Vu l'ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 12 novembre 2012 attribuant le jugement de la requête de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois à la cour administrative d'appel de Douai ;
Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés le 19 novembre 2012, présentés pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, dont le siège est 11 boulevard Allende à Arras cedex (62014), par la SCP Peignot Garreau Bauer-Violas ; la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0706116 du 7 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de condamnation in solidum du centre hospitalier de Lens et de la société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser la somme de 181 866,17 euros au titre de ses dépenses de santé actuelles et éventuellement futures, avec intérêts à compter du 13 novembre 2007, et capitalisation des intérêts, et la somme de 980 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à ce qu'il soit mis à leur charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Lens et la société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser la somme de 181 866,17 euros, avec intérêts à compter du 13 novembre 2007, et capitalisation des intérêts, et la somme de 980 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Lens et de la société hospitalière d'assurances mutuelles une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;
1. Considérant, qu'à la suite d'un accident de la circulation, M. A...a été admis au centre hospitalier de Lens où il a été opéré le 21 mars 2003 par ostéosynthèse avec mise en place d'une plaque tibiale et de vis épiphysaires et métaphysaires pour des fractures métaphysaire du tibia gauche et diaphysaire haute du péroné ; qu'au cours de son hospitalisation, M. A...a contracté une infection ayant nécessité, en janvier 2006, une amputation trans-cuisse de la jambe gauche ; qu'après avoir indemnisé M. A...et, depuis son décès, son épouse, ayant droit, à la suite d'une transaction, la société Axa France, assureur du responsable de l'accident, a demandé la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, du centre hospitalier de Lens et de son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles, à l'indemniser des conséquences dommageables de l'infection contractée par M. A...; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois ainsi que la société Axa France relèvent appel du jugement du 7 décembre 2011 du tribunal administratif de Lille rejetant leurs demandes d'indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, le centre hospitalier de Lens et la société hospitalière d'assurances mutuelles ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; qu'aux termes de l'article R. 751-2 du même code : " Les expéditions des décisions sont signées et délivrées par le greffier en chef ou, au Conseil d'Etat, par le secrétaire du contentieux " ;
3. Considérant que la circonstance que les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier ne figurent pas sur les expéditions du jugement attaqué est sans incidence sur sa régularité, dès lors que la minute de ce jugement comporte les signatures exigées ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Lens et la société hospitalière d'assurances mutuelles :
4. Considérant que la requête et les mémoires enregistrés le 19 novembre 2012 comportent des conclusions et des moyens dirigés contre le jugement attaqué ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête serait irrecevable, en raison d'un défaut de conclusions et de moyens, manque en fait et doit être écartée ;
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'appel incident de la société Axa France :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret (...) " ; que, toutefois, aux termes de l'article L. 1142-1-1 inséré au même code par la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale applicable aux faits en litige : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) " ; qu'en vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale prévue par ces dernières dispositions, qui constitue un régime d'indemnisation distinct de celui défini au I de l'article L. 1142-1, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident (...). " ;
7. Considérant qu'il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et des articles 28 et 29 de la loi du 5 juillet 1985, que les recours des tiers payeurs, subrogés dans les droits d'une victime d'un dommage qu'elles organisent, s'exercent à l'encontre des auteurs responsables de l'accident survenu à la victime ; que la réparation qui incombe, sous certaines conditions, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, en vertu des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, a pour objet d'assurer, au titre de la solidarité nationale, la prise en charge des conséquences d'un accident médical, d'une affection ou d'une infection qui ne peuvent être imputées à la faute d'un professionnel, d'un établissement ou service de santé ou au défaut d'un produit de santé, sans que cet établissement public ait la qualité d'auteur responsable des dommages ; qu'ainsi, les recours subrogatoires des tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime d'un dommage corporel, organisés par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, ne peuvent être exercés contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales lorsque celui-ci a pris en charge la réparation de ce dommage au titre de la solidarité nationale ;
8. Considérant, qu'en vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 de ce code, la réparation au titre de la solidarité nationale, qui constitue un régime distinct de celui de la responsabilité pour faute défini au I de l'article L. 1142-1, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales auquel est confiée la mission d'indemniser, à ce titre et non en qualité d'auteur responsable, la victime ou ses ayants droit des dommages occasionnés par la survenue d'une infection nosocomiale ; que, par suite, les tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime d'un dommage entrant dans les prévisions de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ne peuvent exercer contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le recours subrogatoire prévu par les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale, 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 et 29 de la loi du 5 juillet 1985 ; que, dès lors c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de la société Axa France et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois dirigées contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à raison des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale subie par M. A...;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le centre hospitalier de Lens et la société hospitalière d'assurances mutuelles :
9. Considérant que, pour rejeter la responsabilité pour faute du centre hospitalier, le tribunal a estimé qu'aucune faute n'était établie, ni même invoquée, à l'origine du dommage, notamment un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales alors que l'expert, désigné par jugement avant dire droit du 26 novembre 2010, a relevé, sans qu'il soit au demeurant nécessaire de prévoir une nouvelle expertise, que l'enchaînement des faits, la localisation, l'abcès et le type de germes étaient plutôt en faveur d'une infection nosocomiale et que le dommage constituait une conséquence anormale d'un acte chirurgical et de l'infection liée aux soins ; qu'en statuant ainsi, et alors que seule la responsabilité pour faute présumée était expressément soulevée par la société Axa France, et non une faute pour manquement caractérisé, le tribunal administratif de Lille a commis une erreur de droit ; qu'il y a donc lieu pour la cour d'examiner, par l'effet dévolutif de l'appel, la responsabilité du centre hospitalier de Lens et de son assureur sur le fondement de la faute ;
10. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique que, lorsque l'indemnisation de la victime d'une infection nosocomiale ou d'une victime indirecte est assurée au titre de la solidarité nationale, le législateur a entendu que la responsabilité de l'établissement de santé ne puisse être recherchée par les tiers payeurs subrogés dans les droits de la victime que dans les cas où l'origine du dommage réside dans une faute commise par l'établissement de soins, en particulier en cas de manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ;
11. Considérant qu'il n'est pas soutenu, tant en première instance qu'en appel, que l'infection contractée par M. A...au sein du centre hospitalier de Lens résulterait d'une faute établie pour manquement caractérisé à l'origine du dommage, notamment un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ; que, par suite, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois et la société Axa France ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
13. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois et la société Axa France doivent, dès lors, être rejetées ;
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Axa France une somme de 1 500 euros, à verser à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Axa France sont rejetées.
Article 3 : La société Axa France versera à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, à la société Axa France, au centre hospitalier de Lens, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Copie sera adressée à Mme B...C...-A....
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N°12DA01677