Vu la requête, enregistrée le 6 février 2014, présentée pour le Groupement agricole d'exercice commun (GAEC)A..., M. B...A...et M. C...A..., ayant tous trois élus domicile 197 rue de la Liberté à Allery (80270), par la SCP Croissant, de Limerville, Orts et Legru ; le GAEC A...et MM. A...demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement avant dire droit n° 1102498 du 26 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, avant de statuer sur la demande de la commune de Limeux tendant à leur condamnation, solidairement avec la société Tereos - Union de coopératives agricoles, à lui verser la somme de 20 846,20 euros en réparation des dommages occasionnés au chemin communal n° 303 dit " chemin des Pluettes ", à l'occasion de l'enlèvement d'un dépôt de betteraves à sucre installé sur cette voie, a ordonné une expertise afin de rassembler les éléments permettant d'appréhender la consistance et le coût des détériorations imputables à un usage anormal de la voie communale ;
2°) de rejeter la requête de la commune de Limeux dirigée contre eux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Limeux et de tout succombant une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- les observations de Me Emmanuel Verfaillie, avocat de la commune de Limeux ;
1. Considérant que pour rechercher, devant le tribunal administratif d'Amiens, la responsabilité solidaire du Groupement agricole d'exercice commun (GAEC) A...et de MM.A..., exploitants de terres agricoles sur le territoire communal, ainsi que de la société Tereos France - Union de coopératives agricoles, exploitants de sucrerie, la commune de Limeux s'est fondée sur la circonstance que des véhicules utilisés par la société Tereos France avaient, le 25 décembre 2009, détérioré le chemin communal n° 303 dit " chemin des Pluettes " à l'occasion de l'enlèvement d'un dépôt de betteraves à sucre installé sur la parcelle de MM. A... et du GAEC A...en empruntant cette voie ; qu'elle s'est alors prévalue, en vue d'obtenir réparation des dégradations causées, des dispositions des articles L. 141-9 du code de la voirie routière et L. 161-8 du code rural et de la pêche maritime ; que le GAEC A...et MM. A... relèvent appel du jugement du 26 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a ordonné une expertise afin de rassembler les éléments permettant d'établir la consistance et le coût des détériorations imputables à un usage anormal de la voie communale ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par MM. A...et D...A...tirée de l'irrecevabilité de la demande de première instance de la commune de Limeux :
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions des articles L. 141-9 du code de la voirie routière et L. 161-8 du code rural et de la pêche maritime :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-9 du code de la voirie routière : " Toutes les fois qu'une voie communale entretenue à l'état de viabilité est habituellement ou temporairement soit empruntée par des véhicules dont la circulation entraîne des détériorations anormales, soit dégradée par des exploitations de mines, de carrières, de forêts ou de toute autre entreprise, il peut être imposé aux entrepreneurs ou propriétaires des contributions spéciales, dont la quotité est proportionnée à la dégradation causée. / Ces contributions peuvent être acquittées en argent ou en prestation en nature et faire l'objet d'un abonnement. / A défaut d'accord amiable, elles sont fixées annuellement sur la demande des communes par les tribunaux administratifs, après expertise, et recouvrées comme en matière d'impôts directs " ; qu'aux termes de l'article L. 161-8 du code rural et de la pêche maritime : " Des contributions spéciales peuvent, dans les conditions prévues pour les voies communales par l'article L. 141-9 du code de la voirie routière, être imposées par la commune (...) aux propriétaires ou entrepreneurs responsables des dégradations apportées aux chemins ruraux " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les communes qui entendent imposer aux entrepreneurs ou propriétaires des contributions spéciales sont tenues de rechercher au préalable un accord amiable avec les intéressés ; que cette prescription doit être conciliée avec le principe du règlement annuel de ces contributions, posé par les mêmes dispositions ; que, par suite, les demandes de règlement pour lesquelles l'administration justifie qu'elle a engagé, avant l'expiration de l'année suivant celle où se sont produites les dégradations en cause, des pourparlers en vue d'aboutir à un accord amiable avec l'entrepreneur ou le propriétaire, ne sont recevables devant les tribunaux administratifs que si elles ont été présentées avant l'expiration de l'année civile suivant celle à partir de laquelle la tentative d'accord amiable doit être regardée comme ayant définitivement échoué ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Limeux a fait dresser un procès-verbal d'huissier, le 28 décembre 2009, constatant les dommages occasionnés au chemin dit " des Pluettes " lors de l'opération d'enlèvement d'un dépôt de betteraves à sucre le 25 décembre 2009 sur la parcelle de MM. A...et du GAECA... ; que la commune de Limeux a informé ces derniers des désordres par lettre recommandée et a transmis, le 19 janvier 2010, à l'assureur du GAEC, un devis de remise en état du chemin dont le revêtement a été endommagé ; que la commune de Limeux a également mis en demeure le GAECA..., par l'intermédiaire de son assureur, par lettre recommandée reçue le 9 avril 2010, de faire part de ses intentions quant à la réparation des désordres devant, selon la commune, être mise à sa charge ; que ces démarches doivent être considérées comme ayant eu pour effet d'engager une tentative préalable d'accord amiable entre MM.A..., D...A...et la commune de Limeux ; que la tentative préalable d'accord amiable doit être regardée comme ayant échoué, alors même que le GAEC A...n'a pas opposé de refus explicite ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le GAEC A...et MM. A...doit être rejetée ;
En ce qui concerne le défaut d'intérêt à agir :
5. Considérant que si le GAEC A...fait valoir que la commune de Limeux ne justifie pas d'un intérêt à agir du fait d'un transfert de la compétence voirie à la communauté de communes qui résulterait de l'existence d'une commission " aménagement du territoire voirie " au sein de cet établissement public de coopération intercommunale, elle n'établit toutefois par aucune pièce l'existence de ce transfert de compétence ; que cette fin de non-recevoir doit dès lors être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties " ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 141-9 du code de la voirie routière que la quotité des contributions spéciales doit être proportionnée à la dégradation causée et ne peut être fixée par le juge administratif, à défaut d'accord amiable, qu'après expertise ; que si les pièces du dossier et notamment le procès-verbal d'huissier dressé à la demande de la commune de Limeux, le 28 décembre 2009, font clairement apparaître des dégradations significatives du chemin " des Pluettes ", en lien avec l'usage qui en a été fait le 25 décembre précédent, par le GAECA..., l'état du dossier ne permet pas de confirmer l'état du chemin communal et les modalités de son entretien ; que, dans ces conditions, et afin de se prononcer sur le bien-fondé et le montant de la contribution spéciale qui serait mise à la charge du GAECA..., le cas échéant, pour la remise en état du chemin communal, il y a lieu, conformément à l'application combinée des dispositions de l'article L. 141-9 du code de la voirie routière et de celles de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, d'ordonner une expertise, afin de rassembler tous les éléments permettant d'appréhender la consistance et le coût des détériorations imputables à un usage anormal de la voie communale, compte tenu de son état de viabilité ; que, par suite, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a ordonné, avant dire droit, une expertise ;
7. Considérant que les contributions spéciales prévues par les dispositions susvisées de l'article L. 141-9 du code de la voirie routière peuvent être mises à la charge aussi bien des propriétaires de terrains desservis par une voie, pour le compte desquels des entrepreneurs ont utilisé des véhicules l'ayant endommagé, que de ces entrepreneurs eux-mêmes ; qu'à cet égard, le GAEC A...ne saurait se prévaloir de ce qu'il ne serait pas propriétaire, ni gardien des véhicules lourds utilisés pour l'enlèvement des betteraves de la parcelle appartenant à MM. A..., dès lors qu'il ne conteste pas avoir contracté avec ces derniers afin d'assurer cette prestation, sous sa propre responsabilité ; qu'en jugeant dans les circonstances de l'espèce, que les transports à l'origine des dégradations du chemin communal avaient été effectués par le GAECA..., lequel devait être, par suite, regardé, le cas échéant, comme redevable de la contribution spéciale prévue par l'article L. 141-9 du code de la voirie routière, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GAEC A...et MM. A... le versement à la commune de Limeux d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Limeux, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser au GAEC A...et MM. A...la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GAEC A...et de MM. A...est rejetée.
Article 2 : Le GAEC A...et MM. A...verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Limeux en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAECA..., à M. B...A..., à M. C...A..., à la commune de Limeux et à la société Tereos France - Union de coopératives agricoles.
''
''
''
''
4
3
N°14DA00227