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09/12/2014 | FRANCE | N°14DA00378

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 09 décembre 2014, 14DA00378


Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2014, présentée pour M. C... A..., domicilié..., par Me B...Herdewyn ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306960 du 2 décembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2013 par lequel le préfet du Nord a décidé sa remise aux autorités italiennes et a ordonné son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somm

e de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 199...

Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2014, présentée pour M. C... A..., domicilié..., par Me B...Herdewyn ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306960 du 2 décembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2013 par lequel le préfet du Nord a décidé sa remise aux autorités italiennes et a ordonné son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à l'aide juridictionnelle ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

1. Considérant que, par arrêté du 27 novembre 2013, le préfet du Nord a décidé de remettre M.A..., ressortissant afghan, né le 1er janvier 1978, aux autorités italiennes et de le placer en rétention administrative ; que M. A...relève appel du jugement du 2 décembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui figure dans le livre V de ce code relatif aux mesures d'éloignement : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. " ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " (...) III. - En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification (...). Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine (...) L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office(...) " ; qu'enfin, en vertu des termes mêmes de l'article L. 512-3 dudit code un ressortissant étranger qui a saisi le tribunal administratif ne peut être éloigné d'office avant que le tribunal n'ait statué sur son recours ;

3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu organiser une procédure spéciale afin que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures relatives à l'éloignement des étrangers, hors la décision refusant le séjour et les mesures d'expulsion, lorsque ces derniers sont placés en rétention ou assignés à résidence ; que cette procédure est applicable quelle que soit la mesure d'éloignement, autre qu'un arrêté d'expulsion, en vue de l'exécution de laquelle le placement en rétention ou l'assignation à résidence ont été pris, y compris en l'absence de contestation de cette mesure ; qu'ainsi, dans le cas où un étranger est placé en rétention en vue de sa remise aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire en application de l'article L. 531-1 du code précité, il appartient au président du tribunal administratif ou au magistrat qu'il délègue de statuer, selon les dispositions du III de l'article L. 512-1, sur les conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention et sur celles dirigées contre la décision aux fins de réadmission, notifiée à l'intéressé en même temps que la mesure de placement en rétention ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ces mêmes dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'audience est tenue dans des conditions irrégulières si l'étranger dont le recours est examiné a été empêché d'y assister par le fait de l'administration, alors même qu'il y est représenté par un avocat ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a été interpellé dans la nuit du 26 au 27 novembre 2013, par les services de la police de l'air et des frontières, patrouillant sur le territoire de la commune de Loon-Plage, alors qu'il se trouvait dans la remorque d'un poids lourd ; qu'après avoir constaté que l'intéressé était entré en France en provenance directe d'Italie, où il disposait d'un permis de séjour, le préfet du Nord a demandé le jour même aux autorités italiennes si elles acceptaient de le réadmettre sur leur territoire ; qu'à la suite de la réponse affirmative de celles-ci, le représentant de l'Etat a, par un arrêté notifié à M. A... dans l'après-midi du 27 novembre 2013, ordonné sa remise aux autorités italiennes et, dans l'attente de la mise à exécution de cette décision, prononcé son placement en rétention administrative ; que l'intéressé a alors sollicité, par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille le 28 novembre 2013 l'annulation de cet arrêté ; que, toutefois, sans attendre qu'il ait été statué sur ce recours, le préfet du Nord a informé le tribunal, par télécopie du 30 novembre 2013, que le requérant avait été réadmis ce même jour en Italie ; que c'est ainsi hors la présence de M.A..., que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, pourtant dûment averti de la remise effective de l'intéressé aux autorités italiennes, a statué en audience publique, le 2 décembre 2013, sur sa demande en annulation ;

6. Considérant que M. A...fait valoir que la procédure suivie par le magistrat désigné est entachée d'irrégularité dès lors qu'il a statué sur sa requête en dépit de l'impossibilité pour lui de se défendre à l'audience du fait de l'exécution de l'arrêté qu'il contestait ; qu'il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 5, que M. A...a été empêché par l'administration d'assister à l'audience ; qu'il suit de là que le jugement attaqué a été rendu selon une procédure irrégulière, alors même que l'avocat de M. A...était présent à l'audience ; que le jugement du 2 décembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille doit, par suite, être annulé ;

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard à la grave méconnaissance par le préfet du Nord du droit au recours effectif de M.A..., il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lille afin que ce dernier statue sur sa demande après avoir enjoint à l'administration d'accomplir auprès des autorités italiennes les diligences nécessaires pour que M. A...puisse, dans toute la mesure du possible, revenir sur le territoire français pour se présenter personnellement à l'audience que le tribunal administratif aura fixée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant qu'il y a lieu, sous réserve que Me Herdewyn, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1306960 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 2 décembre 2013 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Lille.

Article 3 : L'Etat versera à Me Herdewyn, avocat de M.A..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et au tribunal administratif de Lille.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

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N°14DA00378


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00378
Date de la décision : 09/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : HERDEWYN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-12-09;14da00378 ?
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