Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2013, et la production de pièces complémentaires, enregistrée le 10 avril 2013, présentées pour Mme B...A..., demeurant..., par Me Emmanuelle Lequien ; Mme A... demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 3 et 4 du jugement n° 1300838 du 13 février 2013 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2013 du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;
2°) d'annuler les décisions attaquées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 392 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller ;
- les observations de Me Emmanuelle Lequien, avocate de MmeA... ;
1. Considérant que Mme B...A..., ressortissante guinéenne née le 5 mai 1982, relève appel du jugement du 13 février 2013 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, après avoir annulé son placement en rétention, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2013 du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant, en premier lieu, que Mme A...soutient que le préfet aurait dû solliciter ses observations avant de prendre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et se prévaut à l'appui de ce moyen de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du principe général des droits de la défense, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne [C-383/13 PPU du 10 septembre 2013] une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ;
3. Considérant qu'il ressort du procès-verbal établi le 8 février 2013 par les services de police à Lille au vu duquel l'arrêté attaqué a été pris, que la requérante affirmait être entrée en France en janvier 2009, à l'âge de vingt-sept ans, s'y être maintenue en situation irrégulière, être en concubinage avec un ressortissant français, sans enfant, sans revenu et être hébergée chez son oncle à Paris, que sa mère réside en Guinée, mais que sa tante, son oncle et un frère, tous ressortissants français, résident en France où elle veut continuer à résider ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A...aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir qui auraient conduit le préfet à prendre une décision différente ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en prenant à son encontre une mesure d'éloignement sans la mettre en mesure de présenter ses observations, le préfet aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement et également méconnu les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A... soutient que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il mentionne que son conjoint serait un compatriote alors qu'il est de nationalité française, il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet aurait porté la même appréciation sur la situation privée et familiale de la requérante et pris la même décision s'il n'avait pas commis l'erreur alléguée ; qu'il ressort également des pièces du dossier, et notamment de l'audition par les services de police le 8 février 2013, que la requérante y a déclaré être célibataire et n'a pas fait mention de la nationalité de son concubin ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis, sur ce point, une erreur de fait ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;
6. Considérant que Mme A...fait valoir séjourner en France depuis plus de quatre ans, résider chez un parent français dont l'état de santé nécessite sa présence, qu'elle a pour compagnon un ressortissant français avec lequel elle projette d'avoir un enfant ; que lors de son interpellation, le 8 février 2013, elle avait rendez-vous avec un praticien en vue d'une procréation médicalement assistée ; que toutefois, la requérante, qui réside en France depuis plusieurs années en situation irrégulière, est célibataire et sans enfant, n'établit pas l'existence de liens privés et familiaux en France alors qu'il est constant que sa mère réside toujours en Guinée où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans ; que, si elle établit avoir besoin d'une procréation médicalement assistée pour concevoir un enfant, elle n'établit, par les pièces qu'elle produit, qu'un tel protocole serait actuellement en cours ; que, dans ces conditions, la décision par laquelle le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'en conséquence, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée ;
8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;(...) " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que durant plus de quatre ans Mme A... s'est maintenue sur le territoire sans titre de séjour, que lors de son interpellation elle a affirmé sa volonté de demeurer en France ; qu'elle n'a entrepris aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative ; que, dans ces conditions, en estimant qu'il existait un risque que Mme A...se soustraie à la mesure d'éloignement et en lui refusant en conséquence l'octroi d'un délai de départ volontaire, alors même qu'elle ne constituait pas une menace pour l'ordre public, le préfet du Nord n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ou méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée ;
11. Considérant que la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ;
12. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, auxquelles se réfère l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que Mme A...ne produit aucun élément de nature à prouver l'existence de risques réels et sérieux pour sa santé ou sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le préfet du Nord n'a pas méconnu les stipulations, ni les dispositions précitées ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°13DA00517