Vu la décision du 15 mai 2013 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour le centre hospitalier spécialisé de Navarre, annulé l'arrêt n° 10DA00763 du 23 décembre 2011 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires présentées par la société GDF Suez Energie Services et, dans cette mesure, renvoyé l'affaire devant la même cour ;
Vu l'arrêt n° 10DA00763 du 23 décembre 2011 de la cour administrative d'appel de Douai ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 septembre 2013, présenté pour la société GDF Suez Energie Services, venant aux droits de la société Cofathec services, par Me Xavier Savignat ;
La société GDF Suez Energie Services demande à la cour :
1°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Navarre à lui verser la somme de 705 037,76 euros au titre des loyers de crédit-bail échus entre le 1er juillet 2007 et le 30 juin 2012, chaque loyer étant majoré du taux de l'intérêt légal à compter de sa date d'échéance ;
2°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Navarre à lui verser la somme de 368 420 euros au titre du manque à gagner résultant de la résiliation du marché, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2007, date de réception de la réclamation préalable ;
3°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Navarre à lui verser la somme de 0,15 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2012 ;
4°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Navarre à lui verser la contre-valeur des primes d'assurance payées pour son compte ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de Navarre une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services approuvé par le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- les observations de Me Xavier Savignat, avocat de la société GDF Suez Energie Services, et de Me Amandine Coste, avocat du centre hospitalier spécialisé de Navarre ;
1. Considérant que, par un acte d'engagement du 12 mars 1999 avec date d'effet au 1er août 1999 pour une durée de treize années, le centre hospitalier spécialisé de Navarre a confié à la société Sochan, aux droits de laquelle est venue la société Cofathec Services, un marché public de fourniture d'énergie (chauffage et eau chaude sanitaire), ainsi que la conduite et la maintenance des installations de chauffage, le financement, la conception, l'établissement des ouvrages et l'exploitation d'une unité de cogénération ; que, le 19 février 2007, le centre hospitalier spécialisé de Navarre a informé la société Cofathec Services de sa décision de résilier le contrat ; que, le 29 mai 2007, la société Cofathec Services a adressé deux recours au centre hospitalier spécialisé de Navarre tendant à l'annulation de la décision de résiliation du marché, à la reprise effective du matériel par le centre hospitalier, au paiement d'une somme de 705 037,76 euros, et à l'allocation du montant symbolique prévu à l'article 4-4-2 du cahier des clauses particulières ; que ces différentes demandes ont été rejetées implicitement par le centre hospitalier spécialisé de Navarre ; que, par jugement du 27 avril 2010, le tribunal administratif de Rouen, saisi par la société Cofathec Services, aux droits de laquelle vient la société GDF Suez Energie Services, a rejeté ses deux requêtes, du 3 août 2007 (n° 0702113) et du 21 février 2008 (n° 0800520) demandant la condamnation du centre hospitalier spécialisé de Navarre à lui verser les sommes de 705 037,76 euros, 0,15 euro, 405 262 euros ainsi que la contre valeur des primes d'assurance payées pour son compte et couvrant l'installation de cogénération et d'enjoindre au centre hospitalier spécialisé de Navarre de prendre possession de l'unité de cogénération, sous astreinte ; que, par un arrêt n° 10DA00763 du 23 décembre 2011, la cour administrative d'appel de Douai a, sur recours de la société GDF Suez Energie Services, annulé le jugement du 27 avril 2010 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions de la société Cofathec Services tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 19 février 2007 du centre hospitalier spécialisé de Navarre résiliant le marché d'exploitation de chauffage et, d'autre part, condamné le centre hospitalier spécialisé de Navarre à verser à la société GDF Suez Energie Services les sommes de 405 262 euros et, dans une limite totale de 705 037,76 euros, une somme de 617 479,27 euros et les loyers restant à échoir entre le 1er octobre 2011 et le 30 juin 2012 ; que, par une décision du 15 mai 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 23 décembre 2011 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires présentées par la société GDF Suez Energie Services et a, en conséquence, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, renvoyé à la cour le dossier de l'affaire ;
