l'arrêté du 19 août 2011, à utiliser des dépendances du domaine public autoroutier pour les besoins de son exploitation ; que, par suite, alors même que les dispositions de l'article 8.3 de l'arrêté attaqué prévoient la production de cette autorisation d'utilisation " avant le début de l'exploitation ", la demande était régularisée sur ce point à la date de la décision contestée ;
18. Considérant que l'absence dans le dossier de demande d'autorisation de l'accord du concessionnaire de l'autoroute A 26 pour l'utilisation de dépendances du domaine public autoroutier a été, ainsi qu'il a été dit au point précédent, régularisée antérieurement à la date de l'arrêté d'autorisation ; que, compte tenu des mentions de l'étude d'impact sur l'utilisation d'un " tapis de plaine " pour charrier les matériaux extraits et du plan joint à cette étude qui mentionnait l'implantation prévue pour cet équipement, notamment sous l'emprise de l'autoroute, cette lacune n'a pas eu pour effet de nuire à la bonne information des personnes intéressées et de la population, et n'a pas davantage influencé le sens de la décision prise par l'administration ; que, par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier soumis à l'enquête publique à cet égard doit être écarté ;
En ce qui concerne l'interdiction de destruction des espèces animales et végétales :
19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; / 4° La destruction, l'altération ou la dégradation des sites d'intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, ainsi que le prélèvement, la destruction ou la dégradation de fossiles, minéraux et concrétions présents sur ces sites. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées ainsi que des sites d'intérêt géologique, y compris des types de cavités souterraines, ainsi protégés ; / 2° La durée et les modalités de mise en oeuvre des interdictions prises en application du I de l'article L. 411-1 ; / (...) " ;
20. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier de l'étude d'impact et de l'étude écologique, qu'a été observée la présence dans le périmètre de l'exploitation autorisée par l'arrêté contesté, de douze espèces végétales et d'une espèce animale appartenant à des espèces remarquables ou protégées ; que s'il est constant que l'exploitation de la carrière autorisée par l'arrêté litigieux entraîne la destruction, l'altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux ou végétaux à protéger, l'interdiction imposée par les dispositions précitées ne s'applique que pour autant que cette destruction, cette altération ou cette dégradation remette en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de reproduction ou de repos des espèces et végétaux considérés ; qu'il résulte à cet égard de l'instruction qu'existent par ailleurs, sur de très vastes étendues, plusieurs espaces naturels, de champs, de prairies ou de jachères agricoles, dont les biotopes sont tout à fait similaires à ceux observables sur les parcelles où la société requérante est autorisée à exploiter ; qu'il n'est pas contesté par l'association intimée que les espèces protégées dont s'agit trouveront, ainsi, dans cet environnement naturel des sites de reproduction et des aires de repos propres au bon accomplissement de leurs cycles biologiques ; que, dans ces conditions, cette destruction, altération ou dégradation n'est pas de nature, dans un tel milieu rural très largement ouvert, où la faune et la flore peuvent trouver sur les secteurs avoisinants des milieux et biotopes équivalents à ceux existants actuellement sur le site, à remettre en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de reproduction et de repos des oiseaux ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement doit être écarté ;
En ce qui concerne la régularité des avis préalables à l'arrêté attaqué :
21. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 : " 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. A cet effet, les Etats membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou cas par cas (...) " ;
22. Considérant que ni ces dispositions ni aucune autre disposition de la directive n'interdisent que l'" autorité environnementale " soit, dans certains cas, l'autorité en charge de la police des installations classées compétente pour délivrer ou refuser l'autorisation ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 6 de la directive doit être écarté ;
23. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " I. Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. / (...) / III. Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement (...) " ;
24. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 13 les modifications apportées au projet après l'enquête publique n'ont pas porté atteinte à l'économie générale du projet ; que, dans ces conditions, la circonstance que l'avis de l'autorité environnementale a été rendu le 10 novembre 2009, antérieurement à ces modifications, n'était pas de nature à entacher d'irrégularité cette consultation qui a contribué, en outre, à la modification tenant à la mise en place de drains destinés à maintenir le niveau et la qualité des eaux souterraines sur la partie remblayée du site ; que, d'autre part, la lacune initiale du dossier de demande, mentionnée au point 17, ne portait pas sur l'incidence environnementale du projet, qui constitue, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, l'objet de la consultation de l'autorité environnementale ;
En ce qui concerne l'avis du conseil municipal d'Alaincourt :
25. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'environnement : " L'autorisation prévue à l'article L. 512-1 est accordée par le préfet, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du présent code relative aux incidences éventuelles du projet sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et après avis des conseils municipaux intéressés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires " ;
26. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est pas soutenu, qu'antérieurement et au cours de la délibération du 1er février 2010 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Alaincourt a donné un avis favorable, au demeurant à l'unanimité, à l'autorisation d'exploiter sollicitée par la société requérante sur le territoire de cette commune, le maire de celle-ci, dont la mère est l'une des dix propriétaires des parcelles à exploiter, ait exercé une influence effective sur le vote de cet avis ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris après un avis délibéré en méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté ;
En ce qui concerne la compatibilité de l'autorisation accordée avec le schéma d'aménagement et de gestion des eaux :
27. Considérant qu'aux termes du XI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, seuls " les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux " ; qu'aux termes des deux derniers alinéas de l'article L. 515-3 du même code : " (...) / Les autorisations (...) d'exploitation de carrières délivrées en application du présent titre doivent être compatibles avec [le] schéma [départemental des carrières] / Le schéma départemental des carrières doit être compatible ou rendu compatible dans un délai de trois ans avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, s'il existe " ;
28. Considérant qu'il ne résulte pas de ces dispositions combinées qu'une autorisation d'exploitation de carrières constitue une décision administrative dans le domaine de l'eau au sens de l'article L. 212-1 du code de l'environnement ; que, dès lors, la décision litigieuse d'autorisation d'exploiter une carrière de sable et de graviers alluvionnaires n'était pas soumise à l'obligation de compatibilité avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ; que, par suite, et en tout état de cause, l'association intimée ne saurait utilement exciper de l'incompatibilité du projet avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), dès lors que l'article L. 515-3 du code de l'environnement impose la compatibilité du schéma départemental d'exploitation des carrières avec le SDAGE mais ne pose aucun rapport de compatibilité des autorisations individuelles d'exploitation de carrières avec ce dernier ;
En ce qui concerne la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
29. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique / (...) " ;
30. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment de la convention d'occupation du domaine public autoroutier, passée le 7 juin 2011 par l'exploitant, et du rapport de l'inspection des installations classées du 16 juin 2011, que le convoyeur destiné à charrier les matériaux extraits sera installé dans une buse située sous l'autoroute au droit du point de repère 183-354 de cette autoroute, en zone bleue du plan de prévention des risques d'inondation et non dans la double buse se trouvant en zone rouge de ce plan, comme l'association le soutient et comme le plan annexé à l'arrêté attaqué le fait figurer à tort ;
31. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 18 de l'arrêté attaqué : " 18.1 (...) / le convoyeur à bande transporteuse passant dans une buse sous l'autoroute A 26 sera démonté : / entre le 1er octobre et le 31 mai ; / - en dehors de cette période, en cas d'annonce de crue " ;
32. Considérant qu'alors même que, ainsi qu'il a été dit au point 30, l'ouvrage permettant le passage du convoyeur des matériaux est situé en zone bleue, l'arrêté attaqué a prescrit son démontage dans la période habituelle de crue et en cas d'annonce de crue en dehors de cette période ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché son autorisation d'une erreur dans l'appréciation de la nécessité de parer aux inconvénients présentés par l'exploitation pour les intérêts protégés par les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, manque en fait ; que, pour les mêmes raisons le moyen tiré de la méconnaissance de l'interdiction d'exploiter une carrière ou de stocker des matériaux susceptibles d'être emportés par les eaux, figurant dans les dispositions de l'article 3.1 du règlement du plan de prévention des risques d'inondation applicable à la zone rouge de ce plan, manque également en fait ;
33. Considérant que, contrairement à ce que fait valoir l'association " Le râle des genêts ", l'arrêté, et notamment son article 18 cité au point 31, n'interdit pas l'exploitation de la carrière entre le 1er octobre et le 31 mai ; que, par suite, et en tout état de cause, la circonstance que la société requérante ne respecterait pas son obligation de démontage citée au point 31 est sans influence sur le bien-fondé des prescriptions fixées ;
34. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de l'arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières et aux installations de premier traitement des matériaux de carrières : " 11.2. Extraction en nappe alluviale : / (...) / II. - Les exploitations de carrières en nappe alluviale dans le lit majeur ne doivent pas créer de risque de déplacement du lit mineur, faire obstacle à l'écoulement des eaux superficielles ou aggraver les inondations / (...) " ;
