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26/05/2015 | FRANCE | N°13DA01177

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 26 mai 2015, 13DA01177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Cap Levage a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre 2006 et le 30 septembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1007840 du 27 juin 2013, le tribunal administratif de Lille a prononcé cette décharge.

Procédure devant la cour :

Par un recours

et un mémoire, enregistrés le 16 juillet 2013 et le 14 novembre 2013, le ministre délégué chargé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Cap Levage a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre 2006 et le 30 septembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1007840 du 27 juin 2013, le tribunal administratif de Lille a prononcé cette décharge.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 16 juillet 2013 et le 14 novembre 2013, le ministre délégué chargé du budget demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de ce jugement du tribunal administratif de Lille du 27 juin 2013 ;

2°) de remettre ces impositions et pénalités à la charge de l'EURL Cap Levage.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Domingo, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Marjanovic, rapporteur public.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les charges déductibles :

1. Considérant qu'en application des articles 38, 39 et 209 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable au litige, les charges nées au cours d'un exercice doivent entrer en compte pour la détermination du bénéfice imposable dudit exercice, que ces charges aient ou non déjà été payées au moment de la clôture de cet exercice, sauf à démontrer que ces charges demeurent... ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'EURL Cap Levage a déduit du bénéfice imposable de l'exercice clos le 30 septembre 2007 les charges afférentes à des prestations facturées par la société Esec le 27 novembre 2001 pour un montant de 6 179 euros HT et le 31 août 2002 pour un montant de 50 396,36 euros HT, qu'elle n'avait pas comptabilisées lors des exercices correspondants ; que l'EURL Cap Levage, qui ne conteste pas que les prestations dont s'agit ont été réalisées et qu'elle en avait connaissance, n'établit ni qu'elle ne pouvait déterminer le montant de sa dette avec suffisamment de précision à la clôture de chacun des exercices concernés ni, en tout état de cause, que les conditions nécessaires à la constitution d'une provision n'étaient pas réunies ; que, dès lors, la société Cap Levage, qui au surplus ne justifie pas de la date de réception des factures en cause, ne pouvait déduire les charges correspondantes au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2007 ; que c'est par suite à bon droit que l'administration a réintégré dans les résultats imposables de cet exercice les sommes de 6 179 euros et 50 396 euros ;

En ce qui concerne le transfert de bénéfices à l'étranger :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France (...) / A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement " ; que les dispositions de cet article sont applicables aux bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés, en vertu de l'article 209 du même code ;

4. Considérant que l'article 57 du code général des impôts institue une présomption de l'existence d'un transfert indirect de bénéfices par une société assujettie à l'impôt sur les sociétés en France vers l'étranger lorsque l'administration fiscale établit, d'une part, l'existence de liens de contrôle ou de dépendance entre cette société et des entreprises situées hors de France, sauf dans l'hypothèse, pour laquelle cette condition n'est pas exigée, où ces dernières sont établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A du code général des impôts, et, d'autre part, l'octroi d'avantages consentis par cette société à ces entreprises ; qu'il s'agit d'une présomption simple, que la société contribuable peut combattre en apportant la preuve que ces avantages ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation et ne constituent pas un transfert indirect de bénéfices ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.A..., qui détient, depuis le 30 septembre 2005, la totalité du capital social de l'EURL Cap Levage et en assure la gestion, détient également 1 478 des 1 500 actions de la société Esec, société de droit belge au sein de laquelle il exerce les fonctions d'administrateur délégué ; que dès lors, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un lien de dépendance entre l'EURL Cap Levage et la société Esec au sens des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts ;

6. Considérant qu'au cours des exercices clos le 30 septembre 2006 et le 30 septembre 2007, l'EURL Cap Levage, qui est sous-traitante de la société Esec pour un chantier de maintenance industrielle d'une cimenterie en Belgique, a mis du personnel à la disposition de cette société en sa qualité de prestataire de main-d'oeuvre ; qu'elle a également mis à la disposition de la société Esec des engins de manutention qu'elle a elle-même pris en location et dont le loyer a été comptabilisé dans ses charges pour des montants respectifs de 59 187 euros HT et de 42 055 euros HT au titre des exercices clos le 30 septembre 2006 et le 30 septembre 2007 ; que si l'EURL Cap Levage a bien facturé à la société Esec le coût de la main-d'oeuvre affectée par cette dernière société au chantier de la cimenterie, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle n'a pas répercuté dans les factures qu'elle a adressées à la société Esec le montant des loyers correspondant au matériel de levage utilisé par cette société sur le site du chantier ; que l'administration doit ainsi être regardée comme établissant que l'EURL Cap Levage a consenti un avantage à la société belge Esec ; que l'EURL Cap Levage doit dès lors être présumée avoir réalisé, au sens des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts, des transferts de bénéfices à une entreprise située hors de France ; qu'il lui incombe, par suite, de démontrer soit que l'absence de répercussion dans l'établissement des factures concernant la société Esec du montant des loyers du matériel de levage ne constitue pas un avantage, soit l'existence d'une contrepartie à l'avantage ainsi octroyé ;