Sur les préjudices résultant de l'illégalité de la décision de résiliation :
2. Considérant, en premier lieu, que le centre hospitalier s'est fondé sur la clause prévue à l'article 11.3 du cahier des clauses particulières aux termes duquel : " Si, pendant le délai contractuel, les prix k, P2 ou P3 subissent, dans les conditions définies à l'article 10.1 ci-dessus, un ajustement de plus de 30 %, chacune des deux parties pourra demander la renégociation du marché au terme de l'exercice en cours. / Si la renégociation qui s'en suit n'aboutissait pas dans un délai de six mois, le contrat pourrait être résilié sans indemnité " ; qu'il résulte de l'instruction que, par sa décision du 19 février 2007, le centre hospitalier spécialisé de Navarre a entendu mettre un terme aux prestations confiées à la société Cofathec Services en résiliant le marché en cause ; que, dès lors, en résiliant " à titre conservatoire " le marché, le centre hospitalier a entendu faire application de l'article 11.3 du cahier précité ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des nombreux courriers échangés dès le 28 juin 2006 entre la société Cofathec Services et le centre hospitalier spécialisé de Navarre, que les négociations prévues par les stipulations précitées de l'article 11.3 du cahier des clauses particulières avaient été régulièrement mises en oeuvre par ce dernier, celui-ci ayant constaté une augmentation du prix de l'énergie au terme de l'exercice en cours, sans qu'il puisse lui être fait sérieusement reproche d'avoir refusé la négociation alors qu'il demandait, par ailleurs, le remboursement de la somme qui lui était due résultant d'une surfacturation non contestée de la société Cofathec Services ; que, face à l'échec de la renégociation dans le délai de six mois eu égard à l'absence de proposition de la société Cofathec Services, la résiliation du marché pouvait intervenir le 19 février 2007 ;
4. Considérant, en troisième lieu, que le centre hospitalier a produit de nombreux échanges de courriers à l'appui de ses demandes de négociations à la suite d'une importante hausse du prix de l'énergie qui lui était facturée, supérieure à 70 % depuis la passation du marché ; qu'ainsi, les conditions de fond posées par les stipulations précitées de l'article 11.3 du cahier des clauses particulières étaient réunies, sans qu'il y ait lieu de distinguer si une telle augmentation résultait de l'énergie " k " mais également de l'augmentation de l'entretien courant " P2 " ou gros entretien " P3 " visés par cet article 11.3 ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que comme l'a jugé de manière définitive la cour, la décision de résiliation dont il s'agit a été prise par une autorité incompétente ; qu'il appartient au juge de rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir au profit du cocontractant un droit à indemnité ; que, toutefois, comme il a été dit au point 4, la décision du centre hospitalier spécialisé de Navarre de résilier le marché le liant à la société Cofathec Services est justifiée au fond ; que, dès lors, la circonstance que la décision de résiliation a été prise par une autorité incompétente n'est pas de nature à ouvrir droit à indemnisation ; que, par suite, la société Cofathec Services n'est pas fondée à demander l'indemnisation du manque à gagner qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de la résiliation du marché litigieux, ainsi que le paiement par le centre hospitalier spécialisé de Navarre de la contre valeur des primes d'assurance payées pour son compte et couvrant l'installation de cogénération ;
Sur le paiement des sommes dues résultant du contrat :
6. Considérant, en premier lieu, que, le 31 janvier 2008, la société Cofathec Services a transmis au centre hospitalier spécialisé de Navarre une facture datée du 29 janvier 2008 d'un montant de 26 710,16 euros, portant décompte définitif ; que le centre hospitalier spécialisé de Navarre a refusé, par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 avril 2008, de régler cette facture en se prévalant de la procédure contentieuse en cours ; que, par suite, c'est à tort que, par son jugement, le tribunal administratif de Rouen a estimé que cette décision du 4 avril 2008 constituait le décompte de liquidation visé à l'article 8 paragraphe 7 du cahier des clauses administratives générales, applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services, annexé au décret du 27 mai 1977, dont la société Cofathec Services, en l'absence de réclamation dans les trente jours, devait être regardée comme l'avoir accepté, lui conférant un caractère définitif ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'article 2.1.2 du cahier des clauses particulières que le marché est régi par les stipulations du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services ;