35. Considérant qu'aux termes de l'article 4.2 du règlement du plan de prévention des risques d'inondation applicable en zone " bleu clair " : " Autorisations sous condition / Peuvent être autorisées (...) : / (...) / 8. L'ouverture et l'exploitation de carrières sous les conditions suivantes : / - L'impact hydraulique, lors de l'exploitation, ne doit pas aggraver les conséquences des crues, il devra être au moins neutre, (par exemple, les terres de découverte conservées seront disposées en merlons longitudinaux, parallèlement à l'écoulement / (...)) " ;
36. Considérant qu'aux termes de l'article 15 de l'arrêté attaqué : " 15.1 - La méthode d'exploitation est la suivante : / - la terre végétale et les stériles de couverture sont décapés de façon sélective, et conservés pour la remise en état finale. Ils sont stockés séparément sous forme de merlons en périphérie de l'exploitation, disposés parallèlement au sens d'écoulement des eaux, en discontinuité / (...) " ;
37. Considérant qu'il ressort des termes mêmes des dispositions précitées de l'article 15 de l'arrêté attaqué que le stockage des " terres de découverte " issues de la première phase de l'exploitation dite de " décapage " respecte, contrairement à ce qui est soutenu, les prescriptions pertinentes du plan de prévention des risques d'inondation qui prévoient le stockage sous forme de merlons des terres végétales décapées ; que la circonstance, à la supposer établie, que l'exploitant ne l'aurait pas complètement respecté lors de son exploitation est sans incidence sur le bien-fondé de l'acte attaqué ;
38. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-8 du code de l'environnement : " (...) On entend par : / (...) / Déchet inerte : tout déchet qui ne subit aucune modification physique, chimique ou biologique importante, qui ne se décompose pas, ne brûle pas, ne produit aucune réaction physique ou chimique, n'est pas biodégradable et ne détériore pas les matières avec lesquelles il entre en contact d'une manière susceptible d'entraîner des atteintes à l'environnement ou à la santé humaine / (...) " ;
39. Considérant que l'article 28 de l'arrêté attaqué prescrit que les déchets utilisés pour le remblaiement de la carrière sont exclusivement des déchets inertes ; qu'il détaille les valeurs limites en substances polluantes ou dangereuses que ces déchets doivent contenir et oblige l'exploitant à réaliser un suivi régulier de la qualité des déchets ; que l'article 29 prescrit par ailleurs la réalisation d'analyses de la qualité des eaux souterraines de chaque zone d'exploitation ; que la circonstance, à la supposer établie, que l'exploitant n'aurait pas respecté cette prescription est sans incidence sur sa légalité ;
40. Considérant que la seule circonstance que deux sociétés d'exploitation de carrière, possédant chacune 10 % du capital de la société exploitante ont fait l'objet, par le passé, d'arrêtés de mise en demeure au titre de la police administrative des installations classées, ne permet pas de regarder la société titulaire de l'autorisation en cause comme dépourvue des capacités techniques et financières nécessaires à cette autorisation ;
41. Considérant que si le plan de prévention des risques d'inondation interdit le stockage de produits polluants et dangereux, il résulte de la définition des déchets inertes issue des dispositions précitées de l'article R. 541-8 du code de l'environnement que ces déchets, les seuls autorisés, ne sont ni polluants, ni dangereux ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté autoriserait une décharge interdite par le plan de prévention des risques d'inondation doit être écarté ;
42. Considérant que si la différence de perméabilité entre les matériaux extraits et les matériaux de remblai est de nature, comme l'indique le schéma départemental des carrières applicable en l'espèce, à nuire au maintien des conditions d'écoulement de l'eau dans la nappe phréatique, il résulte de l'instruction, et notamment du document établi par la société exploitante intitulé " mémoire en réponse, mesures compensatoires des remblais " et du rapport de l'inspection des installations classées du 16 juin 2011, que la mise en place de drains a pour objet de garantir la continuité hydrologique de la nappe phréatique en compensant cette différence de perméabilité ; que les caractéristiques et l'emplacement des drains ont été étudiés pour garantir cette continuité hydrologique ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une atteinte à la ressource en eau manque en fait ;
43. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande d'autorisation provisoire de l'exploitation, que la société Aisne granulats est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 19 août 2011 du préfet de l'Aisne ; que, par voie de conséquence, les demandes présentées par l'association " Le râle des genêts " et M. E...devant le tribunal administratif et les conclusions présentées en appel par l'association sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'association " Le râle des genêts " une somme de 2 000 euros à verser à la société Aisne granulats, pour les deux instances, sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 29 octobre 2013 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande de l'association " Le râle des genêts " formée devant le tribunal administratif d'Amiens et ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : La demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.
Article 4 : L'association " Le râle des genêts " versera à la société Aisne granulats une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aisne granulats, à l'association " Le râle des genêts ", à M. D...E...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Aisne.
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N°14DA00123 2