7. Considérant que si l'EURL Cap Levage fait valoir, d'une part, que le pourcentage de chiffre d'affaires constitué par ses relations commerciales avec la société Esec est inférieur, contrairement à ce qu'allègue l'administration, à 95 % et s'établit en fait à 92,8 % pour l'exercice clos le 30 septembre 2006 et à 42,9 % pour l'exercice suivant et, d'autre part, que l'avantage consistant à s'abstenir de répercuter dans la facturation de ses prestations le coût de la location d'engins de levage qu'elle-même supporte est également consenti à ses autres clients, elle ne justifie par aucun élément probant la réalité de cette allégation ; qu'en particulier si les trois bons de commandes produits au dossier, dont certains sont au demeurant largement antérieurs aux exercices en litige ainsi qu'à la prise de contrôle par M. A...de l'EURL Cap Levage, mentionnent que celle-ci met effectivement à la disposition de ses clients du matériel de manutention, il n'est pas pour autant établi, à défaut de la production de factures ou d'éléments de sa comptabilité, que la pratique dont elle se prévaut bénéficierait à d'autres clients que la société Esec ; qu'enfin, l'EURL Cap Levage n'établit ni même ne soutient que l'octroi d'un avantage, dont il résulte en outre de l'instruction qu'il affecte de manière sensible la rentabilité de sa prestation concernant le chantier de la cimenterie, trouverait sa justification dans une quelconque contrepartie économique ; que, par suite, c'est à bon droit qu'en application des dispositions de l'article 57 précité du code général des impôts, l'administration a réintégré les sommes correspondant à l'avantage consenti à la société Esec dans les résultats de l'EURL Cap Levage au titre des exercices clos le 30 septembre 2006 et le 30 septembre 2007 ;

Sur les pénalités :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

9. Considérant que pour justifier l'application des majorations prévues par les dispositions précitées du code général des impôts aux rectifications d'impôts notifiées à l'EURL Cap Levage au titre des exercices clos le 30 septembre 2006 et le 30 septembre 2007, l'administration s'est fondée sur la circonstance que la société ne pouvait ignorer, compte tenu de ses liens de dépendance avec la société établie à l'étranger, qu'elle procédait à un transfert de bénéfices destiné à minorer son résultat imposable en France ; que cette circonstance traduit une intention délibérée, de la part de la société, d'éluder une partie de l'impôt ; que l'administration doit, dès lors, être regardée comme ayant apporté la preuve du manquement délibéré de la société à ses obligations fiscales et, par suite, du bien-fondé de l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre délégué chargé du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a déchargé l'EURL Cap Levage des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre 2006 et le 30 septembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

En ce qui concerne les frais exposés en première instance :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat, qui n'était pas la partie perdante, à verser à l'EURL Cap Levage une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'article 2 du jugement attaqué ; que l'exécution du présent arrêt implique, en conséquence, le remboursement de cette somme à l'Etat, sous réserve qu'elle ait été effectivement versée à l'EURL Cap Levage ;

En ce qui concerne les frais exposés en appel :

13. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par l'EURL Cap Levage en appel doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1007840 du 27 juin 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que les pénalités auxquelles l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Cap Levage a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre 2006 et le 30 septembre 2007 sont remises à sa charge.

Article 3 : L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Cap Levage remboursera à l'Etat la somme de 1 000 euros qui lui avait été accordée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle ait été effectivement versée.

Article 4 : Les conclusions de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Cap Levage présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Cap Levage.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°13DA01177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA01177
Date de la décision : 26/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL FILLIEUX - FASSEU AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-05-26;13da01177 ?
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