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03/04/2014 | FRANCE | N°13DA00985

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 03 avril 2014, 13DA00985


Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2013, présentée pour M. A...D..., domicilié..., par Me C...B... ;

M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301986 du 2 avril 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2013 du préfet du Pas-de-Calais prononçant sa remise aux autorités italiennes ainsi que son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'E

tat la somme de 2 392 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'arti...

Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2013, présentée pour M. A...D..., domicilié..., par Me C...B... ;

M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301986 du 2 avril 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2013 du préfet du Pas-de-Calais prononçant sa remise aux autorités italiennes ainsi que son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 392 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller ;

Sur la légalité de la décision ordonnant la remise aux autorités italiennes :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Sous réserve des conventions internationales, du justificatif d'hébergement prévu à l'article L. 211-3, s'il est requis, et des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement (...) " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 211-3 du même code : " Lorsque l'entrée en France est motivée par un transit, l'étranger justifie qu'il satisfait aux conditions d'entrée dans le pays de destination " ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 531-1 du même code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne " ;

4. Considérant que M.D..., ressortissant albanais né en 1983, a été interpellé par les services de la police aux frontières à bord d'un camion en provenance d'Espagne le 28 mars 2013 et a déclaré vouloir se rendre en Grande-Bretagne ; que, pour ordonner la remise aux autorités italiennes de l'intéressé, le préfet du Pas-de-Calais a retenu qu'il ne disposait pas d'un visa d'entrée sur le territoire britannique, contrairement aux dispositions de l'article R. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, en s'abstenant d'examiner si l'étranger pouvait être regardé comme étant en séjour régulier en France compte tenu notamment des conditions d'entrée sur le territoire prévues à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Pas-de-Calais a commis une erreur de droit ; que M. D... est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a estimé que la décision de remise pouvait légalement se fonder sur l'absence de titre de séjour lui permettant d'entrer régulièrement en Grande-Bretagne ;

5. Considérant, toutefois, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existante à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

6. Considérant que le préfet du Pas-de-Calais se prévaut d'un nouveau motif dont il entend demander qu'il se substitue, le cas échéant, à celui contenu dans sa décision et qui est tiré de ce que M. D...ne disposait, à la date de sa décision, d'aucune ressource propre, et ne justifiait pas disposer d'un moyen de retour ou d'une assurance rapatriement, pas plus que d'une assurance maladie, l'intéressé ne pouvant en conséquence être regardé comme étant entré régulièrement en France au sens de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...déclare être entré en France en mars 2013, en provenance d'Italie et à destination de la Grande-Bretagne ; qu'il est titulaire d'un passeport biométrique albanais valable jusqu'au 10 mars 2021 le dispensant de tout visa ; qu'il ne soutient, ni n'allègue, disposer de ressources propres, d'un moyen de retour ou des assurances mentionnées au point 6 ; qu'ainsi, il ne remplit pas les conditions d'entrée régulière sur le territoire français fixées à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : que, dès lors, M. D...n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une procédure de remise aux autorités italiennes en application des dispositions combinées des articles L. 211-1 et L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet du Pas-de-Calais aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif qui repose sur la situation existante à la date de la décision ; que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations sur la demande de substitution et n'a donc été privé d'aucune garantie essentielle ; que, par suite, il y a lieu de substituer ce motif à celui fondé sur la circonstance que l'intéressé était démuni de visa d'entrée en Grande-Bretagne ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 mars 2013 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a ordonné sa remise aux autorités italiennes ;

Sur la légalité de la décision de placement en rétention :

9. Considérant qu'il résulte du point 8 que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la mesure ordonnant son placement en rétention administrative serait illégale du fait de l'illégalité de la décision prononçant sa remise aux autorités italiennes ;

10. Considérant que M. D...ne peut invoquer directement devant le juge national les stipulations de l'article 15 de la directive 2008/115/CE visée ci-dessus, dès lors qu'elles ont été transposées en droit français par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ; que, par suite, ce moyen, qui est inopérant, doit être écarté ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 562-1 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. D...est en possession d'un passeport en cours de validité, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il disposerait dans ce pays d'une résidence certaine et stable ; que, par suite, M. D...ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir tout risque de fuite au sens de l'article L. 561-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet du Pas-de-Calais a pu, sans commettre d'erreur dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé, ordonner son placement en rétention administrative ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision le plaçant en rétention administrative ;

14. Considérant que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. D... fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., au ministre de l'intérieur et à Me C...B....

Copie sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA00985
Date de la décision : 03/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Delesalle
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-04-03;13da00985 ?
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