8. Considérant qu'aux termes du paragraphe 7 de l'article 8 du cahier des clauses administratives générales, applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services, annexé au décret du 27 mai 1977, applicable au marché : " En cas de résiliation du marché, quelle qu'en soit la cause, une liquidation des comptes est effectuée (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 30 du même cahier : " (...) Le décompte de liquidation du marché (...) est arrêté par décision de la personne publique et notifié au titulaire " ; qu'aux termes des paragraphes 1 et 2 de l'article 34 de ce cahier : " 34.1. Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet de la part du titulaire d'un mémoire de réclamation qui doit être communiqué à la personne responsable du marché dans le délai de trente jours compté à partir du jour où le différend est apparu. / 34.2 La personne publique dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation. " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces stipulations que la résiliation met fin aux relations contractuelles et que la personne responsable du marché doit en établir le décompte de liquidation ; qu'en l'absence de décompte, il appartient au cocontractant, avant de saisir le juge, de présenter un mémoire de réclamation à la personne responsable du marché, précisant les fondements et les motifs présentés à l'appui du montant réclamé en réparation des préjudices résultant de la résiliation du contrat ; que, toutefois, la seule résiliation du marché ne pouvant être regardée comme ayant fait naître le différend relatif au solde du marché, objet de la réclamation de la société, ce n'est qu'à compter de la notification du décompte de liquidation que doit être calculé le délai de trente jours ;
10. Considérant qu'en l'absence du projet de décompte de liquidation notifié à la société Cofathec Services, le délai de trente jours prévu par le 1 de l'article 34 ci-dessus rappelé du cahier des clauses administratives générales fournitures courantes et de services n'avait pas commencé à courir ;
11. Considérant que, par réclamations préalables présentées respectivement les 31 mai et 6 décembre 2007, la société Cofathec Services a formé des demandes d'indemnité au centre hospitalier, d'un montant total de 705 037,76 euros, ainsi que la somme de 0,15 euro dont il est constant qu'elles correspondent à la valeur de la partie non amortie de l'ouvrage et constituent, dès lors, des sommes dues au titre de l'exécution par la société requérante des prestations mises à sa charge par le contrat, et non une indemnité de résiliation au sens des stipulations de l'article 31 du cahier des clauses administratives générales, précisant ainsi les différents préjudices dont elle demande réparation ;
12. Considérant que, par suite, la société GDF Suez Energie Services est fondée à demander la condamnation du centre hospitalier spécialisé de Navarre à lui verser la somme de 705 037,76 euros ainsi que la somme de 0,15 euro assorties des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2007 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de Navarre une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société GDF Suez Energie Services et non compris dans les dépens ;
15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société GDF Suez Energie Services les frais exposés par le centre hospitalier spécialisé de Navarre et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le centre hospitalier spécialisé de Navarre est condamné à verser à la société GDF Suez Energie Services la somme de 705 037,76 euros ainsi que la somme de 0,15 euro assorties des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2007.
Article 2 : Le jugement n° 0702113 et n° 0800520 du 27 avril 2010 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier spécialisé de Navarre versera à la société GDF Suez Energie Services une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société GDF Suez Energie Services est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier spécialisé de Navarre présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société GDF Suez Energie Services et au centre hospitalier spécialisé de Navarre.
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N°13DA00920