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28/05/2014 | FRANCE | N°13DA00381

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 28 mai 2014, 13DA00381


Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2013, présentée pour la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, représentée par son président en exercice, dont le siège est 21 rue Marcel Sembat, BP 65 à Lens (62302), par la SCP Savoye et associés ;

La communauté d'agglomération de Lens-Liévin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904996 du 17 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à la garantir du coût de la dépollution des parcelles lui appartenant situées à Hulluch et Hai

snes et accueillant des puits de mine remblayés ;

2°) de condamner l'Etat à prendre ...

Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2013, présentée pour la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, représentée par son président en exercice, dont le siège est 21 rue Marcel Sembat, BP 65 à Lens (62302), par la SCP Savoye et associés ;

La communauté d'agglomération de Lens-Liévin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904996 du 17 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à la garantir du coût de la dépollution des parcelles lui appartenant situées à Hulluch et Haisnes et accueillant des puits de mine remblayés ;

2°) de condamner l'Etat à prendre en charge le coût de dépollution des parcelles situées à Hulluch et Haisnes ou à la garantir du coût de la dépollution du site ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner à rembourser la contribution à l'aide juridique ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code minier ;

Vu le décret n° 2007-1806 du 21 décembre 2007 portant dissolution et mise en liquidation de Charbonnages de France et modifiant le décret n° 2004-1466 du 23 décembre 2004 relatif à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs ;

Vu l'arrêté du 19 novembre 2012 portant prolongation du mandat du liquidateur de Charbonnages de France publié au Journal officiel de la République française du 21 novembre 2012 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hubert Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de Me Audrey d'Halluin, avocat de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin ;

1. Considérant qu'au mois d'août 2002, la communauté d'agglomération de Lens-Liévin a acquis des parcelles situées à Hulluch et à Haisnes, d'une surface totale d'environ dix hectares, jusque là propriété de Charbonnages de France, sur lesquelles avaient été exploités deux puits de mines remblayés à la fin des années 1970 ; que, dans le cadre d'un projet d'installation d'une zone d'activités sur une partie de ces terrains, la communauté d'agglomération a fait réaliser des analyses de sols qui ont mis en évidence une pollution aux métaux lourds, aux hydrocarbures et au goudron ; que, compte tenu de la mise en liquidation de l'établissement public national Charbonnages de France prononcée par le décret n° 2007-1806 du 21 décembre 2007, la communauté d'agglomération a demandé au préfet du Pas-de-Calais, par un courrier notifié le 29 avril 2009, que l'Etat la garantisse du coût de la dépollution du site, évalué entre 2 455 000 et 2 860 000 euros hors taxes ; que la communauté d'agglomération de Lens-Liévin relève appel du jugement du 17 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat, comme étant mal dirigée ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions de l'article 75-1 du code minier, reprises désormais à l'article L. 155-3 du même code : " L'explorateur ou l'exploitant ou, à défaut, le titulaire du titre minier est responsable des dommages causés par son activité. (...) / (...) / En cas de disparition ou de défaillance du responsable, l'Etat est garant de la réparation des dommages causés par son activité minière. Il est subrogé dans les droits de la victime à l'encontre du responsable " ;

3. Considérant que les actions qui tendent à mettre en oeuvre la responsabilité civile de l'explorateur ou de l'exploitant ou, à défaut, du titulaire du titre minier, sur le fondement du premier alinéa de l'article 75-1 du code minier, pour les dommages causés par l'activité minière qui a, par nature, un caractère industriel, relève en principe de la compétence du juge judiciaire, que cette action trouve sa cause directement dans les conséquences de cette activité ou dans un contrat de mutation foncière intervenu entre l'auteur du dommage et la victime ;

4. Considérant qu'en revanche, si l'action procède du refus par l'Etat d'assurer la garantie prévue par le troisième alinéa du même article, en cas de disparition ou de défaillance du responsable, un tel litige repose sur un régime spécifique de solidarité et relève ainsi en principe de la juridiction administrative ;

