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17/02/2015 | FRANCE | N°14DA00479

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 17 février 2015, 14DA00479


Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2014, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Smail Investissement, dont le siège est 1 avenue Jean Jaurès à Dieppe (76200), représentée par Me F...D..., liquidateur judiciaire, par Me A...B... ; la SARL Smail Investissement demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101194 du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1

er janvier 2006 au 31 décembre 2007 et des cotisations supplémentaires d'impôt su...

Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2014, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Smail Investissement, dont le siège est 1 avenue Jean Jaurès à Dieppe (76200), représentée par Me F...D..., liquidateur judiciaire, par Me A...B... ; la SARL Smail Investissement demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101194 du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- les observations de Me Valérie Rouillon, avocate de la SARL Smail Investissement ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 février 2015, présentée pour la SARL Smail Investissement ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité :

1. Considérant que la société Smail Investissement, qui exerce une activité de restauration sur place et à emporter et qui a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité, se bornait à porter globalement en fin de journée dans ses écritures le montant des recettes encaissées selon le mode de paiement, sans procéder à un relevé détaillé de ses opérations au moyen de fiches de caisse ou de bandes de caisse enregistreuse ; que les bordereaux de remise en banque et les tableaux mensuels récapitulatifs des recettes par mode de paiement présentés par la société ne permettaient pas de contrôler le montant exact des ventes ; que le vérificateur a en outre relevé, ainsi qu'il ressort du procès-verbal établi à l'occasion des opérations de contrôle le 16 février 2009, que la société requérante ne tenait pas d'inventaire physique des stocks de marchandises et qu'elle n'avait pas présenté les journaux auxiliaires ; que, dans ces conditions, l'administration était fondée à estimer que la comptabilité de l'entreprise n'était ni sincère ni probante et, après l'avoir écartée, à procéder à la reconstitution des résultats déclarés ;

2. Considérant que l'instruction du 21 octobre 1954, invoquée par les requérants, se borne à donner des recommandations aux vérificateurs et ne constitue pas une interprétation formelle du texte fiscal ; que la réponse ministérielle faite le 22 juin 1972 à la question de M. C..., député, subordonne la comptabilisation globale des recettes quotidiennes à la condition que les commerçants puissent en justifier le détail par la présentation de fiches de caisse ou d'une main courante correctement remplie ; que la SARL Smail Investissement n'a présenté aucune pièce justificative du détail de ses recettes quotidiennes et ne remplissait donc pas les conditions posées par la doctrine invoquée ; que la réponse ministérielle faite le 19 janvier 1982 à M.E..., sénateur, qui institue une simple tolérance comptable relative à l'enregistrement des recettes en espèces et en chèques sur le livre de caisse, ne dispensait pas, en tout état de cause, la société Smail Investissement de fournir des justificatifs des produits vendus ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

3. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la comptabilité de la société requérante comportait de graves irrégularités qui la privaient de valeur probante ; qu'en outre, les impositions supplémentaires résultant des omissions de chiffre d'affaires relevées par l'administration ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, il incombe à la société requérante de démontrer, en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, l'exagération de ses bases d'imposition ;

4. Considérant que le contribuable à qui incombe la charge de prouver l'exagération de l'évaluation administrative peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases imposables, soit encore aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une autre méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle pouvant être atteinte par la méthode initialement utilisée par l'administration ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société Smail Investissement au titre des années 2006 et 2007, le vérificateur a calculé le montant des recettes réalisées sur la vente de boissons à partir des factures d'achat et des prix de vente pratiqués au cours des années vérifiées et en tenant compte d'un pourcentage de 15 % de pertes et d'offerts ainsi que de la consommation du personnel ; qu'il a établi, sur la base des ventes réalisées en janvier et février 2009, à 14 % la part des liquides dans le total des recettes de la société ; qu'il a ensuite déterminé les recettes globales de la société pour les années 2006 et 2007 en appliquant ce taux aux recettes des liquides de chacune de ces deux années ; que la société Smail Investissement ne saurait utilement soutenir que les recettes autres que les liquides n'ont pas fait l'objet d'une évaluation, ni que le taux de marge des liquides a été appliqué aux ventes des solides, dès lors que la méthode mise en oeuvre par l'administration est fondée sur les proportions respectives des recettes de ces deux catégories de ventes, constatées au cours des opérations de contrôle ; que si la société requérante fait valoir que le service ne pouvait utiliser les prix de vente pratiqués en 2009 pour reconstituer les résultats des années antérieures, il n'est ni établi ni même allégué que le vérificateur aurait eu accès, eu égard au caractère lacunaire et peu probant de la comptabilité, à des données plus pertinentes et que les conditions d'exploitation au cours de l'année 2009 auraient été très différentes de celles des années 2006 et 2007 ; que, dès lors, la société requérante n'apporte pas la preuve que la méthode d'évaluation de l'administration, qui tient compte des conditions réelles d'activité de l'entreprise, aurait été, dans son principe, radicalement viciée et aurait conduit à exagérer les bases de ses impositions dans des conditions de nature à lui ouvrir droit à la décharge des impositions contestées ;

