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03/04/2014 | FRANCE | N°12DA01302

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 03 avril 2014, 12DA01302


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 24 août 2012, 17 septembre 2012 et 18 janvier 2013, présentés pour la société Les compagnons paveurs, société anonyme, dont le siège est 2 allée de la Mixité à Lieusant (77564), par Me Jean-Louis Hecker ;

La société Les compagnons paveurs demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1002105 du 26 juin 2012 en tant que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté, par son article 3, les conclusions tendant à obtenir le règlement des travaux supplémentaires qu'elle a effec

tués, en qualité de sous-traitant de la société SOBECA, dans le cadre de l'aménageme...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 24 août 2012, 17 septembre 2012 et 18 janvier 2013, présentés pour la société Les compagnons paveurs, société anonyme, dont le siège est 2 allée de la Mixité à Lieusant (77564), par Me Jean-Louis Hecker ;

La société Les compagnons paveurs demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1002105 du 26 juin 2012 en tant que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté, par son article 3, les conclusions tendant à obtenir le règlement des travaux supplémentaires qu'elle a effectués, en qualité de sous-traitant de la société SOBECA, dans le cadre de l'aménagement de la voirie communale dite " axe Lénine-Jaurès-République " à Montataire, ainsi que la condamnation de la commune pour résistance abusive ;

2°) de condamner la commune de Montataire à lui verser la somme globale de 51 885,73 euros avec intérêts au taux légal en fonction des échéances des différentes factures émises, en paiement des prestations réalisées comme sous-traitant au titre du marché public mentionné ci-dessus ;

3°) de condamner la commune de Montataire à lui verser la somme de 5 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête, pour résistance abusive ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner à la commune la production du métré contradictoire qui a été réalisé ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Montataire la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Odile Le Roux, président-assesseur,

- les conclusions de M. Hubert Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de Me A...C..., substituant Me Jean-Louis Hecker, avocat de la société Les compagnons paveurs ;

1. Considérant que, par acte d'engagement signé le 23 juin 2003, la commune de Montataire a confié à la société Sobeca l'aménagement de la voirie communale dite " axe Lénine-Jaurès-République " ; que, par acte spécial annexé à l'acte d'engagement signé le 1er octobre 2004, elle a accepté la société Les compagnons paveurs en qualité de sous-traitante de la société Sobeca pour la pose des pavés et agréé ses conditions de paiement ; que la société Les compagnons paveurs a saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Montataire à lui verser la somme totale de 51 885,73 euros correspondant au solde du marché de sous-traitance, aux travaux supplémentaires qu'elles a effectués et à des dommages-intérêts pour résistance abusive ; que, par un jugement du 26 juin 2012, le tribunal administratif d'Amiens a, par ses articles 1er et 2, condamné la commune de Montataire à verser à la société Les compagnons paveurs la somme de 21 107,20 euros en règlement du solde du marché de sous-traitance ainsi que la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par son article 3, rejeté le surplus des conclusions de la demande ; que la société Les compagnons paveurs demande l'annulation de l'article 3 du jugement du 26 juin 2012 attaqué ;

Sur l'intervention de MeD... :

2. Considérant qu'est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige ; que compte tenu de sa qualité d'administrateur judiciaire de la société requérante, Me D...justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué ; qu'ainsi, son intervention doit, par suite, être admise ;

Sur la recevabilité des conclusions tendant à la condamnation de la commune de Montataire à verser à la société Les compagnons paveurs la somme de 21 107,20 euros :

3. Considérant que le tribunal administratif d'Amiens a, ainsi qu'il vient d'être dit au point 1, condamné, par l'article 1er du jugement du 26 juin 2012 devenu sur ce point définitif, la commune de Montataire à verser à la société Les compagnons paveurs la somme de 21 107,20 euros ; que la société ayant, sur ce point, obtenu satisfaction n'est pas recevable à demander, en cause d'appel, le versement de cette somme ;

Sur l'absence de qualité pour agir de la société Les compagnons paveurs opposée par la commune de Montataire :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 622-20 du code du commerce : " Le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers. Toutefois, en cas de carence du mandataire judiciaire, tout créancier nommé contrôleur peut agir dans cet intérêt dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) " ; que l'article L. 626-25 du même code dispose que : " Le tribunal nomme, pour la durée fixée à l'article L. 626-12, l'administrateur ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire chargé de veiller à l'exécution du plan. Le tribunal peut, en cas de nécessité, nommer plusieurs commissaires. Les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ou, si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le tribunal. Le commissaire à l'exécution du plan est également habilité à engager des actions dans l'intérêt collectif des créanciers. (...) " ;

5. Considérant que la circonstance qu'au moment de l'introduction de la requête, la société Les compagnons paveurs se soit trouvée en situation de redressement judiciaire ne pouvait faire obstacle à ce qu'elle engageât une action contentieuse dont la recevabilité ne pouvait être éventuellement contestée que par l'administrateur désigné, à raison des intérêts des créanciers qu'il avait mission de préserver ; que la fin de non-recevoir opposée par la commune de Montataire ne peut, dès lors, qu'être écartée ;

