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08/10/2015 | FRANCE | N°14DA02000

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 08 octobre 2015, 14DA02000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 22 mai 2014 du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1402928 du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 22 mai 2014 du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1402928 du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 19 décembre 2014 et le 4 septembre 2015, M.E..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler pour le temps nécessaire au nouvel examen de sa demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard, une somme de 2 000 euros à verser à Me A... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.E..., ressortissant libérien, relève appel du jugement du 18 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2014 du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français, pour une durée de deux ans ;

2. Considérant que l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, dès lors, suffisamment motivé ;

3. Considérant que l'arrêté du 22 mai 2014 en litige a été signé par M. B...D..., sous-préfet, secrétaire général de la préfecture, qui a agi dans le cadre d'une délégation de signature qui lui avait été consentie par un arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 25 avril 2013, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que cette délégation habilitait M. D...à signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception d'actes parmi lesquels ne figurent pas les actes de la nature des décisions attaquées ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

Sur le refus de titre de séjour :

4. Considérant que les prescriptions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, qui ont seulement pour objet d'éclairer les préfets dans la mise en oeuvre de leur pouvoir discrétionnaire de régularisation, ne sont par suite pas invocables à l'appui du recours dirigé contre un refus de titre de séjour ; que dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. E...au regard des prescriptions de cette circulaire est inopérant ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; qu'il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points ;

6. Considérant, d'une part, que M. E...se prévaut notamment de sa présence en France depuis le 24 janvier 2011, ainsi que du décès de ses deux parents ; que, toutefois, ces circonstances ne sont pas de nature à justifier une admission exceptionnelle au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé ;

7. Considérant, d'autre part, que M. E...ne justifie pas de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ; que, dès lors, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché la décision contestée d'un vice de procédure en s'abstenant de saisir la commission du titre de séjour du cas de l'intéressé et n'a ainsi pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus d'un titre de séjour ;

9. Considérant qu'un justiciable ne peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des stipulations inconditionnelles d'une directive que lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ; qu'il suit de là que M. E...ne peut se prévaloir des stipulations du 2 de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, laquelle a été transposée dans le droit national par la loi du 16 juin 2011 antérieurement à la décision en litige ;

10. Considérant qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et ainsi méconnu l'étendue de sa compétence en ne lui octroyant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

11. Considérant que M.E..., qui est célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas, en dépit notamment de sa participation à des activités d'adaptation à la vie active et à des cours d'initiation à la langue française, que le centre de ses attaches familiales se trouverait en France, ni qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine ; que dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu, ainsi, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

12. Considérant que le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur dans l'appréciation des conséquences de sa décision au regard des risques allégués de contamination par la fièvre hémorragique, en cas de retour de M. E...dans son pays d'origine, est inopérant contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Sur le délai de départ volontaire accordé :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;

14. Considérant que les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile laissent, de façon générale, un délai de trente jours pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, et sauf si l'autorité administrative refuse de faire droit sur ce point à une demande de l'étranger, la motivation du délai de départ volontaire qu'elle accorde se confond avec celle de la décision de retour ; qu'il est constant, en l'espèce, que M. E...n'a pas fait de demande portant sur la fixation d'un délai de départ volontaire différent ; que, par suite, son moyen tiré de l'absence de motivation du délai de trente jours doit être écarté ;

15. Considérant qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux " ;

16. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; que, dès lors, M. E...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de cette directive ; qu'ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 5 et du paragraphe 2 de l'article 7 de cette directive doivent être écartés comme inopérants ;

17. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet se serait abstenu de procéder à l'examen de la situation personnelle de M. E...en assortissant l'obligation de quitter le territoire d'un délai de départ volontaire de trente jours ; que, par ailleurs, M. E...n'allègue pas s'être prévalu auprès de l'administration de circonstances particulières nécessitant que, à titre exceptionnel, un délai de départ supérieur à trente jours lui fût accordé ;

Sur le pays de destination :

18. Considérant que si M. E...se prévaut de ce qu'une épidémie de fièvre hémorragique Ebola sévit actuellement au Libéria, le risque de contamination par le virus de cette fièvre hémorragique ne peut être regardé comme un risque de torture ou un risque de peines ou traitements inhumains ou dégradants, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, au demeurant, que M. E...encourrait un risque sérieux d'être affecté par le virus de la fièvre hémorragique, qui sévit sur certaines portions du territoire du pays dont il a la nationalité, tel que son retour au Libéria pourrait lui faire directement et personnellement craindre pour sa vie ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée a été prise en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, ainsi, être écarté ; que par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de M.E... ; qu'en outre, et compte tenu de ce qui a été dit au point 11, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. E...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) III. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que, toutefois, le moyen soulevé par M.E..., tiré de ce que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas suffisamment motivé la décision contestée au regard de ces critères, manque en fait et doit, par suite, être écarté ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA02000
Date de la décision : 08/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SOW

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-10-08;14da02000 ?
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