6. Considérant que la société Smail Investissement fait également valoir que l'administration a omis de prendre en compte, lors des opérations de contrôle, l'existence d'une seconde caisse destinée à enregistrer les recettes provenant des consommations du bar prises hors de la partie restauration ; qu'à partir d'un dépouillement des bandes de cette caisse enregistreuse réalisé sur la période des mois de janvier et de février 2009, la société requérante évalue à 19 % la part des liquides dans le total de ses recettes ; qu'elle ajoute enfin que les boissons comprises dans les menus enfants à 2,50 euros seraient facturées à 0,50 euro et à un euro pour les menus de cinq euros ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le vérificateur a pris en compte les recettes de liquides comprises dans les menus à 5 euros, qu'il a évaluées, sur la base d'un prix de vente de 1,90 euro le liquide, à 5 225 euros pour chacune des années contrôlées, soit un montant supérieur à celui que propose la société requérante pour les menus à 5 euros et les menus pour enfant à 2,50 euros ; qu'en outre, le calcul proposé par la SARL Smail Investissement à partir des bandes enregistreuses de la caisse du bar, dont la société fait pour la première fois état sans établir qu'elle était effectivement utilisée lors des exercices vérifiés, inclut la vente du café, qui n'avait pas été prise en compte par le service ; que, dans ces conditions, les évaluations proposées par la société Smail Investissement ne permettent pas d'établir que la méthode retenue par l'administration serait excessivement sommaire, alors, en outre, que l'application du ratio dont se prévaut la société conduit pour les exercices 2006 et 2007 à un chiffre d'affaires inférieur à celui qui a été déclaré ;

7. Considérant que la société Smail Investissement n'établit pas, en l'absence de pièces justificatives ou probantes, que les pertes, les offres promotionnelles et les consommations de boissons par le personnel, qui ont été retenues, après avis de la commission départementale des impôts, au stade de l'évaluation des recettes sur la vente des liquides, auraient été sous-estimées par l'administration et ne correspondraient pas aux conditions réelles d'exploitation ;

8. Considérant, enfin, que la société requérante ne peut utilement se prévaloir des termes de la documentation de base 4 G-3343 précisant que, le cas échéant, les bases imposables du contribuable sont reconstituées selon plusieurs méthodes de reconstitution, dès lors que ce texte ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Sur les pénalités :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société, au cours des années en cause, enregistrait globalement ses recettes en fin de journée sans pouvoir justifier de leur détail par des pièces comptables, tel que bandes de caisses enregistreuses ou fiches ; qu'elle ne tenait pas de livre d'inventaire et n'a pu présenter de journaux auxiliaires ; que l'état lacunaire de la comptabilité de la société requérante lui permettait ainsi de minorer son chiffre d'affaires dans des proportions s'élevant respectivement à 22 % et à 20 %, du montant total des recettes hors taxes des exercices 2006 et 2007 ; que ces éléments de fait caractérisent l'importance et le caractère répétitif des omissions constatées et traduisent en l'espèce la volonté délibérée, de la part de la société, d'éluder une partie de l'impôt ; que l'administration doit, dès lors, être regardée comme ayant apporté la preuve du manquement délibéré de la société à ses obligations fiscales et, par suite, du bien-fondé de l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Smail Investissement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Smail Investissement la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Smail Investissement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me F...D..., liquidateur judicaire de la SARL Smail Investissement et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°14DA00479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 14DA00479
Date de la décision : 17/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL GUY FARCY-OLIVIER HORRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-02-17;14da00479 ?
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