Sur les travaux supplémentaires :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la responsabilité de la commune pour n'avoir pas mis la société Sobeca en demeure de régulariser un avenant à l'acte spécial et sur la condamnation de la commune au titre de l'enrichissement sans cause ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Le sous-traitant qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de cette même loi : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1975 que, si l'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle il a été saisi, par le sous-traitant, d'une demande tendant à son paiement direct par le maître d'ouvrage, pour faire connaître son acceptation ou son refus motivé, il doit, faute d'avoir formulé un tel refus dans ce délai, être regardé comme ayant accepté définitivement la demande de paiement ; que, dès lors, le refus qu'il exprimerait après l'expiration du délai de quinze jours ne saurait constituer le refus motivé, au sens de ces dispositions, sur lequel le maître d'ouvrage peut régulièrement fonder son refus de payer au sous-traitant les sommes demandées ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettres recommandées des 10 décembre 2004, 5 janvier et 1er février 2005, reçues respectivement les 14 décembre 2004, 7 janvier et 4 février 2005, la société Les compagnons paveurs a soumis pour acceptation à la société Sobeca une demande de paiement direct pour des travaux supplémentaires qu'elle a chiffrée au montant total de 25 734,62 euros hors taxes ; que, sans réponse de l'entrepreneur principal, elle a adressé, le 8 avril 2005, une nouvelle lettre recommandée, remise à la société Sobeca le 11 avril 2005, réitérant ses demandes et sollicitant la signature d'un avenant à l'acte spécial de sous-traitance du 1er octobre 2004 pour le montant précité ; que si, par une lettre du 12 avril 2005, la société Sobeca a refusé d'accepter les factures et de signer l'avenant à l'acte spécial, ce refus ne pouvait être regardé comme constituant l'opposition de l'entrepreneur principal au paiement direct de son sous-traitant prévue à l'article 8 précité de la loi du 31 décembre 1975 dès lors que, ainsi qu'il vient d'être dit, la société Sobeca, qui n'avait pas répondu dans le délai de quinze jours compté à partir de la réception des demandes de paiement des 10 décembre 2004, 5 janvier et 1er février 2005 de la société Les compagnons paveurs, devait être réputée avoir accepté ces demandes ;

9. Considérant que la procédure instituée par les dispositions précitées de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 ne fait pas obstacle au contrôle par le maître de l'ouvrage du montant de la créance du sous-traitant, compte tenu des travaux qu'il a exécutés et des prix stipulés par le marché ;

10. Considérant que le sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit au paiement direct pour les travaux supplémentaires qu'il a exécutés et qui ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage ainsi que pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l'économie générale du marché, dans les mêmes conditions que pour les travaux dont la sous-traitance a été expressément mentionnée dans le marché ou dans l'acte spécial signé par l'entrepreneur principal et par le maître de l'ouvrage ;

11. Considérant qu'en première instance, la commune de Montataire a contesté seulement devoir payer la somme réclamée, en raison du refus opposé par la société Sobeca aux factures présentées par la société Les compagnons paveurs ; qu'en cause d'appel, la commune de Montataire ne conteste pas sérieusement la réalité des travaux supplémentaires effectués par la société requérante, ni d'ailleurs le fait que la pose des pavés supplémentaires a été indispensable à la réalisation de l'aménagement de la voirie communale ; que, par suite, la société Les compagnons paveurs est fondée à demander la condamnation de la commune de Montataire à lui verser la somme de 25 734,62 euros hors taxes, soit 30 778,61 euros toutes taxes comprises, correspondant aux coûts de ces travaux dont le montant n'est pas sérieusement contesté et qui correspond aux factures émises par la société requérante ;

Sur les intérêts :

12. Considérant qu'en application des dispositions des articles 96 et 116 du code des marchés publics et de l'article 1er du décret n° 2002-232 du 21 février 2002, dans leur rédaction applicable au marché, le défaut de mandatement dans le délai de quarante-cinq jours fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du sous-traitant, des intérêts moratoires à partir du jour suivant l'expiration de ce délai ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Les compagnons paveurs a présenté à la société Sobeca sa demande de règlement le 14 décembre 2004 pour la somme de 14 211,25 euros toutes taxes comprises, le 7 janvier 2005, pour la somme de 11 071,52 euros toutes taxes comprises, et le 4 février 2005, pour la somme de 5 496,84 euros ; que, par suite et compte tenu du délai de quarante-cinq jours devant être pris en compte, la société requérante a droit au versement des intérêts au taux légal sur la somme de 14 211 euros à compter du 29 janvier 2005, sur la somme de 11 071,52 euros à compter du 22 février 2005 et sur la somme de 5 496,84 euros toutes taxes comprises, à compter du 21 mars 2005 ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive :

14. Considérant que la société Les compagnons paveurs demande le versement de 5 000 euros au titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; qu'en l'absence de toute justification d'un préjudice distinct de celui réparé par le versement d'intérêts moratoires, la société n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Les compagnons paveurs est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à lui verser la somme de 30 778,61 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts ;

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montataire une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Les compagnons paveurs et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Les compagnons paveurs, qui n'ont pas, à titre principal, la qualité de partie perdante, la somme réclamée par la commune de Montataire ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de Me D...est admise.

Article 2 : La commune de Montataire est condamnée à verser à la société Les compagnons paveurs la somme de 30 778,61 euros toutes taxes comprises. Cette somme portera intérêts au taux légal dans les conditions prévues au point 13.

Article 3 : L'article 3 du jugement du 26 juin 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Montataire versera à la société Les compagnons paveurs une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Les compagnons paveurs et les conclusions présentées par la commune de Montataire sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les compagnons paveurs, à la commune de Montataire et à Me B...D....

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N°12DA01302 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA01302
Date de la décision : 03/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. Marchés. Sous-traitance.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Marie-Odile Le Roux
Rapporteur public ?: M. Delesalle
Avocat(s) : SCP WACHSMANN HECKER BARRAUX MEYER HOONAKKER ATZENHOFFER STROHL LANG FADY CAEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-04-03;12da01302 ?
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