5. Considérant, d'autre part, que le décret du 21 décembre 2007, qui a organisé la procédure de dissolution et de mise en liquidation de l'établissement public industriel et commercial, Charbonnages de France, prévoit, à l'article 1er que : " (...). / L'Etablissement public est dissous le 1er janvier 2008 et mis en liquidation à compter de la même date. / Au 1er janvier 2008, l'ensemble des autres biens, droits et obligations de Charbonnages de France est transféré à l'Etat à l'exception, d'une part, de ceux définis à l'article 3 du présent décret, relatifs aux opérations de liquidation, (...) " ; qu'aux termes également de l'article 3 de ce même décret : " Le liquidateur est chargé de pourvoir : / 1° A la liquidation des créances et des dettes (...) ; / (...) / 4° Au traitement des litiges et des contentieux en cours et des litiges et contentieux à venir pendant la période de liquidation (...) ; / 5° Au règlement des indemnités dues à l'issue des litiges et des contentieux mentionnés au 4° du présent article à l'exclusion des indemnités relatives aux dommages miniers. / (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte, en premier lieu, des dispositions précitées du décret du 21 décembre 2007 que l'Etat est, à compter du 1er janvier 2008, subrogé dans les droits et obligations de Charbonnages de France notamment pour les indemnités relatives aux dommages miniers ; que, dès lors, les actions dirigées sur le fondement des dispositions de ce décret, contre l'Etat, substitué à Charbonnages de France, relèvent, en principe, du juge judiciaire conformément à ce qui a été dit au point 3 ;

7. Considérant qu'il résulte, en second lieu, de ces mêmes dispositions qu'elles font obstacle à ce que puisse être constatée la défaillance ou la disparition du responsable des dommages miniers causés par Charbonnages de France au sens du dernier alinéa de l'article 75-1 du code minier devenu l'article L. 155-3 du même code ;

8. Considérant que la pollution aux métaux lourds, aux hydrocarbures et au goudron, qui résulterait de l'activité minière exercée par Charbonnages de France, entre dans le champ d'application des dommages visés par le premier alinéa de l'article 75-1 du code minier devenu l'article L. 155-3 du même code ; qu'en l'espèce, le dommage subi par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin trouve son origine dans l'activité minière de l'établissement public ; qu'en outre, le contrat de mutation foncière intervenu entre Charbonnages de France et la communauté d'agglomération de Lens-Liévin est un contrat de droit privé ;

9. Considérant que, pour prononcer le rejet de la demande de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin comme étant mal dirigée, le tribunal administratif de Lille s'est fondé, dans son jugement attaqué, sur les prérogatives confiées, pendant la phase de liquidation de Charbonnages de France, au liquidateur par les dispositions de l'article 3 du décret du 21 décembre 2007 précitées ; que, toutefois et ainsi qu'il a été dit au point 6, il appartenait, dans ce cas, à la seule autorité judiciaire de se prononcer sur la demande au fond de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin au regard des dispositions issues du décret du 21 décembre 2007 ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille s'est estimé compétent pour rejeter, sur le fondement des dispositions de ce décret, la demande de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin ; que, par conséquent, le jugement du 17 janvier 2013 doit être annulé comme entaché d'irrégularité ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin présentée devant la juridiction administrative ;

11. Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, la communauté d'agglomération de Lens-Liévin précise qu'elle n'a entendu rechercher la responsabilité de l'Etat que sur le fondement de la garantie prévue au dernier alinéa de l'article 75-1 du code minier ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, ces dispositions donnent compétence à la juridiction administrative pour se prononcer sur un tel litige ;

12. Mais considérant que les dispositions du décret du 21 décembre 2007, en substituant, notamment pour les dommages miniers, l'Etat aux droits et obligations de Charbonnages de France dès le 1er janvier 2008, font obstacle, ainsi qu'il a été dit au point 7, à ce que puisse être constatée la défaillance ou la disparition du responsable des dommages miniers causés par Charbonnages de France ; que, dans ces conditions, l'action dirigée contre l'Etat n'entre pas dans le champ d'application du dernier alinéa de l'article 75-1 du code minier ; que, par suite, les conclusions de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin présentées, sur le fondement de ces dispositions, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que le liquidateur de Charbonnages de France, appelé en observations, n'étant pas partie à l'instance devant la cour, les mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin la somme qu'il demande en appel au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le remboursement de la contribution à l'aide juridique réclamée par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 janvier 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin devant le tribunal administratif de Lille et les conclusions d'appel présentées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par Charbonnages de France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, à Charbonnages de France et au ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.

Copie sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA00381
Date de la décision : 28/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.

Mines et carrières - Mines.

Responsabilité de la puissance publique - Problèmes d'imputabilité - Personnes responsables - État ou autres collectivités publiques - État ou établissement public.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Delesalle
Avocat(s) : SCP SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-05-28;13da00381 ?
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