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03/04/2014 | FRANCE | N°13DA00736

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 03 avril 2014, 13DA00736


Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2013, présentée par le préfet de la Seine-Maritime qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300806 du 27 mars 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de Mme D...C..., l'arrêté du 25 mars 2013 par lequel il a ordonné, d'une part, la remise aux autorités polonaises de l'intéressée et, d'autre part, son placement en rétention administrative, lui a fait injonction de procéder au réexamen de la situation de Mme C...dans un délai d'un mois et a mis

la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 d...

Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2013, présentée par le préfet de la Seine-Maritime qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300806 du 27 mars 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de Mme D...C..., l'arrêté du 25 mars 2013 par lequel il a ordonné, d'une part, la remise aux autorités polonaises de l'intéressée et, d'autre part, son placement en rétention administrative, lui a fait injonction de procéder au réexamen de la situation de Mme C...dans un délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C...;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique, et notamment son article 37, et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller ;

1. Considérant que MmeC..., ressortissante russe née le 20 novembre 1962, a déposé une demande d'asile le 25 février 2012 auprès de la préfecture de la Seine-Maritime ; que la consultation du fichier " Eurodac " a mis en évidence que l'intéressée était connue des autorités polonaises depuis le 27 décembre 2011 pour avoir déposé en Pologne une demande d'asile ; que le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de Mme C..., les deux arrêtés du 25 mars 2013 ordonnant, pour l'un, la remise aux autorités polonaises de l'intéressée et, pour l'autre, son placement en rétention administrative ;

2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 4 de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 : " Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets " ;

3. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

4. Considérant qu'il est constant que la note d'information relative aux modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003, de ses délais et de ses effets, qui est revêtue de la signature de MmeC..., lui a été remise le 11 mars 2013 préalablement à la décision du même jour prononçant son refus d'admission au séjour en application du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dernière a été informée, ainsi que le prévoit le paragraphe 4 de l'article 3 du règlement précité, par écrit dans l'une des langues qu'elle a déclaré comprendre, en l'espèce le russe ou le tchétchène, du contenu de cette note ; qu'en revanche, celle-ci lui a été traduite par le truchement d'un interprète en langue russe au moment de sa remise à l'intéressée ; qu'il ressort également des pièces du dossier que, conformément aux indications fournies dans la note, Mme C...s'est rendue aux différentes convocations fixées par le préfet au cours de la procédure en vue de sa remise aux autorités polonaises, laquelle a été finalement prononcée le 25 mars 2013 ; que si Mme C...n'a pas contesté la décision du 11 mars 2013 lui refusant l'admission au séjour, en revanche, elle a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation des mesures de remise aux autorités polonaises et de placement en rétention administrative ; qu'ainsi, l'absence de traduction en langue russe ou tchétchène, par écrit, de la note d'information n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, privé l'intéressée du bénéfice de la garantie prévue par le paragraphe 4 de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que cette absence de traduction écrite n'a, en outre, exercé aucune influence sur le sens des décisions contestées ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, pour annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime décidant sa remise aux autorités polonaises et, par voie de conséquence de l'annulation de celui la plaçant en rétention administrative, a retenu le moyen tiré de la violation du paragraphe 4 de l'article 3 du règlement précité ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant la juridiction administrative ;

Sur la décision ordonnant sa remise aux autorités polonaises :

6. Considérant que, par un arrêté du 23 janvier 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Seine-Maritime a donné à M. Thierry Hegay, secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer notamment les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

7. Considérant que la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de l'acte attaqué manque en fait et doit être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix " ;

9. Considérant que, par les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger sa remise aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision de remise aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne ;

10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime se soit abstenu d'examiner la mise en oeuvre de la clause de souveraineté prévue au paragraphe 2 de l'article 3 précité du règlement (CE) n° 343/2003 et se soit cru tenu d'ordonner la remise aux autorités polonaises de Mme C...; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime a méconnu le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement du 18 février 2003 ;

11. Considérant, enfin, que si Mme C...soutient qu'elle n'a pas été mise à même de bénéficier des garanties prévues par l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier que le courrier remis à l'intéressée le 11 mars 2013 précisait qu'elle avait la possibilité de présenter des observations ; que ce courrier lui a été notifié alors qu'elle était assistée d'un interprète ; qu'elle a été ainsi mise en mesure de présenter des observations avant l'exécution de la décision de remise ;

Sur la décision ordonnant le placement en rétention administrative :

12. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles énoncées aux points 6 et 7, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du défaut de motivation de l'arrêté doivent être écartés ;

13. Considérant que les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité ; qu'en tout état de cause, contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte des termes du procès-verbal, dressé par un agent de police judiciaire et signé par la requérante assistée d'un interprète en langue russe, que Mme C...a reçu copie, le 25 mars 2013 à 10 heures 35, de l'arrêté préfectoral ordonnant son placement en rétention ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 562-1 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ;

15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...est dépourvue de document d'identité ou de voyage en cours de validité ; que l'attestation d'hébergement produite par l'intéressée en appel, établie postérieurement à la décision attaquée, ne permet pas d'établir qu'elle disposait antérieurement à cette date d'une résidence stable et certaine, alors qu'elle avait déclaré une autre domiciliation lors de la présentation de sa demande d'asile ; que la seule circonstance qu'elle ait répondu de manière volontaire à l'ensemble des convocations de la préfecture dont elle a fait l'objet dans le cadre de l'examen de sa situation ne permet pas de justifier de l'existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir tout risque de fuite, pour l'application des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime a pu, sans entacher son arrêté d'une erreur d'appréciation, ordonner le placement en rétention administrative de MmeC... ;

16. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme C..., qui n'apporte aucun élément de précision ou de justification à l'appui de ses affirmations, s'opposerait à son placement en rétention et l'exposerait à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 25 mars 2013 ordonnant la remise aux autorités polonaises de Mme C...et celui du même jour ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressée ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par le conseil de Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 27 mars 2013 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Rouen et les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D...C...et à Me B...A....

Copie sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°13DA00736 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA00736
Date de la décision : 03/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: M. Delesalle
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-04-03;13da00736 ?
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